Delta du Niger : L’extraction pétrolière, une catastrophe permanente
Publié le 24 juin 2010 sur OSIBouaké.org
Lutte Ouvrière n°2184 du 11 juin 2010 - Boris SAVIN
L’explosion de la plate-forme pétrolière Deepwater exploitée par BP et l’ampleur de la catastrophe dans le golfe du Mexique restent à la une de l’actualité, à juste titre bien sûr. Mais cela doit rappeler que les compagnies pétrolières sont encore moins regardantes sur les conditions d’extraction du pétrole et sur la sécurité des installations dans bien des points de la planète, et notamment dans les pays pauvres.
Ainsi au Nigeria, le delta du Niger a été en grande partie ravagé depuis que l’extraction pétrolière a commencé il y a une cinquantaine d’années. Il est quasiment impossible de mesurer la quantité de pétrole répandu chaque année dans le delta, car le gouvernement et les compagnies pétrolières ne divulguent pas d’informations. Mais, selon deux enquêtes réalisées ces quatre dernières années, il se déverse chaque année autant de pétrole dans la mer, les marécages et sur terre que ce qui a fui dans le golfe du Mexique jusqu’à présent.
Selon un rapport publié en 2006, 1,5 million de tonnes de brut - soit cinquante fois la marée noire provoquée par le pétrolier Exxon Valdez en Alaska - se sont déversées dans le delta depuis le demi-siècle écoulé. Les autorités nigérianes ont recensé plus de 7 000 marées noires entre 1970 et 2000. Le 1er mai dernier, un oléoduc du groupe ExxonMobil s’est rompu, rejetant quatre millions de litres de brut dans le delta avant que la brèche ne soit colmatée.
La catastrophe écologique permanente imposée au delta du Niger s’accompagne d’une catastrophe sociale, humaine, tout aussi permanente. Ainsi la pollution de l’eau, mais aussi de l’air en raison des gaz brûlés par les torchères, la destruction des activités de pêche ou agricoles, ont plongé les populations locales dans la détresse, au point qu’en deux générations l’espérance de vie est retombée à 40 ans à peine.
Avec ses 606 champs pétrolifères, le delta du Niger fournit 40 % du total des importations américaines de brut. Bien sûr, ce sont les compagnies pétrolières occidentales qui se taillent la part du lion, en particulier le groupe Shell, et qui sont en même temps responsables de la destruction du delta.