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RDC - Près de 40 mineures violées chaque mois à Kisangani

Statistiques de la Police spéciale pour la protection de l’enfance


Mots-Clés / RDC

Un article en français du Potentiel, suivi d’un article en anglais du New York Times qui parle d’une "épidémie de viols"


Le Potentiel - Lundi 08 Octobre 2007 - Par Angelo Mobateli

Une fillette de 9 ans transformée en « fille de joie » par un quinquagénaire qui en avait reçu, de sa mère, la garde. Un pédophile surpris par la police sur le seuil d’un hôtel en compagnie d’un garçonnet. Quelque treize cas de viol au mois de mars et quarante-sept en juin, voilà le tableau que présente la ville de Kisangani aujourd’hui.

Assis en équilibre instable à l’arrière d’une moto, entre le motocycliste et ma petite valise accrochée sur le porte-bagage, je parcours les 17 kilomètres de l’aéroport international Bangoka conduisant à Makiso dans une course folle.

Aux 10 dollars américains réclamés par un taximan, j’opte pour les 2.000 Fc (4 dollars américains) proposés par un motocycliste.

Me voici donc à califourchon sur une moto, en route vers le centre-ville de Kisangani, capitale de la province Orientale. De mes yeux, offerts au fort courant d’air charriant d’impitoyables minuscules grains de sable, coulent irrésistiblement des larmes. Pourtant, je ne suis pas en pleurs, étant seulement curieux de retrouver une ville que j’avais vue pour la dernière fois en janvier 1986.

Mon conducteur de ce vendredi 28 septembre 2007, qui a compris au premier coup d’œil que le passager descendu à 11 heures 11’ (heure locale) du vol 551 de la CAA n’est pas du coin, s’en donne à cœur joie.

Dans un véritable rallye zigzagant, il file à vive allure sur une chaussée défoncée par les tornades tropicales et, aussi et surtout, par les obus des batailles de 1999, 2000 et 2002 entre rebelles pro-rwandais et pro-ougandais.

Nous dépassons et croisons d’autres motos, des véhicules de service (MONUC et administration provinciale) et, naturellement, les fameux « Toléka », les taxi-vélos qui font aujourd’hui la renommée de Kisangani.

C’est dans les mêmes conditions de transport et les yeux toujours larmoyants malgré mes lunettes fumées, que j’ai regagné l’aéroport Bangoka le mardi 2 octobre 2007 sur les coups de 14 heures (heure locale), prenant congé de Kisangani à 15 heures.

Dans les différents contacts que j’ai eus dans la ville avec des personnalités politiques, du monde économique, de la police ainsi qu’avec la population, il se dégage un net sentiment de pessimisme, mais teinté d’espoir pour une province qu’elles s’accordent à reconnaître « malade ».

Cependant, tout le monde se bat pour que Boyoma-Singa-Mwambe (Kisangani aux 8 cordons) retrouve son dynamisme d’antan, que la province soit de nouveau le 3ème pôle économique de la République démocratique du Congo.

La consommation observée des petites coupures, de 10 Fc et 20 Fc, justifie la modicité des prix de vente des vivres, comme sont vendues 4 grosses bananes à 20 Fc alors qu’elles coûtent 200 Fc à Kinshasa.

Pour survivre, de nombreux enfants sont devenus des « tolékistes », des conducteurs de taxi-vélos. « C’est leur gagne-pain. Il n’y a pas de honte à être tolékiste », se défendent-ils. Ce qui l’est plus, c’est l’exploitation économique dont certains sont l’objet, renchérit la police.

Quant aux filles, leur viol est devenu un véritable drame. Près de 40 cas de viol identifiés chaque mois depuis le début de l’année 2007, c’était trop. La hiérarchie de la Police nationale congolaise (PNC) à Kisangani a alors décidé de réhabiliter l’unité (Police spéciale pour la protection de l’enfance, PSPE) qui était chargée, sous la rébellion en 2002, de la protection de l’enfance.

