Existrans : pour en finir avec les stérilisations de transsexuels

Publié le 12 octobre 2009 sur OSIBouaké.org

Rue 89 | 12/10/2009 | Par Soeur Rose | Bonne Soeur MiliTante Hurlante Aimante et chiante

A chaque début d’automne, tradition immuable dans la vie des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence depuis treize ans, a lieu L’Existrans. Samedi 10 octobre, 2000 personnes (selon les organisateurs), des trans et ceux qui les soutiennent, se sont rassemblés pour cette marche de Jourdain à République qui entend rendre visible une communauté trop souvent réduite au silence.

Une communauté que l’on ne voit pas parce qu’on ne veut pas la voir, parce qu’elle n’est pas aussi sulfureuse que certains le voudraient, et parce qu’en fin de compte ce ne sont que des êtres humains. C’est sûr, cela surprend, ce mélange de genres, d’âges et de vies. Tous sont touchants, beaux, troublants et terriblement mauvais genre.

C’est ainsi que nous sommes allées rejoindre ces gens merveilleux devant l’église Saint-Jean-Baptiste de Belleville. D’ailleurs, il y avait un mariage et la tête que faisait la mariée valait son pesant de cacahuètes.

Au départ de la marche, les gens se cherchent, se retrouvent, s’embrassent, parfois venus de loin. Pour certains, c’est une des rares sorties sans peur ni honte. L’ambiance est bon enfant. Bon enfant mais remplie de colère, de rage. Une colère violente contre un Etat qui fait surtout des promesses. Une rage contre un monde médical transphobe qui considère d’un air supérieur les trans comme des « malades mentaux », se permettant toutes les aberrations possible et imaginables.

Je croise d’abord Véra, 39 ans. Mariée depuis plus de dix ans et avec deux enfants de 7 et 11 ans :

« Cela fait plusieurs années que je viens. D’habitude, je viens en famille. C’est important d’être présents tous ensemble, de montrer que l’on reste mobilisé. Même si Bachelot parle de ne plus nous considérer comme des malades mentales, il faut continuer à se battre. Il faut être visible ! »

Depuis qu’elle a déménagé en Bretagne, Véra vit enfin au grand jour. « Même le curé, qui est mon voisin, m’apprécie… » Avant de rajouter dans un éclat de rire : « Bon, il ne m’a pas encore vue en jupe. »

Un autre éclat de rire, et la voilà qui repart vers ses copines, ces hommes qui ont, un jour, décidé de vivre enfin leur vie dans le corps.

A Existrans, la manif des trans, à Paris le 10 octobre 2009 (Sœur Rose).

Samuel, un FtM (« female to male ») militant de 23 ans, raconte ces questions qui reviennent sans cesse :

« On nous demande si on aime le rose, quelle est notre pointure de chaussures. »

Des questions fondamentales… La plus violente des questions ? Elle revient tout le temps, dans la bouche de tout le monde :

« Et sinon, c’est quoi ton nom d’avant ? C’est quoi ton vrai nom ? »

Comme si tout ce qui était construit n’était que du vent. Au cours de la marche, je rencontre Eric, trans FtM, cuisinier. Il est en plein changement de papiers. Ce fier gaillard de 22 ans doit prouver par tout un tas de paperasseries que oui, c’est bien un garçon qui vit en garçon et qui se comporte comme un vrai garçon.

S’il est là aujourd’hui, c’est pour lutter contre la stérilisation forcée. Car pour pouvoir avoir des papiers avec votre prénom et votre genre « de choix », il faut impérativement passer par des opérations qui peuvent s’avérer dangereuses :

« Cet été, j’ai dû me faire enlever l’utérus et les ovaires, être stérile, pour pouvoir avoir des papiers. C’est une opération qui est lourde, dont je n’avais pas besoin, et qui m’a rendu malade. Mais même si c’est mauvais pour ma santé et dangereux, c’est obligatoire pour l’Etat français. »

Si Eric semble bien dans sa peau, ce ne fût pas toujours le cas.

« Au tout début, quand tu n’as pas encore les hormones, ni rien, et que tu veux t’affirmer en tant que mec, on te rit au nez et là, c’est vraiment dur. »

La revendication de la marche est donc, outre de rappeler à Roselyne Bachelot sa promesse de dépsychatrisation, d’en finir avec l’obligation de stérilisation. C’est vrai qu’un homme enceint, ça ferait tellement désordre dans le paysage…

Toutes les photos : Soeur Rose, Existrans 2009

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