Michel Rocard : « La France et l’Europe peuvent et doivent accueillir toute la part qui leur revient de la misère du monde ! »

Publié le 26 octobre 2009 sur OSIBouaké.org

LDH Toulon - mardi 29 septembre 2009

Dans son intervention en introduction à la table ronde « Quel accueil de l’autre dans le monde de demain ? », organisée à Strasbourg le 26 septembre 2009, à l’occasion du 70e anniversaire de la Cimade, Michel Rocard a pris ses distances avec la politique actuelle de la France en matière d’immigration : il a dénoncé les « quotas annuels d’expulsions du territoire », la « traque pour atteindre l’objectif fixé par les préfets » et les « centres de rétention pour les personnes vivant avec leurs enfants dans notre pays ». L’ancien premier ministre a appelé l’Europe à inventer une politique de l’hospitalité.

Voici ce texte, dont les fortes paroles méritent d’être reprises, plus que la phrase ambigüe – « La France ne peut accueillir toute la misère du monde » – qui le poursuit depuis vingt ans.

Permettez-moi, dans l’espoir, cette fois-ci, d’être bien entendu, de le répéter : la France et l’Europe peuvent et doivent accueillir toute la part qui leur revient de la misère du monde, c’est-à-dire de ces migrants courageux qui, prenant tous les risques, y compris celui de leur vie, viennent frapper aux portes des pays les plus riches dans l’espoir d’échapper à une destinée misérable pour eux-mêmes et leurs enfants dans leur pays d’origine. Que nous ne puissions à nous seuls prendre en charge la totalité de la misère mondiale ne nous dispense nullement de devoir la soulager autant qu’il nous est possible.

Il y a vingt ans, venu participer en tant que Premier Ministre au Cinquantenaire de la Cimade, j’ai déjà voulu exprimer la même conviction. Mais une malheureuse inversion, qui m’a fait évoquer en tête de phrase les limites inévitables que les contraintes économiques et sociales imposent à toute politique d’immigration, m’a joué le pire des tours : séparée de son contexte, tronquée, mutilée ma pensée a été sans cesse invoquée pour soutenir les conceptions les plus éloignées de la mienne. Et, malgré mes démentis publics répétés, j’ai dû entendre à satiété le début négatif de ma phrase, privé de sa contrepartie positive, cité perversement au service d’idéologies xénophobes et de pratiques répressives et parfois cruellement inhumaines que je n’ai pas cessé de réprouver, de dénoncer et de combattre. Je veux espérer qu’aujourd’hui, vingt ans après, pour le 70e anniversaire de la grande Cimade, placé sous ce titre magnifique : « Inventer une politique européenne d’hospitalité », on voudra bien retenir ma conviction que c’est bien là notre tâche aujourd’hui : non pas penser d’abord à dresser des frontières sécuritaires face aux migrants mais, au contraire, être capables d’assumer, dans une politique concertée responsable, notre devoir d’hospitalité - parce que la France et l’Europe peuvent et doivent accueillir toute leur part de la misère du monde !

Si j’ai été compris à l’inverse des mes intentions il y a vingt ans c’est qu’à cette époque une très large partie de la classe politique et de l’opinion françaises, de droite à gauche, s’était laissé enfermer dans le paradoxe consistant à obéir aux injonctions xénophobes de l’extrême droite sous prétexte de limiter son influence. Paradoxe qu’hélas l’Europe politique toute entière s’est mise à partager. Le résultat en est que les 20 années écoulées ont été marquées par le développement d’une réglementation européenne sur l’entrée et le séjour des migrants fondée sur une vision purement sécuritaire. Comme si le seul rapport à l’étranger désirant la rejoindre que l’Europe puisse avoir devait être de méfiance et de rejet.

En matière d’entrée, de circulation, de protection ou d’éloignement des réfugiés, qu’il s’agisse des accords de Schengen et de Dublin, de la Directive Retour, du « paquet asile » ou, actuellement, du programme de Stockholm, les européens se sont accordés sur un ensemble toujours renforcé de mesures techniques administratives, juridiques, sécuritaires et diplomatiques qui ont pour conséquence d’élever sans cesse plus haut de nouveaux murs en Europe et à ses portes.