« Il y a près de 10.000 tolékistes à Kisangani », vais-je apprendre au cours de mon bref séjour. « Le versement journalier est de 700 Fc, tandis que le motocycliste remet chaque soir 10 dollars américains au patron », précise-t-on. La course à vélo varie entre 50 et 200 Fc. Celle en moto est d’un dollar et plus, selon la distance.

INQUIETUDES DU MAJOR MARIE BAGALET

« Aujourd’hui, notre jeunesse est en danger imminent de viol dans les 6 communes de la ville de Kisangani subdivisée en nord (Tshopo), sud (Lubunga, rive gauche du fleuve Congo), ouest (Mangobo), Est (Kabondo), sud-est (Kisangani) et centre (Makiso) », s’inquiète le major Marie Bagalet Tabu, commandant du Bataillon de la Police spéciale pour la protection de l’enfance (PSPE).

Le viol, l’exploitation économique, la maltraitance, les voies de faits ainsi que les vols commis par les mineurs étant les cinq infractions les plus fréquentes à Kisangani, la haute hiérarchie de la Police nationale congolaise a décidé de réactiver cette unité spéciale.

La PSPE a été créée pendant la période de la rébellion en 2002. La 1ère unité a fonctionné à Kisangani, Goma et à Bukavu, dans le territoire contrôlé par le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD).

Supprimée à la suite de la réunification du pays en juin 2003 et de la création de la Police nationale congolaise (PNC) par décret présidentiel, la PSPE a été réhabilitée à Kisangani en février 2007. « Elle a été réhabilitée sur demande de la communauté internationale. On a estimé nécessaire l’existence de cette unité, parce que le traitement des enfants diffère de celui des adultes », selon le major Marie Bagalet.

Avec la dignité qui sied à son uniforme d’officier supérieur de la PNC, elle m’accueille dans son bureau situé dans l’enceinte de la prison centrale de Kisangani. « La première difficulté que nous avons, c’est l’absence de bâtiment. Nous sommes ici dans un lieu qui n’est pas un bâtiment approprié pour la Police spéciale chargée de la protection de l’enfance », s’excuse-t-elle.

Le climat, en cette mi-journée du lundi 1er octobre 2007, est frais. La veille, en effet, une forte pluie a arrosé la ville toute la nuit.

« On peut mettre un enfant et un adulte dans un même cachot. Mais, pour instruire le dossier d’un enfant, il y a des préalables. Le policier, qui travaille dans cette unité de protection de l’enfance, doit être formé. Il doit avoir des notions sur la pédagogie, la psychologie de l’enfant et de l’adolescent, la sociologie (chaque milieu a ses propres réalités) et connaître le milieu de l’enfant », explique Marie Bagalet Tabu. Sur les murs de son bureau, sont affichées des photos de violeurs de mineurs et de leurs victimes. Sur l’une d’elles, un quinquagénaire se tient debout aux côtés d’une fillette de 9 ans, devenue sa « femme ». Profitant de la garde de la petite à lui confiée par sa voisine prise, chaque jour, par des activités la tenant éloignée de son logis durant de longues heures.

Passant d’une affiche à l’autre, de son bureau à celui de ses collaborateurs, le chef de la PSPE explique la mission et les difficultés de son bataillon avec passion et maîtrise.

« L’enfant ne doit pas être exploité. Il doit grandir dans les conditions lui permettant d’aller à l’école, de manger décemment, de bénéficier de soins de santé appropriés, etc. L’enfant, tout seul, ne peut pas se prendre en charge », affirme le major Marie Bagalet. Entre-temps, de nombreux mineurs des deux sexes - vulnérables et exposés aux dangers - sont violés, exploités économiquement, maltraités, poussés aux vols et à des voies de faits.

« Ce sont ces cinq infractions, les plus fréquemment enregistrées à la PSPE, qui sont commises dans les 6 communes de Kisangani », signale-t-elle, précisant que le viol des mineurs en est la plus fréquente.

Les statistiques de la PSPE signalent 13 cas de viol de mineurs, dont les auteurs et les victimes ont été arrêtés et déférés au Parquet au mois de mars. Ces chiffres sont passés successivement à 31 (avril), 42 (mai) et 47 en juin dernier. D’août, de juillet et de septembre, les données n’étaient pas disponibles.

