Des ONG demandent plus d’argent pour les malades du SIDA

Publié le 15 décembre 2010 sur OSIBouaké.org

IPS - Arsène Séverin - Brazzaville - 9 décembre 2010 - Des Organisations non gouvernementales (ONG) luttant contre le SIDA   en Afrique de l’ouest et du centre, ont exprimé, à Brazzaville, leurs craintes suite à la réduction attendue des financements du Fonds mondial de lutte contre le SIDA  , la tuberculose et le paludisme.

En prélude au conseil d’administration du Fonds mondial, prévu du 13 au 15 décembre à Sofia, en Bulgarie, ces organisations se sont concertées, au cours d’une réunion, le 7 décembre dans la capitale congolaise, pour adopter une position commune. Selon ces ONG, le Fonds mondial annoncera la réduction des crédits le 16 décembre. "Ce qui serait une vraie catastrophe sanitaire dans nos pays", ont-elles affirmé dans une déclaration.

"Au Cameroun, des milliers de malades verront leur traitement coupé, et d’autres n’y accéderont pas", a indiqué à IPS, Fogui Fogue, président de Positive génération, une ONG basée à Yaoundé, la capitale camerounaise. Selon les statistiques officielles, 76.200 malades sont sous traitement anti-rétroviral (ARV  ) dans ce pays.

"Ce qui va arriver, c’est la catastrophe, car plus de 91 pour cent des malades chez nous suivent le traitement grâce au Fonds mondial", a souligné Thérèse Omari, responsable de Femme Plus, une ONG basée à Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC). Déjà avec les financements prévus, seulement 44.000 malades sont sous traitement, et 230.000 attendent d’être mis sous ARV  , a-t-elle indiqué à IPS, ajoutant : "Faute d’argent, ils meurent dans l’attente".

Simon Kaboré, président du Réseau accès aux médicaments essentiels, basé à Ouagadougou, au Burkina Faso, a expliqué à IPS : "Quasiment tous les jours, il y a de nouveaux malades qui commencent leur traitement et d’autres doivent aller en phase deux".

Valérie Maba, présidente du Réseau national des associations des positifs du Congo, basé à Brazzaville, affirme que si les financements du Fonds mondial n’arrivaient pas en totalité, de nombreux malades se verront priver le traitement.

"Nous avons pu bénéficier, ces deux dernières années, de 45 millions de dollars du Fonds mondial, et cela nous a permis de prendre en charge plus de la moitié de nos malades. C’est encore insuffisant", a reconnu le père Bernard Diafouka, membre du Comité national du fonds à Brazzaville.

Le gouvernement congolais estime à quelque 120.000 le nombre de malades du SIDA  . "Mais, seulement le tiers est sous traitement", a souligné à IPS, Thierry Maba, séropositif, responsable de l’Association des jeunes positifs du Congo, une ONG locale.

Attendant pour la période 2011-2013, 20 milliards de dollars de ses donateurs (13 pays), le Fonds mondial ne recevra que 11,7 milliards de dollars. Selon cette institution, 9,9 milliards sont déjà engrangés et serviront à la poursuite des traitements en cours, tandis que 1,8 milliard de dollars à rechercher seront destinés à élargir d’autres programmes. "Entre 2008 et 2010, il y avait 6,3 milliards pour de nouveaux programmes ; c’est une vraie coupe de 72 pour cent dans les financements du fonds", a déploré Kaboré.

Les ONG affirment également que si des efforts étaient fournis par les donateurs, seulement 700 millions de dollars supplémentaires seraient mobilisés.

Plusieurs pays risquent de ne plus être soutenus. "Avec un taux de contamination de 1,5 pour cent, le Burkina ne fait pas le poids par rapport à la Zambie, pays pauvre aussi, mais où le taux de contamination est 10 fois plus", a souligné Kaboré.

"Les pays comme le Cameroun où le taux de contamination est à cinq pour cent ou la Côte d’Ivoire avec 10 pour cent sont considérés comme économiquement solides. Ils pourraient être déclassés pour soutenir eux-mêmes leurs malades", a présagé Fogue.

"Et pourtant, les PIB élevés de nos pays ne bénéficient pas aux populations. C’est une sanction sanitaire dont les populations seules payeront le prix", a commenté Kaboré.

Les ONG appellent, par ailleurs, leurs pays respectifs à respecter leurs engagements dans la prise en charge des malades. "La RDC, par exemple, ne met que 6,5 pour cent dans le budget de la santé, au lieu de 15 pour cent, et à peine 1,5 pour cent de cet argent arrive dans la lute contre le SIDA  ", a indiqué Omari.

"Le gouvernement fait de la gratuité du traitement, mais elle ne profite pas à tous les malades, il faut faire plus", a plaidé Maba, indiquant que le Congo-Brazzaville n’affecte que trois pour cent de son budget à la santé.

Le responsable de Positive génération a été interpellé par les forces de sécurité camerounaises pour avoir manifesté devant le parlement afin que la contribution de l’Etat soit plus importante dans la santé. "Nous avons pu obtenir cinq pour cent, au lieu de 4,8 pour cent prévus", se satisfait Fogue.

Le Fonds mondial mobilise également de l’argent pour le paludisme et la tuberculose. "Nous craignons, non pas seulement de stopper les dépistages gratuits au VIH  /SIDA  , mais aussi les campagnes de distribution de préservatifs et de moustiquaires imprégnées", ajoute Kaboré.

Toutefois, dans plusieurs pays africains, la gestion des ressources du Fonds mondial est scabreuse. C’est le cas au Mali où Oumar Ibrahim Touré, ministre de la Santé, a démissionné le 7 décembre à la suite d’un détournement présumé de plus de 6,2 millions de dollars. De même, avec 13.500 malades sous ARV  , la Centrafrique s’est distinguée en 2009 par le détournement de quatre millions de dollars.

Le gouvernement congolais est le porte-parole des 24 pays d’Afrique de l’ouest et du centre membres du conseil d’administration du Fonds mondial.

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