Les conséquences de cette politique d’inhospitalité sont tout simplement tragiques et souvent criminelles : des milliers de morts en Méditerranée, dans l’Atlantique, ou au milieu du désert et, pour les candidats à l’exil, jamais découragés, des trajets toujours plus longs et dangereux, nos pratiques de rejets encourageant les filières mafieuses à s’engouffrer dans cette nouvelle manne de la traite des êtres humains.

A l’intérieur de l’Union européenne, ces législations fragilisent partout le respect des droits et des libertés de tous, en contribuant à renforcer une vision fantasmatique de l’immigration, un repli frileux sur soi et la peur de l’autre.

Au niveau international, c’est un gouffre d’incompréhension et de rancœurs qui se creuse avec les populations du Sud et leurs gouvernements, qui se voient souvent contraints de se plier à un marchandage humiliant entre l’aide au développement et la participation au contrôle policier des mouvements migratoires. Comment expliquer aux populations africaines, avec lesquelles nous avons une si longue histoire et des liens de toute nature, qu’elles doivent désormais être reléguées aux frontières de l’Union européenne et se soumettre à règles parfois humiliantes si elles veulent obtenir seulement un visa de court séjour ? Cette façon de procéder avec l’Afrique n’est pas conforme aux intérêts de l’Afrique., mais elle n’est pas conforme non plus aux intérêts de la France et de l’Europe qui se coupe ainsi petit à petit d’un continent dont tout devrait les rapprocher.

Ainsi deux décennies de cette politique n’ont rien réglé du tout. Au prix de leur vie, des milliers de personnes continuent de fuir les conflits, la misère et de chercher ailleurs un avenir meilleur pour eux et leur famille. En Europe, la question des migrants, de leur place dans la société et de leurs droits reste entière, et n’est pas sans conséquences très sérieuses sur la reconnaissance de l’autre et donc sur l’établissement d’un vivre ensemble harmonieux qui ne se limiterait pas aux beaux quartiers de nos villes.

Dans le même temps, la prévision d’une croissance démographique soutenue, notamment pour l’Afrique dont la population devrait doubler d’ici 2050, accompagnée des dérèglements climatiques et de leurs conséquences sur la vie des populations - n’annonce-t-on pas plus de 100 millions de « réfugiés climatiques » pour le milieu de ce siècle ? - souligne encore, si besoin en était, que les migrations sont encore pour longtemps non pas derrière mais devant nous. Rien ne laisse penser d’ailleurs qu’elles doivent s’interrompre un jour. Mais elles pourraient mieux s’équilibrer. A condition que nous sachions anticiper.

Ce n’est pas le lieu de développer ici ne serait-ce qu’une simple esquisse de traitement global du problème de l’émigration dite économique. Un mot quand même, pour rappeler que la solution principale ne saurait être dans le hérissement de barrières aux frontières mais se trouve, à l’évidence, dans la croissance économique des pays d’origine, qui implique aussi, et tout autant, une démocratisation politique. Nous devrions nous souvenir, en France, de l’expérience récente des émigration espagnole et portugaise : le processus d’adhésion réussi à la communauté européenne couplé à une croissance forte et à la mise de place de réformes politiques a réduit et progressivement éliminé les pressions migratoires. Il y a aujourd’hui 4 millions d’immigrés turcs dans l’Union Européenne : les adversaires à l’adhésion de la Turquie à l’Europe ont-ils bien conscience qu’une interruption du processus d’adhésion entraînerait un ralentissement de la croissance et une augmentation du chômage en Turquie, avec comme corollaire une reprise de l’immigration illégale ? Mais la croissance générale des pays pauvres prendra encore des décennies et, en attendant, des foules de migrants continueront logiquement à tenter leur chance en Europe.

