Les prématurés, très sensibles à la douleur, doivent faire l’objet de soins plus doux

Publié le 11 juin 2010 sur OSIBouaké.org

Le Monde.fr | 05.06.10 | 14h30 Les prématurés reviennent de loin : il y a plus de vingt ans, on pensait qu’ils étaient insensibles à la douleur. De nombreux soins invasifs, opérations chirurgicales comprises, leur étaient infligés sans anésthésiant. Aujourd’hui, les médecins savent que c’est l’inverse : les bébés nés avant terme sont souvent plus sensibles que les autres, ils ont donc besoin d’une attention toute particulière. Ce point est au centre des assises de la fondation de recherche PremUp, dédiée à la grossesse et à la prématurité, sur le thème "La douleur du foetus et du nouveau-né prématuré", samedi 5 juin.

"Le système qui véhicule la douleur est fonctionnel dès le troisième trimestre de grossesse tandis que le système inhibiteur se développe plus tard", explique le professeur Ricardo Carbajal, du service des urgences pédiatriques de l’hôpital Armand Trousseau à Paris.

DES PATIENTS SOUMIS À PLUS DE DOULEUR ET DE STRESS

Plus sensibles, les nouveau-nés prématurés subissent beaucoup plus de gestes médicaux : les actes de prélèvement et de diagnostic répétés sont la principale source de douleur. "Dans les premières heures de vie, ils peuvent avoir jusqu’à quatre prélèvements sanguins par jour", explique Natacha Michelin, infirmière en néonatologie à l’hôpital de Port-Royal à Paris, qui s’occupe quotidiennement de prématurés. La plupart d’entre eux sont sous ventilation artificielle, avec poses de systèmes respiratoires et de sondes : une nuisance permanente source de beaucoup de stress. Pour respecter leur sursensibilité, les nouveau-nés sont aujourd’hui placés dans des pièces moins exposées à la lumière et au bruit.

Parce qu’ils ont moins de tonus que les autres, les bébés nés avant terme sont moins susceptibles d’exprimer la douleur par des mouvements physiques ou des grimaces. Le personnel doit donc déployer des précautions supplémentaires. "Dès qu’on le peut, on essaie de faire le soin à deux, explique Natacha Michelin, un infirmier qui contient le bébé avec ses mains le plaçant en position physiologique pour plus de confort, l’autre qui fait les prélèvements."

L’un des objectifs des assises de PremUp est ainsi de généraliser des pratiques plus douces pour le bébé. Par exemple, l’administration de solutions sucrées permet de stimuler la production d’antalgiques propres dans le corps du bébé. "Ces solutions sont très bien connues des personnels soignants, pourtant des études ont montré qu’elles n’étaient pas utilisées de manière systématiques. Il y a une brèche entre les connaissances, ce qu’on sait faire, et la pratique."

LES DOULEURS NÉFASTES AU DÉVELOPPEMENT

L’enjeu est d’autant plus important que la douleur peut affecter durablement l’individu en devenir. "Les stimuli douloureux répétés modifient de façon durable la perception de la douleur", explique le professeur Vincent Laudenbach, du service de réanimation pédiatrique et néonatale du CHU Charles Nicolle de Rouen. "Autrement dit des enfants qui ont beaucoup été exposés à la douleur en période périnatale peuvent avoir par la suite une sensibilité plus grande à la douleur. Elle peut aussi affecter le développement cognitif."

Les médecins doivent aussi être attentifs à ne pas surdoser d’éventuels traitements médicamenteux de la douleur. Les nouveau-nés prématurés sont plus sensibles aux analgésiques et leur métabolisme est en pleine évolution. Un meilleur suivi de la douleur, pas toujours facile à détecter, est donc une autre piste d’amélioration. "Les outils qui permettent de surveiller la douleur sont bien plus perfectionnés qu’il y a vingt ans, précise le docteur Laudenbach, mais pourraient être plus fins encore. Il faut accentuer la recherche pour les améliorer. Tout en prenant garde à les rendre utilisables au quotidien."

Ces difficultés concernent un nombre toujours plus élevé de petits patients : la prématurité a augmenté de 15 % sur les quinze dernières années. Environ 50 000 enfants naissent chaque année avant terme.

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