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Kenya : Les programmes ARV retrouvent les patients perdus lors des violences électorales


Eldoret, 26 février 2009 (Plusnews) - Les affrontements qui ont éclaté dans la vallée du Rift au Kenya à la suite des élections l’année dernière ont empêché des centaines de patients de se rendre dans leurs centres de soins habituels afin de se procurer leurs antirétroviraux (ARV  ), faisant redouter aux travailleurs sanitaires que leurs malades ne développent des résistances au traitement, tombent malades, ou meurent.

Par exemple, plus de 90 pour cent des patients de l’Academic model for the prevention and treatment of HIV (AMPATH) ne s’étaient pas rendus à l’établissement afin de se procurer leur traitement pendant les violences.

Mais aujourd’hui, Cleophas Chesoli, gestionnaire au sein de l’AMPATH, est un homme beaucoup plus heureux. En effet, la plupart des patients ont quitté les camps de déplacés où ils avaient trouvé refuge et jusqu’à présent, aucun d’entre eux n’a présenté de signes de résistance.

Fin 2007, une vague de violence s’est abattue sur l’ensemble du Kenya à la suite d’un scrutin présidentiel fortement contesté, faisant plus de 600 00 déplacés, parmi lesquels au moins 15 000 personnes séropositives, selon les chiffres avancés par le Conseil national de lutte contre le sida   (NACC en anglais). Le gouvernement a désormais fermé l’ensemble des camps officiels pour déplacés internes et quelque 250 000 personnes ont regagné leur domicile.

« Les personnes sont presque aussi nombreuses aujourd’hui à bénéficier de notre programme ART [thérapie antirétrovirale] qu’avant les affrontements », a expliqué M. Chesoli à IRIN/PlusNews. « Les rares patients qui ne sont pas encore revenus au centre bénéficient probablement des programmes ARV   proposés dans les lieux où ils sont allés s’installer ».

Des patients bien informés

M. Chesoli a indiqué que grâce aux programmes de conseils sur l’observance, la plupart des patients savaient qu’il était important de suivre scrupuleusement leur traitement. En conséquence, de nombreux malades avaient pris avec eux leur traitement ARV   alors qu’ils fuyaient les affrontements, et avaient veillé à se ravitailler en médicaments.

En outre, l’AMPATH avait ouvert des services ’satellites’ dans plusieurs grands camps de déplacés de la province, où des infirmières et des bénévoles - des déplacés pour la plupart - distribuaient des ARV   et offraient un soutien psychosocial.

Au moment des affrontements, l’AMPATH distribuait des ARV   à quelque 30 000 personnes, dans le nord de la vallée du Rift. Aujourd’hui, la plupart des patients ont regagné leur domicile et plus de 40 000 patients bénéficient des services de l’AMPATH.

Lors de la violence post-électorale, diverses organisations sanitaires, dont l’AMPATH et l’organisation médicale internationale Médecins Sans Frontières (MSF  ), ont utilisé les media nationaux afin d’indiquer aux patients les lieux où étaient implantés les centres de santé. MSF   avait également créé un centre d’appels et une ligne d’écoute gratuite afin de transmettre des messages sur le VIH   et la tuberculose aux personnes incapables de se rendre jusqu’à leur clinique habituelle.

De plus, MSF  , qui distribue des ARV   à quelque 2 000 personnes à Kibera, le plus grand bidonville de Nairobi, la capitale kényane, a remarqué qu’au mois de janvier, lorsque les affrontements battaient leur plein, les patients ne se présentaient plus aux consultations, alors que dès février, ces derniers se redirigeaient déjà pour la plupart vers les centres de santé.

De nombreux programmes ARV   ont été interrompus par la flambée de la violence et le chaos qui a suivi.

