L’étonnant casting de la table ronde "jeunes-police"

Publié le 4 septembre 2009 sur OSIBouaké.org

Après Luc Chatel, Brice Hortefeux et Fadela Amara ont-ils cédé à leur tour à la tentation de la mise en scène ? Le ministre de l’éducation nationale avait été filmé dans un supermarché, le 17 août, en train de dialoguer avec de pseudo clientes – en réalité des sympathisantes de l’UMP ou des employées du supermarché mobilisées pour l’occasion. Brice Hortefeux et Fadela Amara ont, eux, effectué un casting très serré pour offrir aux nombreux médias présents l’image du "consensus" autour de la table ronde organisée au ministère de l’intérieur, lundi 31 août, sur les rapports entre jeunes et policiers. Dans l’ensemble, la vingtaine de représentants d’associations de banlieue ou de jeunesse ont fait état, au sortir de la réunion, de leur satisfaction quant à la démarche. Pouvait-il en être autrement ? La sélection avait été soigneusement préparée par les ministres, notamment Fadela Amara, secrétaire d’Etat à la ville, qui a pioché dans ses réseaux personnels. Ni putes ni soumises (NPNS), d’abord, dont l’actuelle présidente, Sihem Habchi – qui a succédé à Fadela Amara à ce poste – s’est félicitée, devant les caméras, de l’approche préventive choisie par le gouvernement. Même chose pour SOS-Racisme, resté proche de la secrétaire d’Etat : son président, Dominique Sopo, a ainsi salué le "dialogue engagé" et souhaité un "travail fructueux". Il n’est pas sûr, toutefois, que ces déclarations aient beaucoup d’impact dans les cités : les deux associations n’y disposent que d’une implantation limitée et y font l’objet de critiques virulentes, sinon d’un profond rejet. Au moins, les habitants de banlieue connaissent-ils leur existence. Car, pour la fédération Léo Lagrange, la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) ou la Coordination d’associations de l’éducation populaire (Cnajep), invités à représenter la jeunesse devant les ministres, il est à craindre que la plupart des jeunes ignorent tout de leurs activités.

Proximité avec l’UMP

La légitimité des associations locales sélectionnées est à peine meilleure. En dehors d’une poignée de figures bien implantées, les ministres ont invité des interlocuteurs connus pour leur proximité avec l’UMP. Comme Raid d’aventure, placée sous le patronage de Nicolas Sarkozy et dont le président d’honneur est le sénateur UMP Serge Dassault. Ou comme l’association Zy’Va, largement financée par le conseil général des Hauts-de-Seine et pressentie par l’UMP, pendant la campagne présidentielle de 2007, pour accueillir un déplacement symbolique, et très sensible, du candidat Sarkozy en banlieue. Quant à Driss Ait Youssef, invité au nom d’APC recrutement, il est auditeur de l’Institut national des hautes études de sécurité (INHES), un organisme rattaché au ministère de l’intérieur. Mais il s’est surtout fait connaître en conseillant Sarkozy – le fils, Jean, conseiller général UMP des Hauts-de-Seine – sur les banlieues. Entre communication et fabrication artificielle du "consensus", la frontière est parfois bien étroite.

Luc Bronner, Le Monde édition du 02.09.09

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