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Haïti : S’armer d’une loi sur le VIH pour se protéger et protéger les autres


Port-au-Prince, 31 octobre 2007 (PLUSNEWS)

Adultes ou enfants, hommes ou femmes, pauvres ou aisés, célibataires ou mariés, hétérosexuels ou gays, les Haïtiens vivant avec le VIH   ont tous en commun de devoir faire face à la stigmatisation liée au virus, un phénomène qu’ils espèrent bien voir disparaître, grâce à une loi.

Jean-Sorel Beaujour n’est pas prêt d’oublier la nuit où, blessé, il s’est rendu à l’hôpital pour y être soigné.

« Il avait eu des voleurs chez moi et j’ai reçu une balle », a raconté cet homme d’une quarantaine d’années, directeur exécutif de l’Association de solidarité nationale des personnes infectées et affectées par le VIH  /SIDA  , ASON. « Je suis allé à l’hôpital universitaire, il y avait deux médecins, je les ai prévenus que j’étais infecté et ils ont refusé de s’occuper de moi ».

En dépit de ses blessures, il est laissé sans soins, et c’est une jeune femme médecin qui acceptera finalement de mettre des gants pour le soigner.

M. Beaujour est loin d’être la seule personne vivant avec le VIH   à subir la discrimination liée au virus : la Plateforme haïtienne des associations de personnes vivant avec le VIH   (PHAP+), une structure qui regroupe une quinzaine d’associations et compte environ 5 000 membres à travers tout le pays, enregistre quotidiennement des témoignages.

Lorsqu’au VIH   s’ajoute un mode de vie considéré comme « immoral » ou hors des normes établies par une société très attachée à ses valeurs traditionnelles, comme c’est le cas pour les travailleurs du sexe ou les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (MSM, en anglais), la stigmatisation est démultipliée.

« Les MSM doivent subir la dérision, la [mise à l’écart] », a raconté Réginald Dupont, coordonnateur de programmes pour Sérovie, une association membre de PHAP+ et qui travaille avec les MSM. 

Les MSM sont moins souvent l’objet de violences que dans d’autres pays des Caraïbes, a-t-il noté. « Il y a une certaine tolérance vis-à-vis des MSM en raison de la culture haïtienne du vaudou. Le plus souvent, l’orientation [sexuelle] est attribuée à des esprits, c’est une façon pour eux de s’accepter, et la communauté les acceptent aussi ».

Mais si en plus d’être MSM, ils sont séropositifs, « c’est la double discrimination », a dit M. Dupont. Il a raconté l’histoire d’un jeune homme de Jacmel, une ville côtière du sud du pays, à qui il avait été conseillé d’aller se faire dépister lorsque son partenaire est décédé.

« Quand il est allé chercher son test, avant même de sortir du centre de santé, tout le monde savait qu’il était infecté et [pensait] qu’il devait mourir, parce qu’il était trois fois discriminé : MSM, séropositif et [travailleur du sexe] », s’est-il souvenu.

Face à tous ces témoignages, les associations tentent de défendre leurs droits et d’encourager les actions en justice.

« On discute avec les gens qui ont été [victimes] de discrimination pour qu’ils aillent devant les tribunaux mais souvent, ils refusent de porter plainte », a constaté M. Beaujour.

Un refus motivé entre autres par la conviction que l’action est perdue d’avance, en l’absence d’un cadre juridique spécifique sur le VIH  .

Pour remédier à la situation, les personnes vivant avec le VIH   ont décidé d’encourager le vote d’une loi, pour protéger leurs droits et garantir l’accès à la santé, l’éducation, l’emploi, en encourageant les actions en justice en cas de non respect de ces droits.

Les associations haïtiennes de personnes vivant avec le VIH   ont donc travaillé à l’élaboration d’un texte, avec le concours de leurs partenaires. Un projet de loi a été transmis au ministère de la Santé publique et de la population.

Au-delà de la protection des personnes vivant avec le VIH   contre la stigmatisation et la discrimination, l’idée de ce texte, a expliqué M. Beaujour, est de créer « un cadre légal pour protéger l’ensemble de la société contre le VIH   au niveau de la recherche, [de l’accès aux] médicaments, de la sensibilisation ».

Le projet de loi n’a pas encore été étudié par le Parlement haïtien, mais déjà les associations de personnes vivant avec le VIH   ont commencé leur plaidoyer pour expliquer le texte et le faire connaître. « Les mentalités changent, on comprend la situation et elle s’améliore, la personne qui subit une discrimination commence à être consciente de ses droits », a remarqué M. Beaujour.

Sensibiliser sur les droits est une bataille qu’il entend bien gagner, même si cet activisme n’est pas du goût de tous. « Les dirigeants disent que nous faisons trop d’activisme, mais nous leur répondons que nous nous battons pour la vie, pour nos droits et ceux des autres », s’est-il défendu.

Et puis les autorités devraient voir dans cette loi une façon de s’imposer dans une lutte contre le sida   largement dominée par les bailleurs de fonds internationaux, selon M. Beaujour.

« Il y a un manque de leadership national dans la lutte contre le sida  , mais avec un cadre légal, [ce leadership] pourrait commencer, en [garantissant] l’application de la loi », a-t-il suggéré.


Publié sur OSI Bouaké le samedi 3 novembre 2007

 

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