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Malade du sida et sans-papiers, il est arrêté en préfecture


Chloé Leprince - Rue89 - 27 Mars 2010 - On l’appellera Mounir. Il est Tunisien, il a 36 ans, il est arrivé en France en février 2008. Sans titre de séjour, pas même un visa touristique. Installation provisoire chez sa sœur, qui vit dans les Hauts-de-Seine et est mariée avec un Français. Assez vite, il remarque des boutons sur son visage. Séances chez le dermatologue, visites répétées chez le généraliste. Aucun indice. Jusqu’au dépistage VIH   - positif.

Surprise de l’intéressé et de sa famille, raconte aujourd’hui Samia, sa sœur, à Rue89. Puis désarroi : Mounir tombe gravement malade, au point d’être hospitalisé le 23 décembre 2008 en urgence. Coma. Il reste cinq mois à l’hôpital, en ressort handicapé : déficit du côté gauche, démarche mal habile et autres.

Dès son séjour à l’hôpital, sa sœur entame une procédure pour régulariser sa situation. Comme il est séropositif et hospitalisé, elle monte un dossier et requiert le « statut d’étranger malade ». Une assistante sociale l’y aide.

Le dossier est complet lorsque, le 15 septembre 2009, Mounir et sa sœur se présentent à la préfecture des Hauts-de-Seine, à Nanterre, pour le déposer. Arrivés au guichet, on les fait attendre. « Assez longtemps », se souvient Samia.

Puis les choses se compliquent :

« On nous a demandé de passer dans un petit bureau, loin du guichet. Arrivés à l’intérieur, on a vu cinq policiers. Ils ont fermé la porte à clef et ont menotté mon frère alors qu’il arrive à peine à bouger la main. »

Direction le commissariat de Nanterre. Sur le chemin, on parle à Mounir d’expulsion. Il n’aura même pas eu le temps de déposer son dossier qu’on l’aura arrêté dans les bureaux mêmes de la préfecture.

Une pratique pourtant illégale : les tribunaux se montrent scrupuleux sur ce point de la convention européenne des droits de l’homme. Ils ont sanctionné à maintes reprises l’administration pour « l’arrestation déloyale » de sans-papiers alors qu’ils venaient déposer un dossier de régularisation.

Au commissariat, Mounir a la chance de rencontrer un lieutenant de police outré par une telle arrestation. Il échappe au centre de rétention.

Il vit toujours chez sa sœur aujourd’hui, mais son dossier n’a pas été validé par l’administration. Samia précise que la préfecture n’a même pas daigné passer à l’étape du dossier médical. De plus en plus de de sans-papiers séropositifs éconduits

Depuis 2005, l’Etat a pourtant mis en garde les préfectures contre une lecture trop rigoriste de la procédure des titres de séjour pour étranger malade lorsqu’il s’agit de sans-papiers séropositifs. Une circulaire de septembre 2005 rappelle ainsi aux administrations (dont les pratiques variaient alors sensiblement) qu’elles ne peuvent pas valablement considérer qu’un étranger, a fortiori issu d’un pays du Sud, aurait accès à un traitement suffisant.

Chez Act up, on précise par exemple qu’il est bien envisageable d’avoir accès aux antirétroviraux en Tunisie ou au Brésil. Mais que l’ensemble du système médical et la situation d’un expulsé restent suffisamment précaires pour que, dans les faits, aucun traitement suivi ne soit possible.

Le cas de Mounir est en fait révélateur d’une tendance au durcissement face aux malades du sida   en quête de titre de séjour. Chez Aides 92, on dit recevoir de plus en plus d’étrangers éconduits dès leur première demande.

Act up précise qu’aujourd’hui, une demande sur deux se solde par un refus. Les associations de terrain se mobiliseront d’ici quelques jours contre « les pratiques illégales » à la préfecture de Nanterre. Mounir n’a quant à lui plus de perspectives de régularisation dans les Hauts-de-Seine.


Publié sur OSI Bouaké le samedi 27 mars 2010

 

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