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Miroslav Tichý : "Je suis le pionnier du chaos..."

"... car rien ne peut naître que du chaos"


OSI Bouaké - 24/08/08 - SD -

Miroslav Tichý est un artiste tchèque, son œuvre commence avec la fabrication artisanale de ses appareils photos et objectifs (polis au dentifrice et à la cendre) :

Tichý est un marginal, un clochard, un vieux fou, un rebelle, un philosophe, un poète.

Peintre dans sa jeunesse (il dit avoir arrêté car "toutes les peintures ont été peintes"), après 8 ans de goulag et quelques années d’internement psychiatrique, il sort tous les jours de chez lui et fait consciencieusement 3 rouleaux de 36 photos dans sa petite ville du côté de Prague. Ses sujets sont presque exclusivement des femmes, souvent à la piscine, dénudées, alanguies, anonymes aux corps morcelés. Il dit qu’il déclenche lorsque dans son viseur, "cela ressemble à la réalité".

Il développe ses films dans un seau de révélateur, la nuit dans sa cour, puis laisse les tirages tremper dans l’eau quelques heures ou quelques jours. Ensuite, il les fait sécher et le "post-traitement" commence : ses photos sur-vivent à ses côtés, dans un intérieur envahi de désordre et de poussière. Elles traînent partout, se tachent, se déchirent, servent de dessous de verre, de cale-meuble... Il en choisi certaines qu’il décore d’un cadre dessiné au stylo bille ou au crayon, il lui arrive d’intervenir directement sur l’image pour souligner une courbe, un mouvement.

Ce qui l’intéresse chez les femmes, c’est la silhouette et le mouvement. Les femmes photographiées par Tichý sont irréelles, fantasmatiques et inatteignables bien que proches, souvent rendues inaccessibles par des grillages. Interrogé pudiquement sur son attraction pour les femmes, il ne semble pouvoir en parler, et répond interdit par les communistes-attention-goulag, laissant deviner la transformation des pulsions sexuelles frappées d’interdit par une compulsion photographique inélaborable psychiquement.

En voyant toutes ces images, on se demande comment un semi-clochard a pu photographier autant de femmes de si près dans des lieux publics. Une amorce de réponse est donnée dans le film : "Je le connais bien, je le voyais presque tous les jours à la piscine, avec ses vêtements déchirés, on le laissait faire. A la limite, je n’ai jamais pensé qu’il faisait vraiment des photos", déclare un habitant de la ville, voisin de Tichý.

Ses photos ne sont pas datées, elles ont toutes été prises entre 1960 et 1990. Un grand artiste.

- Voir : Miroslav Tichý, Centre Pompidou, 25 juin - 22 septembre 2008, Galerie d’arts graphiques, Tarifs : 12 €, TR 9 € / 10 €, TR 8 €, selon période. Ouvert tous les jours de 11h à 21h, sauf les mardis et le 1er mai.


Publié sur OSI Bouaké le dimanche 24 août 2008

 

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