Belgique : 30 ans de prison pour le "banquier" du génocide rwandais

Publié le 3 décembre 2009 sur OSIBouaké.org

Bruxelles - Le Rwandais Ephrem Nkezabera, surnommé le "banquier du génocide", a été condamné mardi à 30 ans de réclusion par la cour d’assises de Bruxelles pour des crimes de guerre, dont des meurtres et des viols, commis durant le génocide de 1994 dans son pays.

Souffrant d’un cancer, Ephrem Nkezabera, 57 ans, ancien directeur de la Banque commerciale du Rwanda, n’a pas assisté à son procès, qui s’était ouvert début novembre. Il est actuellement en liberté conditionnelle.

Après la lecture du verdict, la cour d’assises n’a pas réclamé son arrestation, en raison précisément de cet état de santé.

Le procureur fédéral Michel Yernaux, qui avait réclamé 30 ans de réclusion, avait surtout insisté dans son réquisitoire en début d’après-midi sur l’aspect "symbolique" de la peine.

La cour, suivant le parquet, n’a reconnu à l’accusé comme circonstances atténuantes que le fait d’avoir "collaboré activement à l’enquête" et l’absence d’antécédents judiciaires.

Il s’agit de la plus lourde peine infligée à un auteur du génocide rwandais par la justice belge.

Sept autres Rwandais ont été jugés en Belgique depuis 2001 pour des faits liés au génocide de 1994 qui, selon l’ONU  , a fait quelque 800.000 morts, principalement des tutsi et des hutu "modérés" ou "opposant" au régime.

Le verdict de la cour d’assises de Bruxelles a été accueilli avec une joie contenue par les parties civiles rwandaises présentes au palais de justice.

"C’est un grand soulagement, c’était un des chefs des milices. 30 ans, symboliquement, pour les morts, ça signifie beaucoup. Tous les anciens interahamwe (miliciens, NDLR) vont maintenant se dire qu’en Belgique, on ne joue pas avec les génocidaires", a réagi Bernadette Trachte, coordinatrice du Collectif de parties civiles pour le Rwanda.

Lundi, l’accusé avait été reconnu par les 12 jurés populaires coupable de tous les faits qui lui étaient reprochés : un nombre "indéterminé" de meurtres, de tentatives de meurtres et de viols, commis par lui-même et par des miliciens placés sous ses ordres.

Ces faits, y compris —pour la première fois dans l’histoire judiciaire de la Belgique— les viols, ont été qualifiés de "crimes de guerre".

"Il est très important que la responsabilité d’un chef qui a ordonné les viols soit reconnue par la justice. Le viol est une arme du génocide. La plupart des victimes ont été atteintes du sida   et sont en train d’en mourir aujourd’hui", a souligné l’avocate Michèle Hirsch.

Proche du gouvernement génocidaire, Nkezabera avait armé et financé les Interahamwe, les milices extrémistes hutu impliquées dans le génocide, donné des ordres sur les "barrières" où se déroulaient les massacres et avait financé la station extrémiste Radio Télévision des Mille Collines (RTML).

Il contestait les accusations de viols, mais la juge a souligné que les victimes "n’avaient pu donner librement leur consentement".

"Il semble avoir agi de manière froide, pour assouvir sa soif de pouvoir, sans aucun scrupules", a-t-elle ajouté.

M. Nkezabera a été arrêté en 2004 à Bruxelles sur mandat d’arrêt du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), qui avait demandé à la Belgique de le juger en vertu de la loi belge dite de "compétence universelle".

Cette loi permet aux tribunaux du royaume de juger les auteurs présumés de crimes contre l’humanité, quel que soit l’endroit où ils ont été commis.

"Alors que les premières plaintes en France ont plus de 15 ans, la justice française n’en est qu’aux balbutiements. Il faudra bien qu’un jour la France organise aussi des procès", a pour sa part espéré Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda en France, venu assister au procès de Bruxelles.

AFP / 01 décembre 2009

imprimer

retour au site