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Le "pirts", sauna letton au folklore quasi religieux


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Le Monde.fr avec AFP | 20.03.2013 -

Pour pénétrer le mystère du "Pirts" mieux vaut ne pas être frileux. La version lettone du sauna, hammam, thermes romains et autres sweat lodge des Indiens d’Amérique prévoit en effet de se plonger nu dans la neige.

Photo Ilmars Znotins / AFP

Pour pénétrer le mystère du "pirts", mieux vaut ne pas être frileux. La version lettone du sauna, hammam, thermes romains et autres sweat lodge des Amérindiens prévoit en effet de se plonger nu dans la neige alors que le thermomètre affiche des températures négatives. Mais en Lettonie, on ne badine pas avec ce cérémonial qui appartient au patrimoine national. "Le pirts, c’est vraiment le temple letton, sans exagérer", explique Juris Batna, propriétaire du Lielzemenes, un complexe situé à une cinquantaine de kilomètres au sud de la capitale, Riga. "Bien avant l’arrivée de la chrétienté en Lettonie avec les croisés des peuples germaniques, ils étaient notre Eglise", ajoute le quiquagénaire, évoquant cette période païenne d’avant l’évangélisation du pays au XIIIe siècle.

A première vue, les pirts lettons ne se distinguent pas vraiment des saunas ou hammams traditionnels. De l’extérieur, il s’agit de petites cabanes en rondins chauffées par des poêles à bois. "La grande différence est ce qu’on y fait à l’intérieur. Nous appelons cela un rituel", détaille Juris Batna. L’expérience sensorielle d’une autre dimension commence lorsque ce dernier et son épouse Aelita entrent en action : ils brossent leurs patients avec des assemblages de branchages ressemblant aux balais de sorcières des contes de fées. Alors que la température monte, pierres chaudes, symboles de bois et de laine, chants rythmiques, clochettes, huiles parfumées interviennent progressivement dans le rituel, mélange parfois déconcertant de sensations, d’odeurs et de sons.

La cérémonie dure au moins trois heures – elle peut parfois atteindre le double – et utilise plus d’une douzaine de fagots composés d’espèces végétales différentes, souligne Juris Batna. La touche finale consiste à se plonger dans l’eau glacée ou de se rouler dans la neige. Mais avant de sortir dans le froid glacial pour cette dernière épreuve censée précéder le nirvana, M. Batna fait une pause : "C’est le moment ou certaines personnes ont – comment appelle-t-on cela ? – ah oui, une expérience de mort imminente !"

"ÉVÉNEMENTS LES PLUS IMPORTANTS DE LA VIE"

Le centre de Lielzemenes est un lieu qui attire de nombreux historiens et passionnés du folklore letton. "Il existe plus de 300 chansons populaires folkloriques, les ’dainas’, sur le thème des pirts, qui ont toujours été le lieu où célébrer les événements les plus importants de la vie, poursuit son propriétaire. Les Lettons naissaient dans les pirts et, à la fin de leur vie, c’est là qu’on les ramenait avant de les enterrer."

Juris Batna et sa femme s’efforcent de faire revivre tous les rituels marquant les différentes étapes de la vie dans ces lieux. Juste avant leur mariage, les femmes s’y rendent ainsi pour se préparer à leur nouvelle vie ou après avoir accouché, avec leurs nouveau-nés. Un autre rite, presque oublié, concerne le passage à l’âge adulte pour les garçons.

"Le pirts est peut-être la seule chose qui n’ait pas changé tout au long de notre histoire depuis des milliers d’années. Il a survécu aux périodes d’occupation, aux guerres, aux déportations. Même pendant la période soviétique, alors que la Banya [le sauna russe traditionnel] était très populaire", assure Juris Batna. Dans cette ex-République soviétique de 2 millions d’habitants qui a rejoint l’Union européenne en 2004, le pirts reste très important. "C’est essentiel de ne pas oublier notre culture."


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Publié sur OSI Bouaké le jeudi 21 mars 2013