« Il est nécessaire que nous élaborions un plan en cas de telles urgences, à l’avenir. Ainsi, nous éviterons d’être pris au dépourvu », a reconnu M. Chesoli. « Nous devons également nous assurer que notre personnel est formé afin de pouvoir faire face, par exemple, aux problèmes de la violence sexuelle et de la santé de la reproduction lors d’une urgence. »

Enseignements tirés

Il a, en outre, remarqué que les camps devaient être organisés de sorte que les patients aient immédiatement accès aux services sanitaires. Des services clés, tels que l’accès à l’eau, devraient, quant à eux, être implantés dans les zones bien éclairées des camps afin de réduire les risques de violence sexuelle.

Selon MSF  , les organisations doivent élaborer « un système de gestion des données d’urgence simple, capable de continuer à enregistrer les informations des centres lors d’une crise, et qui contiendrait les renseignements clés afin de permettre au personnel d’offrir des soins continus. »

Une meilleure coordination entre les agences est également nécessaire lors d’une crise, a souligné M. Chesoli, afin d’éviter de proposer les mêmes services et de pouvoir combler les lacunes dans la prestation des services.

« Nous avons également noté que les habitants avaient besoin d’assistance après la crise. », a-t-il ajouté. « Bon nombre d’entre eux sont retournés dans leur maison qui a brûlé, [leur] bétail a été volé et ils n’ont bien entendu pas pu cultiver leur lopin de terre, car ils ont vécu dans des camps pendant une grande partie de l’année. »

IRIN/PlusNews s’est de nouveau entretenu avec Henry Mwiterere, qui avait été contraint de fuir sa maison de Burnt Forest, l’une des régions les plus fortement touchées par la flambée de violence dans la vallée du Rift, pour trouver refuge dans un camp pour déplacés internes à Nakuru, à environ 150 km au nord-ouest de Nairobi.

M. Mwiterere est rentré à Burnt Forest et est ravi d’avoir retrouvé son poste d’animateur de groupe de soutien pour l’AMPATH. Toutefois, sa vie a changé.

« On a mis le feu à ma maison pendant les violences post-électorales, je dois donc louer une chambre ici, à Burnt Forest, mais ma famille devra rester à Nakuru jusqu’à ce que j’aie les moyens de faire venir tout le monde ici et que je juge la situation suffisamment sûre », a-t-il confié.

Selon lui, les tensions entre les communautés ethniques rivales demeurent fortes et il ne veut pas courir le risque de devoir de nouveau fuir.

« La nourriture est tellement chère maintenant, et comme nous n’avons pas cultivé la terre, nous devons tout acheter », a-t-il ajouté. « Les vivres distribués par les agences humanitaires sont irréguliers et parfois, la vie est vraiment difficile. »

De nouveaux défis

M. Chesoli a reconnu que pour les personnes ayant récemment quitté les centres de déplacés, rester en bonne santé était un défi.

« Le PAM [le Programme alimentaire mondial] distribue des vivres pour 30 000 patients séropositifs de l’AMPATH ainsi que pour leur famille. Néanmoins, le nombre de personnes qui ont besoin d’un soutien a fortement augmenté compte tenu de l’actuelle crise alimentaire », a-t-il dit.

On estime à 10 millions le nombre de Kényans confrontés actuellement à une crise alimentaire causée par de mauvaises récoltes liées à de faibles pluies et à la sécheresse, par l’augmentation des prix des denrées alimentaires, ainsi que par l’interruption des activités agricoles dans la vallée du Rift, le grenier du pays.

En outre, M. Chesoli a noté que l’AMPATH était devenu extrêmement strict lors de sa classification des personnes « vulnérables », et par conséquent, lors de la répartition des vivres distribués par les agences humanitaires.

« Les gens ont perdu leurs moyens de subsistance et ont besoin d’aide afin de retrouver le statut économique qu’ils avaient avant le début des affrontements », a-t-il expliqué. « Bien que nos patients suivent de nouveau notre programme ARV  , nous devons travailler dur afin qu’ils puissent continuer à prendre les médicaments, et ce, en dépit des pénuries alimentaires ».

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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 26 février 2009

 

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