Les avocats pressent Paris et Abidjan d’éclaircir le rapt de Me Ghelber

Publié le 19 janvier 2010 sur OSIBouaké.org

FranceSoir, Samy Mouhoubi, le lundi 11 janvier 2010 à 17:38

Le conseil de l’ordre des avocats s’est porté partie civile dans le dossier de l’enlèvement puis de la libération d’un confrère, à l’automne 2004, dans la capitale ivoirienne. Il travaillait à un audit de la filière cacao, véritable manne financière locale.

Ils sont déterminés à mettre le dossier en bon ordre. L’affaire Ghelber, du nom de cet avocat français enlevé puis libéré à Abidjan, en novembre 2004, rebondit. Cette fois, outre le principal intéressé et ses deux défenseurs, c’est le conseil de l’ordre lui-même qui entre de plain-pied dans cet épineux dossier mêlant, en coulisse, intérêts financiers substantiels et intense agitation diplomatique entre la France et la Côte d’Ivoire

Car, selon Me Ghelber, catégorique, les individus qui l’ont enlevé sont issus de la garde prétorienne de Laurent et Simone Gbagbo, le couple présidentiel ivoirien. Cette curieuse affaire n’est en outre pas sans présenter quelques similitudes avec la disparition – toujours non élucidée – de Guy-André Kieffer, un journaliste franco-canadien enquêtant, lui aussi, sur les juteux profits tirés du cacao (lire ci-dessous).

L’ordre des avocats du barreau de Paris s’est en outre constitué partie civile, ce week-end, dans le souci, démarche assez inédite, d’appuyer l’instruction de Patrick Ramaël et Nicolas Blot, les deux juges qui se heurtent à plusieurs obstacles alors qu’ils sont chargés d’éclaircir les conditions dans lesquels Me Xavier Ghelber avait été kidnappé sans ménagement et retenu au secret, trois jours durant, à Abidjan. Ce dernier était alors en Côte d’Ivoire, mandaté par l’Union européenne (UE  ) afin de rédiger un rapport sur l’ensemble de la filière cacao, un secteur dégageant de larges profits, source de détournements et autres pots-de-vin.

Fait rarissime, cette décision de l’ordre a été prise « à l’unanimité » afin, dit-il, de « marquer la volonté de voir l’instruction relancée et aboutir ». Désigné par le bâtonnier Christian Charrière-Bournazel pour représenter l’ordre dans ce dossier, Me Jean-René Farthouat, l’un de ses prédécesseurs, s’est formellement constitué devant Patrick Ramaël. « Nous sommes toujours aussi émus du sort qui avait été réservé à Abidjan à notre confrère Ghelber. Son enlèvement a mis en péril les conditions d’exercice d’avocat », affirme à France-Soir Jean-René Farthouat. Saluant la ténacité des deux magistrats instructeurs et le travail jusque-là accompli par eux, l’ancien bâtonnier fait montre de combativité. « On ne souhaite pas enterrer cette histoire. Nous sommes une vigie supplémentaire dans ce dossier. » Balle dans le pied…

La constitution de partie civile de l’organe de représentation et de contrôle des avocats parisiens vient compléter l’information judiciaire ouverte à Paris le 17 novembre 2004 pour « enlèvement », « séquestration » et « tentative d’assassinat » confiée aux juges Ramaël et Blot. Xavier Ghelber avait en outre déposé plainte, le 13 novembre 2004 à Paris, devant la brigade criminelle. Le juriste relate aux policiers sa mésaventure.

Mandaté par l’UE   afin de mener un audit sur la filière cacao, il explique avec force détails avoir été kidnappé à l’hôtel Ivoire d’Abidjan, le 7 novembre 2004 au petit matin, par un commando dont l’un des hommes s’était malencontreusement tiré une balle dans le pied… Il demeure trois jours en captivité avant d’être remis aux militaires français après avoir été retenu dans la résidence de Laurent Gbagbo, le chef de l’Etat. Avant d’atterrir au quartier général de la gendarmerie ivoirienne.

L’avocat n’a, en outre, jamais varié dans son récit devant les juges Ramaël et Blot, qui l’ont entendu à quatre reprises. « J’ai été l’otage de gardes du corps de la présidence ivoirienne », des propos réitérés à France-Soir. « Ce qui est certain, c’est que les conditions de l’enlèvement de mon client mettent en cause directement les organes de sécurité du régime ivoirien », observe Me Jean-Paul Lévy. Le conseil de Xavier Ghelber se félicite de l’intervention de l’ordre. Une démarche inhabituelle qu’il veut croire « de nature à débloquer les choses en obtenant que des facilités soient accordées aux deux juges d’instruction français, ainsi que la pleine coopération des autorités ivoiriennes ».

“Escadrons de la mort” ?

Patrick Ramaël et Nicolas Blot ont effectué, voilà un peu plus d’un mois, une demande d’entraide judiciaire à la Cour pénale internationale (CPI  ). Outre le dossier Ghelber, les deux juges français enquêtent sur la disparition, à Abidjan le 16 avril 2004, de Guy-André Kieffer, un journaliste travaillant sur des malversations dans la filière cacao impliquant des cadres du régime ivoirien, et dont le corps n’a jamais été retrouvé. Les magistrats ont motivé leur requête en arguant d’une éventuelle implication d’Ivoiriens, dont Simone Gbagbo, dans des « escadrons de la mort ».

Dans ce courrier figurent aussi les noms de Jean-Tony Oulaï et de Michel Legré, les deux seuls individus jusque-là mis en examen dans cette affaire criminelle. Le premier est soupçonné d’avoir été le chef du commando qui a enlevé le journaliste, tandis que le second n’est autre que le beau-frère de la première dame ivoirienne.

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