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Austérité et archives coloniales en Belgique et au Portugal



Africa4 - 5 décembre 2014 - Par Vincent Hiribarren -

Accéder aux archives du passé colonial en Afrique est essentiel et de nombreux historiens, journalistes ou avocats se sont battus pour obtenir le droit de consulter ces documents en Europe. Dans un billet précédent, j’évoquais le long combat inachevé pour révéler le passé colonial britannique et on pourrait penser qu’il existe une sorte de progrès linéaire en matière de consultation d’archives. La logique voudrait que, plus les années passent, plus les documents inaccessibles jusqu’alors en raison des délais légaux deviennent communicables. Il n’en est rien. Premièrement, certains documents sont gardés pour des raisons de sécurité nationale (ou toute expression vague équivalente en Europe). Deuxièmement, et c’est là l’un des cas les plus inquiétants, des lois de restriction budgétaire en viennent à saper les efforts de transparence de certains pays.

C’est le cas de la Belgique qui serait en passe de transférer ses 10 km d’archives coloniales du Service des Affaires Étrangères vers les Archives Générales du Royaume. Cet apparent souci de rationalité pourrait en fait aboutir à une situation où les archives coloniales belges ne soient plus accessibles aux chercheurs. En effet, que ce soit à cause de leur déménagement physique ou des restrictions budgétaires touchant le gouvernement belge, les archives coloniales seraient potentiellement de nouveau inaccessibles. Et c’est bien là tout le nœud du problème. Ce déménagement mettrait (temporairement) fin à la relative période d’ouverture des archives coloniales du royaume.

Le même phénomène s’est produit au Portugal où les archives coloniales (Arquivo Histórico Ultramarino) sont passées sous la tutelle de divers ministères ces dernières années avant un tout dernier projet qui viserait à rattacher ces archives à l’Université de Lisbonne. La manœuvre financière est bien compréhensible : on essaye de rattacher un service coûteux à un ministère ou une institution qui aurait les moyens de s’en occuper. Le fait que les 16 km d’archives coloniales fassent partie d’un patrimoine historique national est alors complètement occulté. Dans le cadre d’une cure des finances de l’État qui touche aussi les universités, on peut se demander qui aurait accès à ces archives au Portugal.

Que ce soit en Belgique ou au Portugal, des chercheurs de tous les pays comme par exemple Jean-Pierre Chrétien se sont mobilisés contre ces réformes. Ces pétitions entendent montrer que les gouvernements doivent avoir une politique archivistique cohérente. On peut facilement deviner que les recherches historiques sur le Congo, le Burundi, le Rwanda ou la Guinée-Bissau, les îles du Cap-Vert, le Mozambique et l’Angola en seront évidemment affectées. Il y aurait donc un retour en arrière pour l’écriture de l’histoire coloniale de l’Afrique.

La situation en Belgique et au Portugal n’est que l’illustration des politiques d’austérité ou de restriction budgétaire en œuvre en Europe. Évidemment si un État doit choisir entre le budget de ses archives et celui de ses hôpitaux, la décision à prendre est évidente. On peut quand même se demander les effets de cette politique (ou manque de politique) à long terme. Dans un climat où des politiciens réécrivent l’histoire coloniale, la fermeture ou la simple désorganisation de services d’archives ne viendra que conforter leurs fantasmes sur la colonisation européenne en Afrique.


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Publié sur OSI Bouaké le dimanche 7 décembre 2014

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