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Nigeria : La pénurie de salles de classe, une menace pour l’accès à l’éducation primaire pour tous


KANO, 17 janvier 2008 (IRIN) - Avec le succès que connaît le programme Universal Basic Education (UBE), dont l’objectif est de garantir l’accès à une éducation gratuite à tous les enfants nigérians, le nombre d’écoliers ayant achevé leur cursus primaire a plus que doublé en 2007, un problème épineux auquel les responsables de l’enseignement secondaire essaient d’apporter une solution.

Plus de 49 000 écoliers ayant achevé leur cursus primaire en 2006, dans la ville de Kano (nord du Nigeria) et désirant poursuivre des études secondaires pourraient ne pas être admis dans des écoles secondaires en raison d’un grave manque d’enseignants qualifiés et de salles de classe, ont confié à IRIN les représentants du gouvernement local.

Le nombre d’écoliers ayant achevé leur cursus primaire dans la ville de Kano est passé de 46 460, en 2006, à 116 205, en 2007. De même, en 2006, 42 000 de ces écoliers se sont inscrits au collège, contre 66 900 en 2007, selon les statistiques des autorités locales.

« Nous ne pouvons accueillir que 60 pour cent des écoliers qui attendent d’être admis au collège, du fait de la pénurie de salles de classe à laquelle nous sommes confrontés dans cet Etat », s’est désolé Moussa Salihou, Commissaire à l’Education de l’Etat de Kano. « Nous étudions le problème pour voir comment y remédier ».

Perdre une année

Les enfants qui ne seront pas admis risquent de perdre une année. Quant à ceux qui auront la chance d’être admis au collège, ils seront inévitablement confrontés au problème des sureffectifs dans des écoles où on ne compte pas moins de 150 élèves par classe, selon Ibrahim Adamu, enseignant à la retraite. Cette situation est une entorse à la politique définie en 2001 par le ministère de l’Education et qui limite à 40 le nombre d’élèves par classe.

Selon Christine Jaulmes, porte-parole du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), cette situation a tout de même un côté positif.

« Auparavant, dans les Etats du Nord, la scolarisation des enfants n’était pas une priorité, mais aujourd’hui l’attitude des parents a changé », s’est-elle réjouie.

Le Nigeria a adhéré au mouvement Education pour tous (EPT), lancé en 2000 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et, comme tous les autres adhérents, il s’est engagé à atteindre les six objectifs du mouvement, dont l’accès à l’éducation primaire pour tous, devenu par la suite un objectif du millénaire pour le développement (OMD  ), à atteindre d’ici 2015.

Toutefois, malgré les progrès observés en matière d’éducation, seuls 60 pour cent des enfants nigérians fréquentent l’école primaire, d’après le rapport de l’UNICEF intitulé « La situation des enfants dans le monde 2007 » ; selon ce rapport, le pays ne sera donc pas en mesure d’atteindre ces objectifs.

Selon Keith Hinchcliffe, analyste politique confirmé et membre de l’équipe de suivi de l’EPT dans le monde, chargée d’évaluer les progrès réalisés par rapport aux OMD  , si l’on tient compte de ces statistiques, on peut comprendre que la priorité actuelle d’un gouvernement comme celui du Nigeria ait été donnée à l’accès à l’éducation primaire pour tous, plutôt qu’à l’éducation secondaire.

Nouvelles politiques et nouveaux financements

Il semble néanmoins que l’éducation primaire ne soit plus la seule priorité. En effet, dans un discours prononcé en novembre, Malam Ibrahim Shekarau, gouverneur de l’Etat de Kano, a indiqué que le gouvernement allait consacrer 107 millions de dollars américains - 18 pour cent de son budget 2008 - à l’éducation.

Près de la moitié de cette somme sera allouée aux établissements secondaires et un quart environ à l’éducation primaire.

Selon M. Hinchcliffe, les coûts de construction et de gestion des écoles secondaires sont plus élevés que ceux des écoles primaires, comme le montrent les statistiques pour Kano : 10 millions de dollars du budget de l’enseignement secondaire seront consacrés à la reconstruction de six collèges uniquement alors que 13 millions seront investis pour reconstruire 82 écoles primaires.

Pour Ibrahim Bello Kano, spécialiste de l’éducation, il ne s’agit pas tout simplement de construire de nouvelles écoles, mais de s’assurer de la bonne qualité des bâtiments.

« Le problème, avec les [écoles] que le gouvernement construit, c’est qu’elles ne sont pas aux normes », a-t-il indiqué. C’est pour cette raison que bon nombre de bâtiments scolaires se dégradent au bout de quelques années, a-t-il noté. « Quelle que soit l’importance des sommes que le gouvernement consacre au budget de l’éducation, tant qu’elles ne seront utilisées de manière rationnelle, la situation ne changera pas », a-t-il estimé.

Etape suivante

Pour le gouvernement de Kano, l’étape suivante consistera à élaborer des projets à long terme. En effet, selon Mme Jaulmes de l’UNICEF les objectifs de l’UBE ne peuvent être atteints que si le gouvernement détermine avec plus de précision le nombre projeté d’écoliers et d’enseignants, et élabore des programmes à long terme qui répondront à leurs besoins futurs.

L’UNICEF et le Département britannique pour le développement international (DFID) travaillent avec six Etats, dont celui de Kano, pour mettre en place des projets décennaux permettant de faire face au nombre de plus en en plus important d’écoliers qui achèvent leur cursus primaire.

Quant à M. Hinchcliffe, il a appelé à reformer entièrement le modèle éducatif nigérian. Il a notamment suggéré de porter de six à neuf ans la durée de la scolarité dans l’enseignement primaire en y intégrant les trois premières années de l’enseignement secondaire.

« Avec l’augmentation du taux de fréquentation des écoles primaires, les autorités doivent avoir une vision beaucoup plus globale du système éducatif. Il leur faut admettre qu’il existe d’autres solutions pour faire face à cette situation ».

En effet, dans 144 pays, la loi exige une « scolarité de base d’une durée de neuf années », et cette scolarité obligatoire couvre le cursus primaire et les premières années du cursus secondaire, selon M. Hinchcliffe.

« Une des raisons qui incitent [les enfants] à ne pas abandonner l’école primaire est qu’ils espèrent avoir la chance de fréquenter une école secondaire. Pour qu’ils gardent cette motivation, il faut créer un système qui récompense les enfants en leur donnant accès à l’éducation secondaire ».

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Publié sur OSI Bouaké le samedi 19 janvier 2008

 

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