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Un accord UE-Inde pourrait restreindre l’accès aux médicaments génériques dans les pays pauvres


2 mai 2010 - Mumbai, Inde (AP) — Un accord de libre-échange négocié entre l’Union européenne et New Delhi pourrait réduire l’accès de millions de personnes dans les pays pauvres à des médicaments génériques bon marché fabriqués en Inde, affirment les détracteurs du projet.

Des organisations non gouvernementales, dont Médecins sans frontières, et des entreprises indiennes estiment que les règles sur la propriété intellectuelle proposées par les Européens entraveront la production des médicaments génériques indiens à bas coûts utilisés en Inde et dans de nombreux pays en développement.

"Le sort de millions d’Indiens pauvres sera décidé par un accord de libre-échange avec l’Europe", déclare Amar Lulla, un responsable de Cipla, l’un des plus gros producteurs indiens de génériques. "Si les droits de propriété industrielle l’emportent sur les droits des patients, ce serait un génocide".

Depuis les années 1970, l’Inde produit des médicaments pour les pays en développement et a révolutionné le traitement de maladies comme le SIDA  , la tuberculose et le paludisme avec des génériques bon marché. Elle fabrique aujourd’hui 20% des génériques dans le monde, selon PricewaterhouseCoopers.

L’Europe affirme que rien dans l’accord en négociation n’empêchera l’Inde de continuer à jouer ce rôle. "L’UE   s’engage pleinement à garantir que les personnes dans les pays les plus pauvres aient accès à des médicaments abordables", assure John Clancy, porte-parole de l’UE   pour les questions commerciales.

"Rien dans l’accord proposé ne limiterait la liberté de l’Inde de produire des médicaments vitaux pour l’exportation", précise-t-il. "La Commission européenne a même proposé une clause légalement contraignante dans les négociations à cet effet."

L’UE   et l’Inde espèrent signer l’accord en octobre. Les tractations se déroulent en secret, mais l’Associated Press a eu accès à un document de travail de février 2009 contenant des mesures controversées : elles allongeraient la protection des droits de propriété industrielle jusqu’à cinq ans et introduiraient la notion d’"exclusivité des données", qui pourrait contraindre les producteurs de génériques à de longs et coûteux essais cliniques, faute de ne plus pouvoir utiliser les données des grands laboratoires.

Le projet d’accord actuel contient des clauses similaires, selon des sources proches du dossier. Et Alexandra Heumber, de Médecins sans frontières (MSF  ), souligne que les déclarations de bonnes intentions de l’UE   resteront vaines tant que ces mesures ne seront pas retirées du projet. "Ces dispositions retarderaient la concurrence et prolongeraient le monopole de l’industrie pharmaceutique", explique-t-elle.

Les entreprises indiennes craignent que l’accord n’affecte les fabricants indiens de génériques et ne rendent les médicaments plus chers dans le pays. Amit Mitra, secrétaire général de la Fédération des chambres de commerce et d’industrie indiennes, un influent groupe de pression, estime que l’accord est en l’état inacceptable. "Je pense que notre gouvernement n’acceptera pas quelque chose qui entraverait la capacité de l’Inde à produire des médicaments bon marché dans le domaine des génériques", souligne-t-il.

L’accord en vue avec l’Europe n’est pas la seule menace potentielle pour l’industrie indienne des génériques. La longue méfiance entre les producteurs indiens de génériques et les grandes compagnies pharmaceutiques internationales s’estompe et certains analystes pensent l’Inde finira par adopter elle-même des règles plus strictes sur les droits de propriété intellectuelle.

Sujay Shetty, de PricewaterhouseCoopers, note que les dix plus grandes compagnies pharmaceutiques indiennes ont consacré en 2008 480 millions de dollars (363 millions d’euros) à la recherche et au développement, même si aucune n’a introduit de nouveau médicament sur le marché.

Ces dernières années, l’Europe et les Etats-Unis ont utilisé des accords de libre-échange bilatéraux pour renforcer les règles de propriété intellectuelle au-delà de ce qu’impose l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces mesures sont censées soutenir l’innovation et l’investissement, mais leurs détracteurs notent qu’elles ont pour principal effet de faire grimper le coût des médicaments dans les pays pauvres.

Avec l’Inde, les enjeux sont de taille. MSF   estime acheter 80% de ses traitements contre le SIDA   à l’Inde. Le producteur indien Cipla précise de son côté qu’il fournit des médicaments à un malade du SIDA   sur trois en Afrique.

L’Afrique du Sud, qui compte 5,7 millions de personnes contaminées par le VIH  , un record mondial, distribue gratuitement des médicaments aux malades du SIDA  . La plupart sont des génériques indiens


Publié sur OSI Bouaké le lundi 3 mai 2010

 

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