Aminatou Haidar, la « Gandhi du Sahara » tient tête à l’Espagne et au Maroc.

Publié le 3 décembre 2009 sur OSIBouaké.org

Rue89, Par Elodie Cuzin | Journaliste | 02/12/2009

Une militante pacifiste pour l’indépendance du Sahara occidental poursuit une grève de la faim depuis plus de deux semaines dans un aéroport espagnol. « Si Aminatou Haidar ferme les yeux, le gouvernement espagnol sera, avec le Maroc, son bourreau », écrit l’acteur Javier Bardem, l’un de ses nombreux soutiens. L’exécutif peine à résoudre la situation.

Le visage émacié de la « Gandhi du Sahara », comme la surnomment ceux qui la soutiennent, hante les médias espagnols avec une urgence grandissante à mesure que les jours passent depuis le début de sa grève de la faim, le 15 novembre.

Cette militante pacifiste pour l’indépendance du Sahara occidental, au nord-ouest de l’Afrique, a installé son QG de fortune aux pieds des sièges bleus du hall de l’aéroport de Lanzarote, dans les îles Canaries (Espagne), d’ordinaire destinés aux touristes qui viennent profiter de ses plages de sable noir.

Forcée de débarquer sans passeport, elle ne peut pas repartir faute de papiers

Aminatou Haidar a atterri là il y a déjà plus de deux semaines après que les autorités marocaines lui ont retiré son passeport et refusé l’entrée sur leur territoire.

Sa destination, Laâyoune, n’est pas anodine puisqu’il s’agit de la principale ville du Sahara occidental, une zone sous administration espagnole jusqu’en 1975 et disputée depuis au Maroc par les indépendantistes. L’ONU   l’a classée comme territoire « non-autonome » et a déployé des casques bleus sur place en 1991 dans l’attente d’un référendum sur son futur statut qui tarde à venir. C’est là qu’elle réside, avec sa mère et ses deux fils.

Mais à son retour de New York où elle venait de recevoir un prix, le 14 novembre, on l’a embarquée dans un vol vers l’Espagne avec pour seul papier un permis de résidence. Le pilote du vol commercial a apparemment été autorisé à décoller avec la militante à bord, même sans son passeport.

Une fois arrivée à Lanzarote, on l’a convaincue de débarquer et de quitter la zone internationale. Aminatou Haidar comptait prendre le premier vol de retour, l’après-midi même, mais on l’a alors empêchée de passer le contrôle. Le problème ? Elle ne dispose pas de papiers en règle pour voyager.

« Mes fils vivront sans mère mais dignement »

Entamée dès le lendemain, sa grève de la faim l’a déjà profondément affaiblie et elle tient à peine sur la chaise roulante qu’elle doit désormais utiliser, selon son comité de soutien.

« Elle va très mal », a déclaré aujourd’hui l’acteur Willy Toledo, membre de la plateforme de soutien qui l’accompagne dans l’aéroport.

Son entourage rappelle qu’elle a passé quatre ans dans des prisons marocaines où, selon eux, elle aurait été victime de tortures. Les séquelles de ce « séjour » aggraveraient d’ailleurs son état actuel. Dans un entretien récent à El País, elle déclarait :

« J’ai deux fils mais j’ai aussi ma dignité. Entre mes fils et ma dignité, je préfère la dignité. Eux vivront sans mère mais dignement »

Le gouvernement espagnol patine

La position est délicate pour le gouvernement espagnol. Voisin stratégique, le Maroc accuse la militante d’appartenir au Front Polisario, un mouvement qui réclame le contrôle du Sahara. Il lui propose de réclamer un nouveau passeport marocain pour entrer à nouveau sur le territoire mais elle s’y refuse, arguant qu’elle dispose déjà d’un passeport, celui qui lui a été confisqué.

Ce n’est qu’après presque deux semaines de grève de la faim que le ministère des affaires étrangères a finalement envoyé un émissaire, samedi dernier, pour lui offrir une solution exceptionnelle : lui attribuer la nationalité espagnole. Il lui a également offert le statut de réfugiée politique en Espagne. Offres qui devraient toutes deux lui permettre de rentrer chez elle mais qu’elle a refusées, selon son avocate, pour ne pas devenir « étrangère dans sa propre maison ».

L’administration Obama préoccupée par sa santé

Alors que le ministre des Affaires étrangères espagnol, Miguel Angel Moratinos, s’est agacé publiquement lundi de ces refus en bloc, le chef du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, a assuré le lendemain, lors d’une conférence de presse, qu’il faisait « tout ce qui était en son pouvoir » et recherchait de nouvelles solutions, ajoutant ensuite :

« La clef de ce conflit qui dure depuis des décennies se trouve dans un accord que seules les Nations Unies peuvent trouver. »

L’administration Obama s’est inquiétée publiquement de « la santé et du bien-être » de l’activiste la semaine dernière tandis que près d’un millier de personnes sont venues assister dimanche à un spectacle de soutien organisé à Rivas-Vaciamadrid, près de la capitale espagnole et mené par des dizaines d’artistes, dont Pedro Almodovar.

Le prix Nobel de littérature José Saramago s’est rendu sur place, à Lanzarote, mardi et le réalisateur britannique Ken Loach co-signe le 1er décembre une lettre ouverte commémorant la date anniversaire du jour où Rosa Park refusa de céder sa place à un passager blanc aux Etats-Unis, et comparant son combat à celui d’Aminatou Haidar.

Pour aller plus loin : Le courrier international : Aminatou Haidar, un parcours sans faute

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