Dans les conditions actuelles des moyens de communications tout circule, tout se déplace sur la planète, à une vitesse sans cesse accélérée dans notre société mondialisée : par trains, avions, téléphone, télévision, internet, les textes, les images et les sons et les biens matériels de toutes sortes parcourent en tous sens notre monde, et l’on voudrait que les hommes et les femmes demeurent dans leur lieu d’origine, se contentant de brefs voyages touristiques pour les plus riches d’entre eux ? Ca n’a pas de sens ! Les migrations de populations, discrètes ou massives selon les époques et les lieux, sont connues depuis aussi loin qu’on remonte dans l’histoire et déjà la préhistoire de l’humanité. Se déplacer sur la surface du globe à la recherche de meilleures conditions de vie est une constante depuis qu’est apparue l’espèce humaine, et c’est aussi ce qui nous lie tous les uns aux autres, et nous savons bien que c’est une formidable source d’enrichissement et d’évolution de nos cultures, une condition nécessaire de l’indispensable unification du monde, condition absolue de la survie à long terme de l’humanité. Chaque jour des jeunes gens de nos familles font le choix de vivre à l’étranger et nous n’accepterions pas que d’autres choisissent de vivre parmi nous ? La liberté de déplacement est un droit de l’homme fondamental, qui implique la pratique de l’hospitalité. Il n’en reste pas moins, évidemment, que dans nos sociétés si complexes, si fragiles sur tant de points, les Etats ne peuvent pas laisser leurs portes grandes ouvertes, mais il ne doivent surtout pas les fermer non plus : il faut en finir avec le tout ou rien ! Le droit à l’émigration et le devoir d’hospitalité doivent s’exercer selon des règles qui les rendent acceptables par tous.

La réglementation actuelle ne proposant aucune solution réelle au problème, il y a donc urgence pour l’Europe à inventer d’autres règles, se fondant sur le respect du droit international et les principes des droits humains dans le cadre d’une vision réalistes des conditions économiques et sociales de l’intégration des émigrés basée sur une nouvelle lecture du monde, des risques et des chances de son avenir prévisible. Des règles qui acceptent les migrations comme un fait incontournable et qui sachent les transformer en un vecteur d’évolution positive des relations sociales, économiques et culturelles entre les régions d’origine et les pays d’arrivée.

Des règles donc qui, premièrement, répondent aux défis des migrations par la volonté collective, lucide et réfléchie des Etats européens de s’attaquer autrement que par des discours, c’est-à-dire par des engagements concrets, des accords mais aussi parfois des sanctions, aux dramatiques inégalités économiques n’offrant aucune perspective à des centaines de millions d’hommes, de femmes et d’enfants, ainsi qu’à l’absence de paix, de justice et de démocratie qui les accompagnent le plus souvent et qui sont, ensemble, les causes premières des migrations, dernier espoir des sans-espoir. Des règles, corollairement, qui lient les Etats de l’Union européenne, qui sont les pays parmi les plus riches du monde malgré la crise actuelle, dans l’engagement de prendre, comme je le disais d’entrée, toute leur part, dans l’accueil de ces migrants pour construire avec eux, en fidélité avec nos valeurs et notre histoire, un autre avenir.

Cette nécessité impérieuse de transformer les logiques à l’œuvre depuis 20 ans, j’aimerais qu’elle trouve en premier lieu sa concrétisation par un changement des pratiques politiques développées en France à l’égard de la question de l’émigration prise dans son ensemble. Je fais le rêve que la France ouvre là-dessus le chemin de l’avenir, en osant poser les bases de cette politique d’hospitalité sans laquelle elle-même et l’Europe perdront inévitablement le sens des valeurs politiques et éthiques qui les fondent, et l’art de vivre en commun qu’elles peuvent seules garantir. Le Président Sarkozy, reprenant à son compte le concept d’Edgar Morin, a soutenu la nécessité de promouvoir une « politique de civilisation ». Il me paraît clair qu’une politique de civilisation implique une vision tout à fait neuve du fait migratoire et de la façon de le penser et de le traiter en France et en Europe.

C’est un pas symboliquement fort que de renoncer au recours aux tests ADN voulu par la majorité parlementaire. Cette opportune marche arrière sur un aspect fondateur de la conception française de la filiation, rend sur ce point son visage à la France. Mais il y a d’autres aspects où une semblable intervention s’impose si l’on veut que notre politique d’immigration renonce aux inhumanités qu’elle entraîne parfois et qui défigurent notre pays.

Je retiendrai trois points sur lesquels je crois indispensable une véritable évolution.

