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Douloureuse fin de parcours à l’hôpital

En direct de l’hôpital de Brazzaville


Le Potentiel (Kinshasa) - ACTUALITÉS - 9 Septembre 2005

Lorsque les sidéens arrivent à l’hôpital de Brazzaville, il est souvent trop tard pour pouvoir les soigner. Tout juste peut-on les soulager s’ils ont des moyens et de la famille pour les aider. La plupart repartent mourir chez eux. Reportage dans cet hôpital de toutes les douleurs.

« Ramenez-moi à la maison et je vais manger. Si je reste ici, je vais mourir, scandait-elle. Vivre avec cette maladie, c’est comme une prison. Enlevez-moi la perfusion. Je veux retourner à la maison voir ma fille. » La jeune femme de la chambre 6 est morte la nuit suivante : elle avait environ 26 ans. Elle a enfin quitté ce qu’elle appelait « sa prison », le Sida  . Elle était hospitalisée dans « le pavillon des infectieux » de l’hôpital de Brazzaville où arrivent les sidéens en phase terminale, le plus souvent complètement déshydratés suite à de graves troubles intestinaux. « Nous sommes au Congo, et beaucoup de malades du sida   arrivent à la dernière minute, après avoir fait le tour des dispensaires, ngangas (médecins traditionnels, Ndlr), sectes, etc », confie un infirmier.

C’est le cas de Maman A., arrivée en piteux état. Lorsqu’elle a appris son statut sérologique, elle n’a rien voulu savoir. A deux reprises, elle a déchiré les résultats du laboratoire. A l’instar de nombreux malades au Congo, qui voient le diable partout, elle s’est mise à accuser toute sa famille de « sorciers ». Elle est hospitalisée ici depuis une semaine.

Les seuls à venir la voir et lui servir de garde-malades sont son gendre qui remplace sa fille qui vient d’accoucher et son grand-frère. « Après tout, c’est quand même notre soeur même si elle nous traite de sorciers, on ne peut pas l’abandonner », confie ce dernier. K., son beau-fils, montre les photos de Maman A., avant et après. Une belle femme, en pleine forme, élégante, pesant près de 80 kilo. Aujourd’hui, elle n’en pèse plus que 30. « C’était une beauté, elle est méconnaissable, s’émeut-il. Cette maladie, elle est terrible, elle bouffe ».

MORTE DANS SA TETE

Ce matin, elle dort. Un répit, peut être avant la prochaine diarrhée qui va la tenailler. Elle est abandonnée à elle-même, car ses gardes-malades familiaux sont partis faire la tournée des parents pour pouvoir payer une ordonnance qui traîne depuis des jours. A son bras, la perfusion est finie mais impossible de remplacer le flacon de sérum tant qu’ils ne l’ont pas acheté. En attendant, personne n’est là pour lui donner à boire ou l’aider à aller aux toilettes. Deux chambres plus loin, les deux infirmières discutent sans s’émouvoir de ses cris. Ici, les infirmières laissent l’essentiel des soins aux gardes-malades et se contentent de faire les piqûres et les prélèvements à condition qu’on leur fournisse des gants. Elles sont à l’image de ce service de 25 lits, dans un état lamentable : la peinture est défraîchie, des vitres sont cassées, les toilettes empestent.

Depuis une semaine qu’il veille sur sa belle-mère, K., jeune homme de 32 ans, a vu toute la souffrance humaine. « Je vois arriver ici beaucoup de malades complètement K.O., qui ne savent pas exactement de quoi ils souffrent. » Mais quand ils l’apprennent, ils souffrent encore plus : « Tu as quelqu’un qui délire et qui demande la mort. Ce n’est pas étonnant lorsqu’on annonce à un malade qu’il est atteint du sida   sans préparation psychologique. »

Au sein de ce service, la jeune femme de la chambre 6, bien soignée, aurait pu vivre encore quelques années avec le sida  . Mais depuis qu’elle connaissait la maladie dont elle était atteinte, dans sa tête elle était déjà morte. Elle refusait de s’alimenter et d’avaler le moindre médicament. Pourtant, comme quelques-uns qui arrivent ici alors que la maladie n’est pas trop avancée, elle aurait pu bénéficier des anti-rétroviraux.

INDIGENTS ET ABANDONNES

Certains malades, totalement indigents, sont incapables de payer les frais d’hospitalisation ou les médicaments. Parfois abandonnés par la famille, ils ne reçoivent pratiquement pas de visites. Ils sont pris en charge par l’assistante sociale du service avec les maigres moyens du bord : quelques vivres offerts un jour, du sérum de glucose un autre, un peu de savon et de l’eau minérale. Les plus nantis restent des semaines alimentés par des perfusions de sérum, certains ressortent ragaillardis. La plupart meurent là ou repartent mourir chez eux.

C’est le cas de Pascaline, une autre jeune femme âgée de 25 ans, sans aucune ressource. Cela fait deux ans qu’elle fait le tour des dispensaires et des charlatans de la capitale mais sa tante ne désespère pas : « Ceux qui lui veulent du mal ne vont pas atteindre leur but ; ils ne pourront pas prendre son esprit, c’est une enfant de Dieu. Il y a des malades qui ont plein de sachets de médicaments mais ils ne guérissent pas. » Son cas est pourtant désespéré. Pascaline ne contrôle plus ses mouvements du côté droit et son bras est complètement paralysé. Le médecin a préféré la renvoyer chez elle...

Carole Mandello/Syfia


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Publié sur OSI Bouaké le vendredi 30 septembre 2005

 

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