« Les Arrivants », poignant docu sur la France qui accueille (mal)

Publié le 6 avril 2010 sur OSIBouaké.org

Rue 89 - Par Olivier de Bruyn | Journaliste | 05/04/2010

Attention, documentaire exceptionnel ! Dans « Les Arrivants » [un film dont Rue89 est partenaire, ndlr], Claudine Bories et Patrice Chagnard filment le quotidien de la Coordination pour l’accueil des familles demandeuses d’asile (Cadfa). Résultat : un film passionnant sur la France d’aujourd’hui.

Ça se passe dans un lieu ordinaire d’une rue de Paris. Des bureaux où des femmes et des hommes, débordés par leur tâche, font face à d’autres femmes et hommes en situation d’urgence.

Ils débarquent du Sri Lanka, de Mongolie, d’Afghanistan ou d’ailleurs. Ils ne parlent pas le français, marmonnent parfois un anglais hésitant. Point commun : ils sont tous demandeurs d’asile.

La Cafda, chargée par l’Etat d’une mission ambiguë

Claudine Bories et Patrice Chagnard, les documentaristes, ont planté leur caméra durant quatre mois dans les locaux de la Cafda, plateforme d’accueil parisienne financée par l’Etat et survivant avec les faibles moyens du bord. (voir la bande-annonce)


Les arrivants Bande-annonce 1
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Les travailleurs sociaux qui y bossent sont les premiers à rencontrer ces « arrivants » qui, à peine le pied posé sur le sol français, découvrent le labyrinthe de l’administration nationale, et la violence d’une terre d’accueil qui n’en est pas forcément une.

La « coordination » se doit de leur trouver un hébergement puis de leur apporter une aide dans leurs démarches, jusqu’au moment, potentiellement fatal, où ils obtiennent (ou non) le statut de réfugié.

A elle aussi, officiellement, de faire « un premier tri » entre les « authentiques » demandeurs d’asile et les autres. Une situation intenable, rendue plus terrible encore par la souffrance des « arrivants » et le nombre limité des bonnes volontés qui les conseillent.

Des personnages émergent parmi arrivants et accueillants

Patiemment, les cinéastes enregistrent le quotidien du centre. Dépourvu de commentaires, le film dévoile une scénographie 100% réelle où règnent l’absurde, l’urgence, le dénuement et un gigantesque bordel.

Progressivement, certains « personnages » deviennent familiers, côté « arrivants » comme « accueillants ». Zahra, une jeune femme érythréenne, enceinte, qui semble ne pas comprendre un mot de ce qu’on lui raconte. Un couple au bout du rouleau, plongé dans une situation inextricable. Un autre qui ignorait qu’il débarquait en France.

Derrière les bureaux, Caroline, une jeune femme qui masque son malaise derrière l’intransigeance administrative. Une de ses collègues, plus âgée, dont la patience résiste tant mal que bien à l’afflux ininterrompu de nouvelles demandes et aux limites financières. Ces dernières sont parfois si contraignantes qu’obtenir un ticket de métro relève de l’exploit.

Le film reste au plus près de ses protagonistes. De leurs énervements, faiblesses, peurs et impuissances. Il met en scène une dramaturgie et un vrai suspense qui échappent à la spectacularisation, en l’occurrence hors sujet.

Les cinéastes, loin de toute posture militante, montrent une réalité complexe (et parfois terriblement cocasse) qui, soulignent-ils dans leur note d’intention, n’est « soluble ni dans l’administration, ni dans la bonne volonté ».

Un documentaire sur la France d’aujourd’hui

Constat d’une rare intensité… « Les Arrivants », derrière la simplicité de son dispositif, témoigne de la situation abjecte où sont renvoyés les demandeurs d’asile et de l’imbroglio (euphémisme) induit par certains textes juridiques.

En ne coupant pas au montage (surtout pas ! ) les difficultés de communication (incompréhensions parfois dramatiques autour d’une phrase, d’un mot), les cinéastes donnent à voir et à entendre une certaine réalité d’aujourd’hui.

En toile de fond omniprésente : le rapport ambigu de la France avec son immigration. Un film important, c’est le moins que l’on puisse dire.

Les Arrivants de Claudine Bories et Patrice Chagnard - en salles le 7 avril

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