L’intervention israélienne racontée par Henning Mankell

Publié le 4 juin 2010 sur OSIBouaké.org

Courrier International - 03.06.2010 - Jens Littorin, Dagens Nyheter

L’auteur de romans policiers suédois était à bord d’un des bateaux qui se rendaient à Gaza. Libéré par les Israéliens, il est rentré chez lui. Il rapporte la façon dont l’assaut a été mené par Tsahal et ne cache pas sa colère à l’égard de Tel-Aviv.

Henning Mankell a été l’un des premiers Suédois relâchés par les Israéliens. Le Dagens Nyheter l’a rencontré chez lui, dans le centre-ville de Göteborg. Il est installé sur le canapé de son bureau, vêtu de noir et portant les chaussettes bleues données par la compagnie aérienne. Tous ses effets personnels ont en effet disparu lorsque les soldats israéliens ont pris d’assaut le navire à bord duquel il se trouvait pour tenter de rallier Gaza. L’écrivain raconte qu’après avoir passé 72 heures sans fermer l’œil, il a enfin pu dormir tout son saoul et qu’il se porte bien en dépit des circonstances. En revanche, il nourrit une grande colère à l’égard des événements, du gouvernement et de l’armée israélienne. "Jamais Israël n’a été autant condamnée dans le monde. L’État hébreu s’est enfermé dans une impasse. Le monde aujourd’hui n’est plus celui qu’il était la semaine dernière", assure-t-il.

"Ce qui me travaille beaucoup, c’est la stupidité israélienne. S’ils avaient voulu nous stopper sans perdre la face, ils n’avaient qu’à détruire les hélices ou les gouvernails et remorquer les navires vers le large. Mais s’engager consciemment dans une confrontation violente et tuer des gens, cela me dépasse", ajoute-t-il. Puis il raconte ce qui s’est passé à bord. "J’étais de quart de minuit à trois heures. C’était calme. Je suis allé me coucher, mais je n’ai pas eu le temps de m’endormir car quelqu’un est venu me dire qu’il se passait quelque chose. Nous avons vu des hélicoptères qui larguaient des hommes et nous avons entendu des rafales. Il était alors 4h30. À 4h35, ils ont pris notre navire à l’abordage. Nous étions réunis sur la passerelle, et ils nous ont dit de descendre à l’intérieur du bateau. Il y en a peut-être quelques-uns qui ont pris un peu leur temps et ils se sont immédiatement fait tirer dessus avec des pistolets type Taser. Un autre a reçu une balle en caoutchouc", explique-t-il. "Au bout d’un moment, un soldat cagoulé est venu nous dire qu’ils avaient découvert des armes. Et ce parfait crétin est arrivé avec mon rasoir et un cutter qu’il avait trouvé dans la cuisine. Puis il a déclaré qu’il devait nous emmener avec lui, car nous étions des ’terroristes’".

Lorsqu’on lui demande s’il a eu peur, Henning Mankell répond par la négative. "Je n’ai pas particulièrement peur pour ma personne. Je peux toujours m’appuyer sur l’expérience de la violence que j’ai rencontrée en Afrique. Néanmoins, il subsiste toujours la peur d’être maltraité, même si je savais qu’ils savaient qui j’étais. C’était clair", affirme-t-il. Dans l’attaque, le romancier a perdu, entre autres, son ordinateur, son téléphone portable, son portefeuille et ses cartes de crédit. Il n’hésite à traiter les militaires israéliens de voleurs. La veille du départ, il avait travaillé sur le manuscrit de la quatrième partie de la série télévisée sur Ingmar Bergman qu’il est en train d’écrire. Sur la suite à donner à cette affaire, l’écrivain a son idée. "Naturellement, il faut envisager sérieusement de traîner Israël devant la Cour pénale internationale, mais je crois qu’il est important de traiter une chose après l’autre", explique-t-il, et d’ajouter que : "Je vends beaucoup de livres en Israël et je vais voir si j’interdis la traduction de mes livres en hébreu. En même temps, je ne veux pas toucher les mauvaises personnes, donc il faut que j’y réfléchisse".

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