Procès contre des activistes de la santé au Cameroun

A défaut de respecter leurs engagements, les autorités camerounaises s’en prennent à ceux qui les leur rappellent

Publié le 24 août 2012 sur OSIBouaké.org

Act Up Paris   - 21 août 2012

Communiqué Act Up-Paris - AIDES - Solidarité Sida   - RAME - TAW AFRICA

Mercredi 22 aout 2012, quinze militants associatifs sont assignés à comparaitre devant le tribunal de première instance de Yaoundé « Pour être entendu en qualité de prévenu d’avoir à Yaoundé participé à l’organisation ou manifestation dans un lieu ouvert au public sans avoir fait la déclaration éventuellement requise après l’interdiction légale ; faits prévus et réprimés par les articles 74, et 231 du code pénal » (sic). En réalité, le crime de ces militants associatifs est d’avoir rappelé aux députés camerounais l’engagement pris par le gouvernement de consacrer 15% du budget national à la santé [1]. Ce procès est une fuite en avant des autorités camerounaises. Ceux qui devraient être à la barre le 22 août sont ceux qui n’ont pas tenu leurs promesses, et non ceux qui les leur ont rappelé.

L’affaire remonte à 2010 : constatant la dégradation de la situation sanitaire du Cameroun – caractérisée notamment par la recrudescence du choléra, du paludisme, de la tuberculose et du VIH  -sida   – et déplorant la faiblesse de la réponse du gouvernement face aux difficultés d’accès des populations aux soins malgré les promesses faites, des militants associatifs ont décidé de mettre en place la Coalition 15% [2]. Ce regroupement, comprenant des organisations de santé et de défense des droits humains, s’est fixé pour objectif d’obtenir du gouvernement camerounais et des députés de l’Assemblée Nationale, l’affectation de 15% du budget national à la santé des camerounais, conformément à l’engagement pris par le Chef de l’Etat en 2001 à Abuja.

Ainsi, en prélude de la session parlementaire budgétaire de 2010, la Coalition 15% a décidé d’organiser une campagne de mobilisation et de plaidoyer dont le clou a été une réunion publique d’information sur l’esplanade de l’Assemblée Nationale le 30 novembre 2010. Bien que cette manifestation ait été déposée selon les procédures légales, une quinzaine de membres de la coalition a été interpelée par la police et retenue dix heures durant au commissariat [3]. Relâchés à une heure assez tardive de la nuit, il leur a été dit que la procédure était arrêtée, mais, depuis le vendredi 9 mars 2012 et contre toute attente, les quinze leaders associatifs membres de la coalition sont assignés à comparaitre devant le tribunal de première instance de Yaoundé.

Ce procès contre la Coalition 15% est en réalité un procès contre l’accès aux soins de millions de camerounais. Il aura une influence négative sur l’éligibilité du Cameroun à la plupart des financements internationaux parce qu’il sera demandé un embargo moral sur le Cameroun où les autorités cherchent à réduire au silence les PVVIH   et les militants des droits humains qui demandent au gouvernement de tenir ses engagements.

Nous joignons nos voix à celles des 150 signataires de la « pétition contre le procès 15% au Cameroun » pour exiger :

  • du procureur de la République du Cameroun qu’il renonce aux poursuites à l’endroit de nos camarades au nom des millions de malades du Cameroun
  • du gouvernement, des parlementaires et du Président Camerounais, qu’ils assument leurs engagements et allouent le budget nécessaire pour faire face aux besoins sanitaires de leur population.

imprimer

retour au site


[1] Dans la Déclaration qu’ils ont adoptée au Sommet d’Abuja, qui s’est tenu du 24 au 27 avril 2001, les dirigeants africains se sont engagés, entre autres, à consacrer au moins 15 % de leur budget annuel à l’amélioration du secteur de la santé.

[2] La coalition 15% regroupe plus de 300 associations intervenant dans le domaine de la santé et des droits humains, animée par Positive-Generation

[3] Conformément à la loi n°90/055 du 19 Décembre 1990 portant régime des réunions et des manifestations publiques, la réunion a été déclarée le 26 novembre, soit dans les délais légaux impartis de 3 jours minimum avant la date projetée. Les participants ont été arrêtés sous le prétexte que la réunion était frappée d’interdiction, interdiction qui n’a jamais été notifiée aux organisateurs de la réunion.