Beaucoup de parents sont ignorants de l’existence de la PSPE. Il arrive parfois qu’ils cherchent, lorsque leur fille est violée, à arranger la situation dans l’amiable. Ce qui est interdit.

En collaboration avec les ONG et d’autres organismes internationaux comme UNFPA, la PSPE a organisé des séminaires de formation.


http://www.nytimes.com/2007/10/07/world/africa/07congo.html?_r=1&oref=sloginOctober 7, 2007

Rape Epidemic Raises Trauma of Congo War

By JEFFREY GETTLEMAN

BUKAVU, Congo - Denis Mukwege, a Congolese gynecologist, cannot bear to listen to the stories his patients tell him anymore.

Every day, 10 new women and girls who have been raped show up at his hospital. Many have been so sadistically attacked from the inside out, butchered by bayonets and assaulted with chunks of wood, that their reproductive and digestive systems are beyond repair.

“We don’t know why these rapes are happening, but one thing is clear,” said Dr. Mukwege, who works in South Kivu Province, the epicenter of Congo’s rape epidemic. “They are done to destroy women.”

Eastern Congo is going through another one of its convulsions of violence, and this time it seems that women are being systematically attacked on a scale never before seen here. According to the United Nations, 27,000 sexual assaults were reported in 2006 in South Kivu Province alone, and that may be just a fraction of the total number across the country.

“The sexual violence in Congo is the worst in the world,” said John Holmes, the United Nations under secretary general for humanitarian affairs. “The sheer numbers, the wholesale brutality, the culture of impunity - it’s appalling.”

The days of chaos in Congo were supposed to be over. Last year, this country of 66 million people held a historic election that cost $500 million and was intended to end Congo’s various wars and rebellions and its tradition of epically bad government.

But the elections have not unified the country or significantly strengthened the Congolese government’s hand to deal with renegade forces, many of them from outside the country. The justice system and the military still barely function, and United Nations officials say Congolese government troops are among the worst offenders when it comes to rape. Large swaths of the country, especially in the east, remain authority-free zones where civilians are at the mercy of heavily armed groups who have made warfare a livelihood and survive by raiding villages and abducting women for ransom.

According to victims, one of the newest groups to emerge is called the Rastas, a mysterious gang of dreadlocked fugitives who live deep in the forest, wear shiny tracksuits and Los Angeles Lakers jerseys and are notorious for burning babies, kidnapping women and literally chopping up anybody who gets in their way.

United Nations officials said the so-called Rastas were once part of the Hutu militias who fled Rwanda after committing genocide there in 1994, but now it seems they have split off on their own and specialize in freelance cruelty.

Honorata Barinjibanwa, an 18-year-old woman with high cheekbones and downcast eyes, said she was kidnapped from a village that the Rastas raided in April and kept as a sex slave until August. Most of that time she was tied to a tree, and she still has rope marks ringing her delicate neck. The men would untie her for a few hours each day to gang-rape her, she said.

“I’m weak, I’m angry, and I don’t know how to restart my life,” she said from Panzi Hospital in Bukavu, where she was taken after her captors freed her.

She is also pregnant.

While rape has always been a weapon of war, researchers say they fear that Congo’s problem has metastasized into a wider social phenomenon.

“It’s gone beyond the conflict,” said Alexandra Bilak, who has studied various armed groups around Bukavu, on the shores of Lake Kivu. She said that the number of women abused and even killed by their husbands seemed to be going up and that brutality toward women had become “almost normal.”

Malteser International, a European aid organization that runs health clinics in eastern Congo, estimates that it will treat 8,000 sexual violence cases this year, compared with 6,338 last year. The organization said that in one town, Shabunda, 70 percent of the women reported being sexually brutalized.

At Panzi Hospital, where Dr. Mukwege performs as many as six rape-related surgeries a day, bed after bed is filled with women lying on their backs, staring at the ceiling, with colostomy bags hanging next to them because of all the internal damage.

“I still have pain and feel chills,” said Kasindi Wabulasa, a patient who was raped in February by five men. The men held an AK-47 rifle to her husband’s chest and made him watch, telling him that if he closed his eyes, they would shoot him. When they were finished, Ms. Wabulasa said, they shot him anyway.

