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République Centrafricaine : dans la rue, les enfants s’informent pour éviter le VIH


Bangui, 12 décembre - Révoltés par la mort de leurs camarades d’infections liées au VIH  /SIDA  , des enfants des rues de Bangui, la capitale centrafricaine, n’ont pas hésité longtemps lorsqu’on leur a proposé de s’informer sur l’épidémie pour mieux s’entraider et se protéger.

« J’ai vu beaucoup de mes amis mourir du sida  , ils n’ont pas pu se soigner parce que comme ils venaient de la rue, ils ne savaient pas où aller pour [recevoir des soins] », a dit Bienvenu Samba, qui, à 25 ans, en a déjà passé 11 dans la rue. « Il y en a beaucoup qui souffrent du [VIH  ] ou d’infections [sexuellement transmissibles] comme la gonorrhée ou la syphilis. »

Selon une enquête menée par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) en 2005, Bangui abriterait environ 3 000 enfants des rues, plus de la moitié d’entre eux étant âgés entre 10 et 14 ans, et un enfant sur deux étant orphelin de père ou de mère.

Le taux de prévalence du VIH   en République centrafricaine (RCA) est estimé par les Nations unies à 10,7 pour cent des quelque quatre millions d’habitants de ce pays qui figure parmi les plus pauvres du monde, avec l’indicateur de développement humain 2005 qui le classe 171ème sur 177 pays, selon les Nations unies.

Ce taux de prévalence du VIH   place la RCA, ravagée par des années de conflits civils et confrontée à une insécurité persistante, au premier rang des pays les plus touchés par l’épidémie en Afrique centrale, et au dixième rang mondial.

Rendus vulnérables par leur solitude et la nécessité de trouver les moyens et la force de survivre, les enfants des rues sont particulièrement exposés au risque d’infection : un grand nombre d’entre eux consomment des stupéfiants et l’âge moyen des premiers rapports sexuels pour les filles est de 12 ans, selon l’enquête de l’Unicef.

« Il y a beaucoup de rapports sexuels entre les enfants des rues, beaucoup de violences sexuelles, surtout par les militaires, en majorité sur des filles mais il y en a aussi contre des garçons », a dit Bienvenu. Cet orphelin de père et de mère survit grâce à des ’petits boulots’ de vente à la criée ou de transport de marchandises au marché.

Cette violence et cette vulnérabilité, Chantal Lagos les a aussi constatées. Depuis cinq ans, cette mère de famille d’une quarantaine d’années consacre tout ce qui reste de son salaire de blanchisseuse dans un grand hôtel de la ville à aider une centaine d’enfants des rues, qu’elle soutient et nourrit grâce à l’aide de quelques donateurs, notamment des chrétiens de son église et d’agences des Nations unies.

« Les filles doivent coucher avec des garçons ou avec des militaires qui leur donnent 150 ou 200 francs CFA (0,30 à 0,40 dollar), ou parfois les prennent de force », a dit celle que les enfants surnomment ’maman Chantal’. « Des décès du sida  , il y en a tous les jours, et les enfants dans la rue sont de plus en plus jeunes, à cause [de l’épidémie]. Plusieurs filles ont perdu leur bébé, certainement de malnutrition et du sida  . »

Pour être ensemble et s’informer

C’est grâce à des personnes comme ’maman Chantal’ et à l’ONG locale Ambassade chrétienne, qui travaille notamment avec les enfants des rues, que Bienvenu a entendu parler de la mise en place d’un centre pilote d’informations sur le VIH  /SIDA   pour les populations vulnérables dans la capitale. Il a sauté sur l’occasion.

« J’ai voulu venir pour rencontrer d’autres jeunes, être ensemble et avoir des informations sur les IST [infections sexuellement transmissibles] et le sida  , pour protéger les [enfants des rues] et savoir comment aider ceux qui sont infectés », a-t-il expliqué.

Financé par l’Unicef, avec l’appui du Comité national de lutte contre le VIH  /SIDA  , le Centre d’information, d’éducation et d’écoute (CIEE), destiné aux jeunes issus de groupes vulnérables -utilisateurs de drogues, travailleurs du sexe, orphelins et enfants des rues- a ouvert ses portes en décembre 2005.

« Le but, c’est de réduire les taux de grossesse non désirées et d’infection au VIH   parmi ces groupes vulnérables, en organisant des réunions au centre et dans les quartiers pour discuter avec eux de ce qui ne marche pas [dans la prévention] et en cherchant des solutions, avec les jeunes », a expliqué Flora Nakounne, une jeune fille de 19 ans, membre junior de l’équipe cadre du CIEE.

Au départ, 30 jeunes, recrutés dans les quartiers, ont été formés avec pour mission de former chacun 10 autres jeunes. Cette formation est notamment fondée sur l’établissement d’une « cartographie de risque et de vulnérabilité », pour permettre aux jeunes d’analyser leur environnement et d’identifier les lieux et les facteurs qui les exposent au VIH  .

Les jeunes réfléchissent ensuite à leurs comportements et à ce qui les influencent, avant de chercher les moyens de faire face aux risques. Ainsi, les populations concernées participent activement à la recherche d’une solution adaptée à leurs conditions de vie, à leur milieu et à leurs contraintes personnelles.

Avant de conseiller les autres, les pairs éducateurs ont dû commencer par évaluer leur propre vulnérabilité face à l’infection au VIH  , à l’aide d’un questionnaire.

« Sur les 330 jeunes concernés par la formation et âgés de 12 à 24 ans, [près de quatre sur cinq] avaient déjà eu des rapports sexuels, dont 43 pour cent sans préservatif et 45 pour cent avec des partenaires multiples », a expliqué Igor Mathieu Gondje-Dacka, 25 ans, l’un des responsables de l’équipe du CIEE.

A l’issue de la formation, le dépistage volontaire et gratuit du VIH   a été proposé aux volontaires du projet et aux jeunes qui le souhaitaient.

« Avant on ne connaissait pas les moyens de se protéger, mais ici, au centre, on en a entendu parler et maintenant on en parle aux autres, et ils écoutent », a dit Bienvenu. « Il y a beaucoup de jeunes qui veulent faire le dépistage et qui posent des questions, par exemple sur les rapports sexuels non protégés avec une personne infectée. »

Le dépistage, Bienvenu l’a fait, et depuis qu’il connaît les moyens de se protéger, il dit ne plus vouloir prendre de risques.

« Il y en a qui ont choisi les préservatifs, mais moi j’ai trop peur, trop [d’enfants des rues] sont morts », a-t-il avoué. « Je veux me marier un jour mais en attendant, c’est l’abstinence. »


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Publié sur OSI Bouaké le mardi 12 décembre 2006

 

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