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Le financement de la lutte contre le VIH a-t-il permis de renforcer les systèmes de santé nationaux ?



Johannesbourg, 11 mars 2013 (IRIN) - L’épidémie de VIH  /sida   qui est arrivée en Afrique subsaharienne après plusieurs dizaines d’années de négligence a dangereusement affaibli les systèmes de santé, qui ont eu beaucoup de difficulté à gérer l’augmentation du nombre de patients. Puis, l’argent a commencé à affluer : le financement des programmes de lutte contre le VIH   est passé de 5,5 pour cent de l’aide allouée à la santé en 1998 à près de 50 pour cent près de 10 ans plus tard.

Malgré tout, on ignore encore si les vastes sommes octroyées à la lutte contre le VIH  /sida   ont permis de développer la résilience des systèmes de santé, si « les gains de capacité obtenus au cours des 10 dernières années seront compromis par le retrait des donateurs [et si] les vulnérabilités qui existaient avant l’accroissement de l’aide dans la fourniture des services et la volatilité des dépenses publiques réapparaîtront lorsque les bailleurs de fonds cesseront d’apporter leur soutien », a noté Amanda Glassman, directrice des politiques et de la recherche en matière de santé mondiale auprès du Centre pour le développement mondial (Center for Global Development, CGD), basé à Washington [ http://www.cgdev.org/ ].

Selon certains, l’épidémie de VIH  /sida   a contribué à l’augmentation généralisée des fonds alloués à la santé et mobilisé la communauté internationale en faveur d’un accès plus équitable aux soins de santé. D’autres soutiennent toutefois que les milliards de dollars dépensés par les donateurs pour lutter contre le VIH  /sida   au cours des 10 dernières années n’ont pas fait grand-chose pour renforcer les systèmes de santé nationaux.

Dans la phase d’urgence initiale de l’épidémie, les bailleurs de fonds n’ont pas utilisé les infrastructures déficientes des systèmes de santé nationaux et ont choisi de mettre sur pied des structures capables de donner des résultats plus rapides. Leurs efforts se sont traduits, sur le terrain, par la présence de cliniques modernes dotées d’effectifs et d’équipements suffisants et offrant des soins gratuits au sein d’hôpitaux publics autrement caractérisés par des infrastructures inadéquates, des soins coûteux et des pénuries de personnel.

« C’était approprié et inévitable à l’époque. Nous devions réagir de la façon dont nous l’avons fait. Il nous faut aujourd’hui nous montrer réceptifs face à la situation actuelle et faire bon usage des leçons apprises », a dit Alan Whiteside, directeur de la division de l’économie de la santé et de la recherche sur le VIH  /sida   (Health Economics and HIV/AIDS Research Division, HEARD) à l’université du KwaZulu-Natal.

Leçons apprises

S’il est difficile de déterminer si les fonds versés par les donateurs ont permis de renforcer la résilience, les progrès en matière de santé de la population et de couverture des services VIH  /sida   - l’accroissement du nombre de personnes éligibles aux traitements antirétroviraux (ARV  ) et du nombre de femmes enceintes recevant des services de prévention de la transmission de la mère à l’enfant (PTME  ), entre autres - suggèrent toutefois que la capacité des systèmes de santé a été renforcée, a dit Mme Glassman à IRIN.

Le secteur de la santé sud-africain est paralysé par la tuberculose (TB) et l’épidémie de VIH  , mais le pays dispose du plus vaste programme de distribution d’ARV   au monde. Plus de 1,7 million de personnes séropositives sont en effet traitées par le gouvernement. Le ministre des Finances Pravin Gordhan a par ailleurs annoncé son intention de traiter 500 000 personnes de plus chaque année dans son discours de présentation du budget.

« Le [programme de traitement] a permis d’ajouter du personnel et des ressources à la base du système de santé, d’obtenir une importante assistance technique de l’extérieur et, de manière intangible, d’éveiller l’espoir chez les fournisseurs [de soins de santé] », a dit Helen Schneider, de l’École de santé publique de l’université du Cap Occidental.

Les programmes de traitement du VIH   ont entraîné l’apparition de nouveaux régiments de travailleurs de la santé, incluant des conseillers non professionnels et des patients ayant une bonne observance aux ARV   qui participent aux programmes de soutien à l’observance dans les cliniques et par le travail de proximité. L’approche communautaire a été étendue aux soins à domicile pour les patients qui souffrent de tuberculose ultrarésistante. En outre, afin de faire face aux pénuries de médecins, des infirmières ont obtenu une certification afin de pouvoir traiter les patients et d’ainsi améliorer l’accès au traitement du VIH  .

La santé communautaire a été positivement affectée par ces changements. Selon une étude récente menée dans la province sud-africaine du KwaZulu-Natal - l’une des régions les plus durement touchées par l’épidémie de VIH   -, l’amélioration de l’accès à la thérapie antirétrovirale a permis d’accroître l’espérance de vie adulte de plus de 11 ans depuis 2004. L’augmentation de l’espérance de vie observée est l’une des plus rapides de toute l’histoire de la santé publique, notent les auteurs de l’étude, qui a été publiée dans l’édition de février du journal Science.

D’importants défis demeurent toutefois, en particulier pour les pays qui dépendent essentiellement des fonds accordés par la communauté internationale et qui ne consacrent pas encore une part suffisante de leur budget national à la santé.

Le véritable test

Maintenant que le sida   est considéré comme une maladie chronique et gérable, les bailleurs de fonds commencent à s’intéresser de plus près au renforcement des systèmes de santé. Le Fonds mondial de lutte contre le sida  , la tuberculose et le paludisme a reconnu que la faiblesse des systèmes de santé limitait le potentiel de performance de ses projets. Le Plan d’urgence du président américain pour la lutte contre le sida   (PEPFAR  ) cherche quant à lui à « intégrer de manière plus approfondie les services VIH dans les programmes et les systèmes nationaux existants ».

Le véritable test de la résilience des systèmes de santé reste pourtant à venir. « Nous ne savons pas encore si ce renforcement survivra au retrait des bailleurs de fonds », a dit Mme Glassman à IRIN.

Les pays bénéficiaires qui ont fait preuve de jugement et utilisé les fonds que les donateurs avaient affectés à des maladies spécifiques pour développer leur système de santé s’en sortiront beaucoup mieux. Le Rwanda, par exemple, a mobilisé les fonds accordés par le Fonds mondial et le PEPFAR   pour financer un régime d’assurance pour les pauvres, incluant des prestations liées au traitement du VIH  , de la tuberculose et du paludisme.

« Les gouvernements qui ont consacré tous les fonds consentis par les donateurs qui ne faisaient pas partie du budget à la lutte contre le sida   auront beaucoup de difficulté à développer la résilience [de leur système de santé]. Par ailleurs, les dispositions transitoires qui seront adoptées dans ces contextes [lorsque les donateurs se retireront] demeurent encore imprécises », a averti Mme Glassman.


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Publié sur OSI Bouaké le lundi 11 mars 2013

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