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Le milieu scolaire, terreau fertile pour l’homophobie



Libération - 11/05/2010 à 17h48 - Par Fabien Paillot

Combien d’injures homophobes, d’agressions, au travail ou sur la voie publique ? SOS Homophobie présentait ce mardi son rapport annuel. Un bilan réalisé à partir des témoignages reçus au cours de l’année 2009, par mails ou sur sa ligne d’écoute. Il s’agit du seul document à tenter une synthèse en l’absence de statistiques réalisées par le ministère de l’Intérieur ou celui de la Justice.

Le nombre de témoignages rapportant des agressions physiques a progressé l’an dernier, passant à 88 (contre 61 en 2008). Les agressions sont plus nombreuses en province et touchent majoritairement des hommes.

Mais le rapport met surtout l’accent sur l’homophobie en milieu scolaire. S’il est difficile d’en mesurer l’ampleur, SOS Homophobie constate, année après année, la persistance d’un phénomène touchant aussi bien les élèves que les enseignants et personnels administratifs.

On dit « pédé » à la place de « salaud »

L’homophobie à l’école se manifeste d’abord dans le corps enseignant. Des insultes prononcées sous couvert d’humour jusqu’au harcèlement moral, l’association reçoit régulièrement les témoignages de profs en plein désarroi. Ainsi Daniel, enseignant dans la capitale, victime d’une dépression après avoir trop enduré les moqueries et les suspicions de VIH   de la part de ses confrères. Professeur dans le département de l’Isère, Samuel n’a pu compter sur le soutien de sa hiérarchie ou de ses collègues après avoir été insulté par des élèves.

L’homophobie en milieu scolaire, c’est aussi la banalisation des injures dans les cours de récré. Tout un vocabulaire intégré au quotidien comme un mode de communication. « Les jeunes héritent d’un discours rétrograde sans forcément se poser de questions », estime Bartholomé Girard, président de SOS Homophobie. Un discours reproduit par mimétisme qui peut parfois dévier vers l’exclusion ou l’agression physique contre des adolescents jugés « différents ».

Conseillère d’éducation dans un lycée de Savigny-sur-Orge, dans l’Essonne, Véronique Elédut évoque « une violence verbale ordinaire. On dit "pédé" à la place de "salaud" ». Âgé de 19 ans, Étienne préfère se faire dispenser de sport plutôt que d’affronter les moqueries de ses camarades. Il a même reçu une lettre de menace : « Tu dois aller en prison. » Des actes passés sous silence par les enseignants, voire avec leur approbation, assure l’association. Lycéen dans les Hauts-de-Seine, Jérémy s’est fait insulter par son professeur principal : « Suicide toi, tu ne sers à rien. » Pour lui avoir répondu, l’élève est passé en conseil de discipline.

Création d’un site Internet

Afin de sensibiliser ces adolescents, les bénévoles de l’association interviennent régulièrement dans les classes, de la quatrième jusqu’en terminale « pour déconstruire certains clichés », explique Bartholomé Girard. Mais le jeune président de SOS-homophobie regrette le manque d’implication de l’Education nationale. La première circulaire évoquant la lutte contre l’homophobie a été adoptée en 2008, et une campagne d’affichage dans les établissements scolaires a suivi.

« Insuffisant », selon Bartholomé Girard. « Le ministère n’a toujours pas mesuré l’ampleur du phénomène », juge-t-il. Et de rappeler les récentes déclarations de Luc Chatel, ministre de l’Education nationale, qui s’était insurgé contre le Baiser de la lune, un court métrage contant l’histoire d’amour de deux « poissons-garçons » à destination des écoliers de CM1-CM2.

L’association demande que la lutte contre l’homophobie soit intégrée dans les cours d’instruction civique, au même titre que la lutte contre le racisme et la xénophobie, et propose d’inclure un module sur le sujet dans le cursus de formation des futurs enseignants. Elle va également lancer dans les prochains jours un site Internet à destination des jeunes mineurs. « Les adolescents sont souvent confrontés à eux-mêmes sans réponse aux questions qu’ils se posent, assure Bartholomé Girard. Le site devrait leur permettre d’identifier les choses plus facilement. »


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Publié sur OSI Bouaké le samedi 22 mai 2010

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