La France restitue 16 têtes maories à la Nouvelle-Zélande

Publié le 19 juin 2010 sur OSIBouaké.org

RFI, 5 mai 2010 - Siegfried Forster - Après le vote solennel à l’Assemblée nationale le 4 mai par 457 voix pour et 8 voix contre, la nouvelle loi autorise la restitution des seize têtes de guerriers maoris détenues par les musées français. Le texte organise pour la première fois "la sortie des collections des musées de France d’une catégorie entière d’éléments et non pas d’un objet déterminé" a déclaré Henri de Raincourt, ministre pour les relations avec le Parlement. Mais la loi qui a été votée par le Sénat en juin 2009 ne concerne que ces têtes maories et la question d’autres restes humains comme les momies reste ouverte.

La ville de Rouen a été à l’origine de ce texte de loi. Le muséum de Rouen dispose depuis 1875 d’une tête momifiée et ornée de tatouages. Elle a été déposée par un particulier dans des circonstances inconnues. La municipalité avait décidé le 19 octobre 2007 la restitution officielle de la tête, mais a été déboutée par la justice au motif du non-respect de la procédure de déclassement. La députée-maire socialiste de Rouen, Valérie Fourneyron, avait critiqué la décision et dénoncé le retard de la France. La Nouvelle-Zélande exige depuis 1980 le retour de ces quelque 500 têtes dispersées dans les musées de la planète. 322 ont été déjà restituées, mais : "jusqu’à présent, la France ne s’est pas illustrée par son empressement à répondre aux demandes de rapatriement" selon Valérie Fourneyron. Elle espère que la restitution renforcera les échanges entre Rouen et la Nouvelle-Zélande : "Une équipe du musée Te Papa, à Wellington, viendra chercher elle-même, et à ses frais, la tête." Grâce aux tatouages, les têtes seront ensuite identifiées et inhumées par leur tribu. Selon les croyances, une tête non inhumée condamne l’âme de la personne à l’errance.

Il s’agit de bien plus que de simples pièces de musée

Le commerce de têtes tatouées avait commencé au XVIIe et au XVIIIe siècle pour fournir les "cabinets de curiosités" des collectionneurs. Les têtes tatouées des guerriers maoris signifiaient le courage. Lors de la colonisation de l’Océanie, les collectionneurs occidentaux les ont considérées comme de simples trophées ou objets rares. Pour combler le manque d’"articles", parfois des esclaves furent tatoués et ensuite décapités. "Il s’agit de bien plus que de simples pièces de musée. Ce sont des restes humains de personnes parfois délibérément exécutées pour satisfaire un trafic exécrable" selon la députée Michèle Tabarot (UMP).

Les autres musées français concernés sont loin du volontarisme de Rouen. Sept têtes ont été inventoriées au musée du Quai Branly, huit autres dans des musées en province. Souvent les musées défendent ardemment le principe d’inaliénabilité pour ne pas mettre en danger leurs collections. "Il faut tordre le coup au fantasme de restitutions aspirant les collections des musées occidentaux" rétorque Valérie Fourneyron.

Catherine Morin-Desailly, sénatrice centriste de la Seine-Maritime, avait préparé le texte de loi pour la restitution à la Nouvelle-Zélande des têtes maories. Elle regrette que les choses n’aient pas profondément changé depuis la bataille en 2002 pour la restitution de la Venus Hottentote à l’Afrique du Sud.

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