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Bioéthique : ce qui peut changer

Dons d’organes, transfert d’embryon post-mortem... Les députés se penchent ce mardi sur le projet de révision des lois bioéthiques, dont les mesures phares ont été écartées.


Libération - 07/02/2011 à 18h26 - Par Marie Piquemal

Le projet de révision des lois de bioéthique débarque ce mardi à l’Assemblée. Sans avancée majeure. Exit la gestation pour autrui (mères porteuses) ou l’ouverture de la procréation assistée aux couples homos et femmes célibataires. Quant à la levée de l’anonymat pour les dons de gamètes, dernière mesure-phare du texte, elle a été rejetée par la commission spéciale de l’Assemblée nationale... « Une loi prudente » qui respecte les « principes français », a estimé ce lundi la ministre de la Recherche, Valérie Pécresse.

Revue des principaux points (ou ce qu’il en reste). Avec ,à chaque fois, un rappel de l’état du droit.

Le don d’organes de son vivant

La situation aujourd’hui : Pour donner un organe de son vivant (cas le plus fréquent : un rein), les conditions sont strictes : il faut appartenir à la même famille (conjoint ou lien de parenté).

Ce qui pourrait changer : Le projet de loi prévoit d’élargir le cercle des donneurs à toute personne ayant avec le receveur une « relation étroite et stable ».

Une autre disposition prévoit d’autoriser ce qu’on appelle « les dons croisés » entre deux couples. Imaginons que Mme A ait besoin d’un rein que son mari ne peut le lui donner faute de compatibilité. Même situation chez M. et Mme B. Le projet de loi prévoit d’autoriser M. B à donner son rein à Mme A et vice versa. Cette disposition permettrait « de réaliser de 100 à 200 greffes de rein supplémentaires par an, tout en favorisant le développement de la solidarité », a-t-il été estimé lors du conseil des ministres du 20 octobre dernier.

Les dons d’ovocytes

La situation aujourd’hui : Les femmes ne peuvent donner leurs ovocytes qu’une fois qu’elles sont mères (la situation est identique pour le don de sperme : ne peuvent donner que les hommes ayant déjà eu un enfant). Notons qu’aujourd’hui, les dons d’ovocytes sont bien inférieurs à la demande, de plus en plus de personnes se tournant vers des cliniques privées des pays voisins.

Ce qui pourrait changer : Autoriser toutes les femmes, même celles qui n’ont pas d’enfant, à donner leurs gamètes. Et éventuellement, si elles le souhaitent, demander à ce que leurs ovocytes soient conservés en « vue d’une éventuelle réutilisation ultérieure » (au cas où elles deviendraient infertiles).

Le transfert d’embryon post-mortem

De quoi parle-t-on ? Ils s’agit de cas rarissimes, touchant deux ou trois femmes chaque année. La situation est la suivante : un couple entame une procédure de fécondation in vitro, l’embryon n’est pas encore implanté dans l’utérus de la femme quand le mari décède. Qu’advient-il ? Avec la loi actuelle, le processus est interrompu.

Ce qui pourrait changer : Contre l’avis du gouvernement, la commission spéciale pilotée par Leonetti s’est prononcée pour l’autorisation du transfert post-mortem, sous certaines conditions, notamment un encadrement du délai, estimant qu’à ce stade, « le projet parental est déjà bien engagé ».

— > Sur ce point, lire ici un article résumant les positions des uns et des autres.

L’assistance médicale à la procréation (AMP)

La situation actuelle : Quelque 30 000 couples s’adressent chaque année à un centre d’assistance médicale à la procréation. Le recours à l’assistance médicale à la procréation (insémination, fécondation in vitro, micro-injection, ndlr) est limité aux couples hétérosexuels stériles. Les femmes célibataires et les couples homosexuels, ne pouvant y avoir accès en France, sont souvent contraints à l’exil.

Ce qui pourrait changer : Pas grand chose. Le projet de loi rejette une ouverture de l’accès à l’AMP aux couples homo et femmes célibataires, réaffirmant la finalité « médicale » de l’AMP. Seuls changements prévus : la suppression du délai de deux ans de vie commune pour les concubins.

Sur les méthodes employées, la « congélation ultra-rapide d’ovocytes » (dite aussi vitrification), pourrait être autorisée, telle qu’elle se pratique dans certains pays européens comme l’Espagne. Jusqu’à présent, seule la congélation lente, moins performante, est possible en France. Début novembre, le professeur René Frydman avait annoncé la naissance de deux jumeaux à partir d’ovocytes congelés, une première en France.

La recherche sur l’embryon et les cellules souches

La situation actuelle : Au grand dam des chercheurs, le principe est celui de l’interdiction de la recherche. Tout en réaffirmant ce principe, la loi de 2004 avait prévu une procédure dérogatoire limitée à cinq années... arrivée à son terme ce dimanche 6 février.

Ce que prévoit le projet de loi : Statu quo. Le principe de l’interdiction est réaffirmé, avec un régime d’autorisation à titre dérogatoire, mais cette fois sans limitation de durée. Changement à la marge, surtout sémantique : pourront être autorisées les recherches « susceptibles de permettre des progrès médicaux majeurs » et non plus des « progrès thérapeutiques majeurs », ce qui permettra d’inclure les recherches en matière de diagnostic et de prévention.

L’anonymat des dons de sperme ou d’ovocytes

La situation actuelle : Tous les pays européens ont fait évoluer leur législation en mettant en avant le principe du droit à connaître ses origines pour l’enfant né d’un don de gamètes. En France, la loi actuelle est formelle. Les dons de sperme et d’ovocytes sont strictement anonymes.

Ce que prévoi(yai)t le texte de loi. En présentant le texte en Conseil des ministres, en octobre dernier, Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, avait ouvert une brèche. Le texte de loi instaurait un changement de taille : si l’enfant demande à sa majorité à connaître l’origine du sperme ou de l’ovocyte dont il est issu, la loi permettra de se tourner vers le donneur : si ce dernier est d’accord, ses coordonnées pourront être données au demandeur. Si le donneur ne le souhaite pas, la demande ne pourra pas aboutir.

Mais cette avancée vers la levée de l’anonymat a été rejetée à la quasi-unanimité par la commission spéciale de l’Assemblée nationale. La question pourrait être débattue lors de l’examen des amendements mais n’a quasiment aucune chance d’aboutir.

— > Interview de Denis Berthiau, du centre éthique de l’hôpital Cochin à Paris « La pression sociale sur le droit à connaître ses origines est forte »


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Publié sur OSI Bouaké le mardi 8 février 2011

 

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