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Liban, Zimbabwe et Venezuela dominent le négoce des "diamants de sang"


Le Monde | 27.06.09 | 21h03 • Londres Correspondant

AP/TSVANGIRAYI MUKWAZHI

Après avoir alimenté des guerres via la contrebande, le diamant peine à emprunter de nouvelles voies d’acheminement officielles, malgré l’existence du processus de Kimberley (ville minière d’Afrique du Sud) interdisant la vente de pierres lorsqu’elles proviennent d’une zone de conflit.

Lors de la réunion, qui s’est achevée vendredi 26 juin à Windhoek, (capitale de la Namibie), de cette structure de coopération internationale visant à lutter contre les trafics de pierres brutes, trois pays ont été accusés de jouer un rôle de premier plan dans le négoce des "diamants de sang" : le Zimbabwe, le Liban et le Venezuela.

"Il faut colmater les brèches dans le régime international de certification. Mais le temps presse, si le processus de Kimberley, qui est vital, ne veut pas perdre toute sa crédibilité", nous déclare Annie Dunnebacke, porte-parole de l’organisation non gouvernementale (ONG) britannique Global Witness, à propos de l’appel à un renforcement des contrôles lancé par cette conférence regroupant 75 pays producteurs, ainsi que les milieux d’affaires.

Au Zimbabwe, les militaires et cadres de la Zanupf, le parti au pouvoir du président Robert Mugabe, ont pris le contrôle du vaste gisement de Chiadzwa (Est). Achetées par des intermédiaires belges, israéliens, libanais ou chinois, les gemmes arrivent à Anvers via l’Afrique du Sud ou le Mozambique. L’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) vient d’accuser l’armée de M. Mugabe d’avoir massacré des centaines de petits chercheurs de diamants alluviaux dans cette région, à l’automne 2008, afin de monopoliser l’extraction.

Autre inquiétude : le Liban, dont les exportations de diamants bruts de haute qualité sont supérieures aux importations. Le pays du Cèdre est devenu le principal débouché des diamants originaires de Guinée. Les commerçants libanais installés dans toute l’Afrique de l’Ouest se servent de cette plate-forme comme couverture des achats illégaux par le truchement de faux certificats en Sierra Leone, au Liberia, en Gambie ou au Mali. Dernier dossier chaud, le Venezuela, qui s’est lui-même provisoirement retiré du processus de Kimberley après avoir suspendu son commerce de diamants en pleine implosion. Les pierres extraites sont introduites par contrebande dans les réseaux de vente légitimes via le Brésil ou la Guyane.

En vertu de la convention lancée en 2000 en Afrique du Sud, chaque diamant brut mis en vente dans le monde doit être accompagné d’un "passeport" infalsifiable garantissant son origine. Ce processus de certification, qui prévoit plusieurs contrôles en amont comme en aval, vise à rendre impossible la commercialisation de diamants extraits dans des pays en proie à des conflits. Il s’agit d’entraver le financement de guerres civiles comme d’actes terroristes par la très secrète et mystérieuse filière diamant.

"COMBATTRE LA CORRUPTION"

La réunion de Windhoek visait à renforcer l’efficacité du nouveau système de certification des diamants bruts. La multiplication des filières parallèles de pierres de "sang" souligne toutefois les limites de cette initiative soutenue par l’ONU  .

"L’important est que le processus soit là, mais il faut en priorité améliorer le système de surveillance défaillant en combattant d’abord la corruption, plus que jamais présente, surtout en Afrique", explique un professionnel anversois. Les milieux diamantaires qualifient, de leur côté, de perte de temps l’insistance des ONG à inclure dans le processus de Kimberley la nécessité du respect des droits de l’homme dans les zones minières.

Marc Roche


Sur le Web :


HRW demande "la fin des atrocités" au Zimbabwe

"Trois hélicoptères ont surgi du ciel, et les soldats à leur bord nous ont tirés dessus à l’arme automatique. Quatorze de mes camarades sont morts." Cité dans le rapport de Human Rights Watch (www.hrw.org) rendu public vendredi 26 juin à Johannesburg, ce mineur raconte la journée du 27 septembre 2008. L’armée zimbabwéenne prend alors le contrôle des champs diamantifères de la région de Marangue, dans l’est du pays. HRW a recensé plus de 200 morts lors de cette opération militaire. Depuis la découverte de cette zone en novembre 2006, la police, puis l’armée, ont forcé des villageois, adultes et enfants, à travailler plus de onze heures par jour sans être payés.

L’ONG estime que des membres haut placés du parti au pouvoir, la Zanupf, sont impliqués dans la revente illégale des diamants récoltés, et réclame "la fin des atrocités" ainsi que la suspension du Zimbabwe du processus de Kimberley. - (Corresp.)

Article paru dans l’édition du 28.06.09


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Publié sur OSI Bouaké le dimanche 28 juin 2009

 

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