In almost all the reported cases, the culprits are described as young men with guns, and in the deceptively beautiful hills here, there is no shortage of them : poorly paid and often mutinous government soldiers ; homegrown militias called the Mai-Mai who slick themselves with oil before marching into battle ; members of paramilitary groups originally from Uganda and Rwanda who have destabilized this area over the past 10 years in a quest for gold and all the other riches that can be extracted from Congo’s exploited soil.

The attacks go on despite the presence of the largest United Nations peacekeeping force in the world, with more than 17,000 troops.

Few seem to be spared. Dr. Mukwege said his oldest patient was 75, his youngest 3.

“Some of these girls whose insides have been destroyed are so young that they don’t understand what happened to them,” Dr. Mukwege said. “They ask me if they will ever be able to have children, and it’s hard to look into their eyes.”

No one - doctors, aid workers, Congolese and Western researchers - can explain exactly why this is happening.

“That is the question,” said André Bourque, a Canadian consultant who works with aid groups in eastern Congo. “Sexual violence in Congo reaches a level never reached anywhere else. It is even worse than in Rwanda during the genocide.”

Impunity may be a contributing factor, Mr. Bourque added, saying that very few of the culprits are punished.

Many Congolese aid workers denied that the problem was cultural and insisted that the widespread rapes were not the product of something ingrained in the way men treated women in Congolese society. “If that were the case, this would have showed up long ago,” said Wilhelmine Ntakebuka, who coordinates a sexual violence program in Bukavu.

Instead, she said, the epidemic of rapes seems to have started in the mid-1990s. That coincides with the waves of Hutu militiamen who escaped into Congo’s forests after exterminating 800,000 Tutsis and moderate Hutus during Rwanda’s genocide 13 years ago.

Mr. Holmes said that while government troops might have raped thousands of women, the most vicious attacks had been carried out by Hutu militias.

“These are people who were involved with the genocide and have been psychologically destroyed by it,” he said.

Mr. Bourque called this phenomenon “reversed values” and said it could develop in heavily traumatized areas that had been steeped in conflict for many years, like eastern Congo.

This place, one of the greenest, hilliest and most scenic slices of central Africa, continues to reverberate from the aftershocks of the genocide next door. Take the recent fighting near Bukavu between the Congolese Army and Laurent Nkunda, a dissident general who commands a formidable rebel force. Mr. Nkunda is a Congolese Tutsi who has accused the Congolese Army of supporting Hutu militias, which the army denies. Mr. Nkunda says his rebel force is simply protecting Tutsi civilians from being victimized again.

But his men may be no better.

Willermine Mulihano said she was raped twice - first by Hutu militiamen two years ago and then by Nkunda soldiers in July. Two soldiers held her legs apart, while three others took turns violating her.

“When I think about what happened,” she said, “I feel anxious and brokenhearted.”

She is also lonely. Her husband divorced her after the first rape, saying she was diseased.

In some cases, the attacks are on civilians already caught in the cross-fire between warring groups. In one village near Bukavu where 27 women were raped and 18 civilians killed in May, the attackers left behind a note in broken Swahili telling the villagers that the violence would go on as long as government troops were in the area.

The United Nations peacekeepers here seem to be stepping up efforts to protect women.

Recently, they initiated what they call “night flashes,” in which three truckloads of peacekeepers drive into the bush and keep their headlights on all night as a signal to both civilians and armed groups that the peacekeepers are there. Sometimes, when morning comes, 3,000 villagers are curled up on the ground around them.

But the problem seems bigger than the resources currently devoted to it.

Panzi Hospital has 350 beds, and though a new ward is being built specifically for rape victims, the hospital sends women back to their villages before they have fully recovered because it needs space for the never-ending stream of new arrivals.

Dr. Mukwege, 52, said he remembered the days when Bukavu was known for its stunning lake views and nearby national parks, like Kahuzi-Biega.

“There used to be a lot of gorillas in there,” he said. “But now they’ve been replaced by much more savage beasts.”


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Publié sur OSI Bouaké le mardi 9 octobre 2007

 

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