Le premier porte sur la fixation de quotas annuels d’expulsions du territoire. Pas besoin de longues phrases pour dire ce qu’il y a d’humainement inacceptable dans le fait de donner à la police un objectif chiffré de ce type. Je ne nie pas la nécessité de recourir dans certains cas à des expulsions. Mon gouvernement aussi l’a fait. Mais c’était dans le cadre des actions de police normales de maintien de l’ordre public. Les quotas entraînent, au contraire, les services policiers à mener une sorte de traque pour atteindre l’objectif fixé par les préfets, avec le risque permanent des drames que l’on déplore trop souvent.

Le second, qui est directement lié au premier, porte sur les atteintes à la vie familiale qui se multiplient, à l’encontre des engagements de la France. Aujourd’hui, la politique de rétention et d’expulsion des migrants, en effet, n’épargne pas les couples et les familles, enfants compris, et semble souvent bien éloignée du respect élémentaire des libertés individuelles, banalisant des législations d’exception. On ne saurait approuver les tentatives d’instrumentaliser et de contrôler l’action des associations de défense des droits des migrants, notamment par la généralisation des logiques de marchés publics, pour prévenir leurs critiques. J’ai moi-même, quand j’étais Premier Ministre, fait l’objet de remarques dérangeantes sur les droits des migrants, comme le pasteur Jacques Maury, ancien Président de la Cimade, a toutes les raisons de s’en souvenir. Je veux dire ici quel soulagement moral c’était pour moi que de savoir qu’une aussi vigilante intransigeance saurait garder mon gouvernement de franchir la ligne jaune des droits fondamentaux de la personne humaine ! C’est l’honneur et le devoir des gouvernants de la France que de veiller à ce que de tels avertissements puissent toujours leur être donnés, afin que leurs politiques soient appliquées dans le respect le plus strict des droits de l’homme, et des recours qu’offre la loi. Pour en revenir à la présence d’enfants, cet été encore, dans les Centres de rétention, j’ai entendu l’argument choquant qu’une telle mesure a été prévue pour permettre aux parents de ne pas être séparés de leurs enfants…Il y a pourtant une autre solution à ce problème, éthiquement incomparablement supérieure, qui est de renoncer purement et simplement à placer en centre de rétention les personnes vivant avec leurs enfants dans notre pays. Je l’appelle de mes vœux.

Le troisième point porte sur les permis de séjour. On estime qu’il y a en France entre cent et cent cinquante mille immigrés en situation irrégulière mais pourvus d’un travail, logés, pratiquant le français et donc pleinement intégrés à notre vie sociale et dont la grande majorité est originaire de nos anciennes colonies – et relèvent donc tout spécialement de « notre part ». Ces situation de sans-papiers intégrés mais privés de statut légal se retrouvent partout en Europe, comme aussi d’ailleurs, pour des millions de personnes, aux Etats-Unis. Là encore, il faut avoir le courage politique d’évoluer. Je ne plaide pas pour une régularisation massive, comme on dit souvent, car je pense au contraire qu’une politique d’intégration implique l’examen cas par cas. Mais à condition que l’objectif soit de donner un permis de séjour à tous ceux dont l’intégration constatée établira la vocation à vivre parmi nous. L’éthique des droits humains nous l’impose, mais aussi bien une politique responsable, car quel sens y a-t-il à maintenir sans permis de séjour des hommes et des femmes dont le travail contribue à l’activité du pays, souvent dans des secteurs où les français ne se bousculent guère, et dont les enfants sont scolarisés dans l’école de la République ? Une politique de civilisation qui ne reconnaîtrait pas leurs droit à résider là où ils vivent et travaillent n’en serait pas une.

Regarder les réalités en face est toujours à mes yeux le premier temps de la résolution des problèmes. Ce nouveau regard sur ces travailleurs de l’ombre, qui de toute façon demeureront parmi nous, aura des effets multiples sur la prise de conscience de l’évolution du monde par nos concitoyens. Il contribuera décisivement, j’en suis persuadé, à restaurer un espoir chez les jeunes issus de l’immigration qui désespèrent de trouver leur place au sein de notre société.

Pour une politique d’hospitalité en Europe, il est temps de sortir de la logique folle qui voudrait protéger nos libertés et notre identité en sapant les fondements même de notre humanisme. Il est urgent de redonner sens et contenu aux principes d’égalité et de fraternité, en restaurant un droit stable et protecteur, permettant à celles et ceux qui ont vocation à rester sur le territoire européen d’accéder à une véritable citoyenneté de résidence.

