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Rwanda : des missiles qui pointent Paris



Libération - Maria Malagardis - 31 mai 2012 - Un document, daté de 1994 et dont « Libération » publie la teneur, révèle la présence d’armes françaises dans l’arsenal rwandais et relance le débat sur les auteurs de l’attentat du 6 avril.

Une fois de plus, elle ressurgit : l’une des plus grandes énigmes de l’histoire récente n’en finit pas de se rappeler régulièrement à notre mémoire à coups de nouveaux éléments, indices oubliés, pistes négligées. Qui a tué le président rwandais Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, lors d’un attentat spectaculaire resté non revendiqué ? Depuis dix-huit ans, cette question suscite des débats passionnés. Car même si l’attentat est le déclencheur et non la cause du génocide de la minorité tutsie, programmé de longue date, l’identité des commanditaires pèse forcément sur la lecture des événements.

Lynchage. Longtemps, c’est la thèse d’un attentat fomenté par les rebelles tutsis du FPR qui a dominé. Elle s’impose même dans les minutes qui suivent l’explosion de l’avion de Habyarimana dans le ciel de Kigali. Dès l’annonce de l’attentat, les proches du chef de l’Etat assassiné, sa famille et les barons du régime vont mettre en cause les rebelles et « leurs alliés naturels » au sein de la population, ainsi que les Belges, qui constituaient alors le principal contingent de Casques bleus occidentaux présents dans le pays. Résultat : après le lynchage de dix d’entre eux, les Casques bleus belges quittent le pays, livré du coup aux ultras du régime rwandais qui déciment systématiquement les Tutsis du pays. 800 00 morts en trois mois : c’est le plus fulgurant massacre jamais recensé. On comprend dès lors que l’attentat « déclencheur » suscite autant de curiosités. Et de blocages.

Hasard. C’est presque par hasard, dans le cadre d’une recherche historique, que Linda Melvern, journaliste britannique, tombe sur la fameuse liste évoquant la présence de missiles Mistral, dans les archives de l’ONU  . Le document avait été adjoint et noyé au milieu d’un autre rapport. Pourquoi est-ce si important ? Parce que, depuis 1994, les anciens officiers rwandais inculpés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda n’ont cessé d’affirmer qu’aucun des leurs ne pouvait être mêlé à cet attentat, car ils ne possédaient pas de missiles. Les autorités françaises, qui les ont trop longtemps soutenus, formés et équipés, ont suivi le même raisonnement : sans arme, pas de crime possible. Mais alors, que viennent faire ces Mistral dans les stocks de l’armée rwandaise ? Et qui savait ?


Inventaire

Libération - Sylvain Bourmeau - 31 mai 2012 - Depuis longtemps, des responsables politiques, de gauche comme de droite, tentent d’occulter la responsabilité de la France dans le génocide rwandais. Contrastant singulièrement avec la qualité des travaux de la commission sénatoriale belge, la mission d’information parlementaire française n’a, in fine, produit qu’un vaste écran de fumée. Plus grave encore, un magistrat en charge de l’enquête, le fameux juge Bruguière, semble avoir tout mis en œuvre pour brouiller les pistes et organiser la désinformation la plus totale, ouvrant la voie au pire négationnisme. Reprenant l’instruction, le juge Trévidic a commencé à apporter de précieux éléments, un rapport balistique établissant le rôle déclencheur de l’attentat contre l’avion du président Habyarimana. Un nouveau document de l’ONU  , dont Libération révèle aujourd’hui l’existence, vient d’être versé à son dossier. Il révèle que le régime rwandais était, au jour de l’attentat, en possession de quinze missiles français Mistral, pourtant strictement interdits d’exportation. Pourquoi la France aurait-elle fourni ces armes sol-air alors que les rebelles rwandais ne disposaient pas d’avions ? Des instructeurs français se trouvaient-ils sur place pour former à leur maniement ? Quel rôle Paris a-t-il réellement joué à Kigali dans les années et les mois qui ont précédé le génocide ? La justice doit poursuivre son travail. Mais nous attendons désormais avec impatience du nouveau président de la République, François Hollande, qu’il exerce un véritable droit d’inventaire. Afin que nous prenions toute la mesure de la responsabilité de son prédécesseur socialiste, François Mitterrand, et donc de notre pays, dans ce génocide qui, en cent jours, coûta la vie à 800 000 personnes.


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 14 juin 2012

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