Ethiopie : Des tranches de vie

Publié le 18 mars 2010 sur OSIBouaké.org

Addis Abeba, 16 mars 2010 (PLUSNEWS) - A Addis Abeba, la capitale éthiopienne, Mestihet Temane, 27 ans, joue sur scène l’histoire d’une jeune femme qui, après la mort de ses parents, se retrouve toute seule dans la rue, sans argent, ni confiance, ni soutien.

« Parfois je pleure quand je chante, et beaucoup de spectateurs pleurent aussi », a-t-elle dit à IRIN/PlusNews.

Mestihet est membre de Mekdim Ethiopia National Association, une ONG (organisation non gouvernementale) locale qui organise des spectacles sur le thème du VIH   dans des bureaux, des universités et des centres communautaires. Les membres du club théâtre et musique qui donnent ces représentations sont des orphelins ou des personnes vivant avec le VIH   - les histoires déchirantes d’abandon et de discrimination qu’ils incarnent sont souvent semi-autobiographiques.

Bien que ce projet vise à aborder publiquement le sujet du VIH  , le statut sérologique de beaucoup des acteurs de Mekdim n’est pas révélé au public, et bon nombre d’entre eux gardent également le secret dans leur vie privée.

« Un collègue m’a dit : ’si j’avais su que tu avais le VIH  , je n’aurais pas échangé mes vêtements avec toi’ », a dit Dawit*, un acteur de 21 ans. « Même aujourd’hui, il y a un problème avec le VIH   et la discrimination. »

Mickey*, un danseur, a dit qu’il souffrait psychologiquement quand ses collègues discutaient de manière désapprobatrice de la séropositivité d’autres danseurs ; Fatiya*, 17 ans, cache son infection à son propriétaire de peur d’être expulsée.

D’après Tilahun Sheko, responsable de programme à Mekdim, si les spectacles ont augmenté significativement le nombre de personnes se rendant aux consultations de conseil et de dépistage volontaires qui accompagnent les représentations, beaucoup d’habitants d’Addis, en particulier dans les milieux aisés, sont encore « plus préoccupés par leur réputation que par le fait d’obtenir un traitement. »

Alemu Anno Ararso, directeur de la coordination de la réponse multi-secteurs au Bureau fédéral de la prévention et du contrôle du VIH  /SIDA  , a dit que tout comme les « conversations communautaires » organisées par le gouvernement - où les participants sont encouragés à discuter et à partager leurs expériences, y compris sur des sujets traditionnellement tabous - les spectacles de Mekdim étaient utiles pour démystifier le VIH  .

« Ils racontent les histoires et comment [le virus] se transmet », a-t-il dit. « Ils partagent les expériences qu’ils ont vécues ; personne ne peut en savoir plus qu’eux [sur le sujet]. »

Cependant, M. Arorso a reconnu que malgré les efforts du gouvernement pour lutter contre la stigmatisation, le problème persistait.

« Les Ethiopiens préfèrent se taire. Nous ne voulons pas nous livrer. Si j’ai un problème, je ne veux pas en parler », a-t-il ajouté. « C’est pourquoi on a eu recours à la stratégie de la conversation communautaire. Ils écoutent leurs amis parler, et tout sort. »

D’après lui, le problème de la stigmatisation affecte également les programmes de lutte contre le VIH  . « Nous avons [du mal à convaincre les gens d’utiliser les] services, et ces difficultés sont liées à la stigmatisation. Si on se rend compte que vous êtes séropositif, vous allez être discriminé, donc les gens décident de ne pas faire le test », a-t-il dit. « Nous pouvons comprendre l’effet par procuration ; tout vient de la discrimination. »

Une ONG locale, Network of Networks of HIV Positives in Ethiopia, travaille à l’élaboration d’un indice de stigmatisation - qui doit être achevé cette année - visant à révéler les causes profondes et l’importance de la stigmatisation dans ce pays de la Corne de l’Afrique.

« Le VIH   est l’affaire de tous, donc tout le monde doit en parler ; on peut lutter contre le VIH   en améliorant les connaissances et les comportements », a-t-il ajouté.

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