Je ne peux ici que me borner à quelques pistes.

La première est que l’inévitable partition des candidats à l’immigration entre ceux que la France peut accueillir et ceux qu’elle choisit de ne pas accueillir soit fait, en amont, le plus humainement possible. Il faut humaniser les services de visas de nos ambassades comme les services responsables dans les ports, gares et aéroports. Cela veut dire aussi qu’il s’agit d’établir des règles claires et transparentes pour mettre fin à l’opacité voire l’arbitraire qui règnent souvent en ce domaine.

La seconde vise à limiter la concentration de populations précaires de toutes sortes dans les mêmes zones. Il faut résoudre le problème de la relégation économique et sociale, qui est bien loin de ne toucher que les étrangers. Je suis heureux d’avoir pu faire adopter la loi qui oblige toutes les villes à construire au moins 20% de logements sociaux dans toutes leurs constructions neuves. Il y a encore des réticences à son application. Il faut en chercher les raisons, et peut-être durcir les sanctions. Peut-être faut-il d’autres dispositions, touchant par exemple le monde rural.

La troisième piste concerne les facilités d’apprentissage de notre langue pour tous ceux qui résident en France, quel que soit leur statut, les adultes, les conjoints et les enfants. Il y a beaucoup à développer là, car la maîtrise de la langue est un facteur déterminant de la participation effective à la vie sociale.

La quatrième est politiquement plus complexe et touche le droit. Il faut d’abord débarrasser notre législation de toute disposition ou contradiction tendant à créer cette catégorie inadmissible d’étrangers non régularisables non expulsables, qui, pour limitée qu’elle soit aujourd’hui, n’en reste pas moins aussi inacceptable. Il faut aussi que l’Europe invente rapidement un statut de droit pour les « réfugiés de fait » que sont notamment les afghans qu’on a vu chassés ce lundi de leur pauvre refuge à Calais, mais qu’on ne peut moralement pas renvoyer dans un pays en guerre depuis trente ans, et pas davantage les condamner à l’errance.

La cinquième est sans doute la plus importante. Je veux parler ici des maires, ces officiers publics principalement responsables de la bonne marche du processus local d’intégration. Tout cela leur tombe sur le dos et ils n’ont guère de moyens d’y faire face. Le temps paraît venu d’ouvrir entre l’Etat et l’Association des Maires de France la négociation d’un vaste contrat portant sur ce sujet. Analyse des difficultés, moyens de soutenir les mères à domicile, modalités d’un éventuel soutien scolaire, intensification de la lutte contre la discrimination à l’embauche, peut-être aussi campagnes publiques d’explications…le champ est immense. Il faudra bien l’explorer.

Au-delà de ces quelques pistes, le cadre nouveau dont la nécessité s’impose ne pourra être inventé qu’en sortant d’une vision européo-centrée, et en établissant un nouveau dialogue avec les pays du Sud, en premier lieu l’Afrique. Il ne pourra se construire sans y associer les sociétés civiles, notamment les syndicats et les associations qui, par leurs actions conjointes et leurs capacités d’innovation, sont un moteur essentiel de l’émergence d’un dialogue et de solutions pour l’avenir.

Ce qui me conduit à un dernier mot, en cette journée d’anniversaire des 70 ans d’action de la Cimade. La Cimade est depuis 1939, et dans toute la traversée de ces sept décennies au service des populations les plus menacées, l’honneur du protestantisme français d’où elle tire son origine mais aussi, au-delà de lui, de tous ceux qui en France sont attachés à la protection des plus faibles ! Dans un dévouement sans failles, la Cimade a su, tout au long de son histoire, inventer des solutions inédites pour adapter son action aux besoins spécifiques des réfugiés, des déplacés et des migrants. Elle a largement contribué au débat public et constitue, avec les associations d’origine catholique ou laïque qui partagent sa vocation et son exigence, un interlocuteur nécessaire des pouvoirs publics. Je ne doute pas que les gouvernants actuels sachent lui conserver et lui garantir toute sa place.

Michel Rocard

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