Séropo en prison, morts et contaminations

Publié le 3 mai 2010 sur OSIBouaké.org

Act Up-Paris : cette lettre ouverte a été publiée en tribune dans le journal l’Humanité en date du jeudi 29 avril 2010. Mesdames les ministres, lundi 19 avril, vous avez annoncé à la maison d’arrêt de Bois d’Arcy, dans la plus grande opacité et sans concertation, votre « plan d’action stratégique sur la prise en charge sanitaire des détenus ». Nous, association de lutte contre le sida  , exigeons que vous nous receviez en urgence : le principe d’équivalence de prise en charge sanitaire entre la prison et le milieu libre qui a été consacré en 1994 et réaffirmé en 2009, est bafoué ; la situation est dramatique pour les personnes séropositives incarcérées.

Etre séropositif incarcéré, c’est supporter tous les effets de la maladie dans la discrimination et la violence du milieu carcéral : nausées, vertiges, vomissements, diarrhées, douleurs permanentes, fatigue chronique, dépression, effets secondaires des trithérapies particulièrement invalidants… Etre séropositif incarcéré, c’est subir le non respect du secret médical. La surpopulation carcérale empêche toute intimité dans la cellule, lors de la distribution des médicaments. Les règles de sécurité rendent impossible toute discrétion dans les locaux médicaux et lors des extractions à l’hôpital.

Les difficultés d’accès à des soins appropriés et l’absence de soutien psychologique et social aggravent l’état de santé des malades. Le manque d’hygiène, l’insalubrité, la promiscuité, multiplient inévitablement les risques de maladies opportunistes et de co-infection.

La séropositivité réclame une nutrition particulièrement saine. Or, les personnes incarcérées souffrent d’importantes carences alimentaires dues à une nourriture appauvrie et insuffisante qu’il leur est impossible de compenser, faute de travail et de revenus en prison. Pire encore, la sanction de placement au quartier disciplinaire aggrave la maladie.

L’absence d’information et de prévention est la cause de taux de prévalence et de contamination bien supérieurs au reste de la population [1]. Les personnes incarcérées ne déclarent pas leur séropositivité ou ne se font pas dépister pour ne pas subir la stigmatisation et les discriminations. D’ailleurs, il n’existe pas de données récentes et fiables à ce sujet.

Vous nous annoncez un plan stratégique parlant de « décloisonnement entre sanitaire et pénitentiaire » et d’« usage de nouvelles technologies ». Ces déclarations associées aux dernières réformes relèvent d’un amalgame inacceptable entre médecine et justice, entre santé et répression. Nous refusons que cette collaboration entre ministères soit menée de manière aussi précipitée, sans concertation avec les malades incarcérés et les associations qui les représentent.

Par cette lettre, nous dénonçons publiquement la peine de mort lente que subissent, dans l’indifférence, des centaines de personnes incarcérées infectées par le vih   et les hépatites. Nous demandons à vous rencontrer, mesdames Bachelot-Narquin et Alliot-Marie, dans les plus brefs délais afin que votre « plan d’action stratégique » reconnaisse aux séropositifs l’accès aux alternatives à l’incarcération et leur mise en œuvre immédiate.


Notes

[1] Enquête DREES de 2003 basée sur données déclaratives font apparaître un taux de prévalence VIH   de 1,1% et VHC de 3,1%

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