Stéphane Hessel. Résistant sans frontières

Publié le 25 août 2009 sur OSIBouaké.org

Le Télégramme - 22 août 2009

La démarche hésitante de ses 92 ans suggère la fragilité. Sentiment que sa pensée transcendante balaye en un instant. Parrain du festival de cinéma de Douarnenez (29) qui s’ouvre aujourd’hui, Stéphane Hessel est un résistant sans frontières.

Qu’est-ce qui caractérise l’idéal de la Résistance ? Les circonstances de l’Histoire peuvent varier mais l’idéal qui animait alors la Résistance repose sur des valeurs fondamentales et intemporelles : la lutte contre le déni des Droits de l’homme. L’esprit de la Résistance est le suivant : dire non à ce qui nous scandalise.

Contre quoi, selon vous, un jeune Français d’aujourd’hui doit-il résister ? Pendant la Seconde Guerre mondiale, nous nous sommes opposés à des autorités légalement en place. Donc la désobéissance civile est une forme de résistance qui s’apparente au combat que nous menions. Mais pour les jeunes générations, l’« ennemi » n’est pas clairement identifié. Il serait d’ailleurs dangereux de faire de l’Islam ou des États-Unis un ennemi tout désigné. En cela résister est plus difficile. Mais il existe malgré tout deux scandales contre lesquels il faut absolument dire non : l’injustice et la dégradation de la planète. L’injustice : les jeunes peuvent-ils accepter que sur sixmilliards d’humains, deux subsistent comme des damnés de la Terre ? Je suis également un ardent supporter d’Europe-Écologie car l’injustice sociale et la dégradation de la planète résultent de ce productivisme libéral voulant surexploiter l’homme. Ce modèle ne peut être maintenu.

Vous partagez donc le discours sur la crise du modèle social occidental ? C’est indéniable. Dans ce contexte, l’Europe peut offrir une alternative. Plus que d’autres civilisations, l’Europe a porté les valeurs de respect de l’individu et de ses droits. Les nouvelles générations ne se rendent sans doute pas compte des formidables acquis de ces cinquante dernières années, du développement du mondialisme et notamment de l’unité européenne. Il faut continuer à privilégier les valeurs du groupe sur celles de l’individu et surtout ne pas opposer les valeurs de chaque civilisation. Le repli sur sa communauté est le risque de votre génération.

La France se gargarise d’être la patrie des Droits de l’homme. Est-elle exempte de tout reproche ? Bien sûr que non. Nous assistons quotidiennement à des injustices criantes, des dénis de droit et des politiques xénophobes notamment sur l’immigration. En France, la peur de l’autre reste trop forte. Elle pourrait inspirer le respect mais elle n’entraîne que mépris. Nous (la France) sommes aussi coupables de ne pas avoir fait assez pression sur Israël pour qu’il fasse respecter les résolutions de l’Onu  .

Quel était votre sentiment à la création d’Israël en 1947 ? J’étais enthousiaste. J’ai participé aux discussions pour la création d’Israël. Seulement au bout de vingt ans, nous nous sommes rendu compte que le partage n’avait pas été respecté et qu’Israël chassait les Palestiniens de leurs terres.

Vous avez qualifié l’intervention israélienne à Gaza en janvier dernier de « crime contre l’humanité. » Il doit donc y avoir une traduction pénale ? Nous étions à Gaza encore au mois de juin dernier. Ce qu’Israël a fait là-bas, en tuant des enfants et civils innocents, est un crime contre l’humanité. Et même si je suis en partie juif, je considère que les dirigeants israéliens doivent passer devant la cour pénale internationale de LaHaye. Nous nous battons pour ça.

* Propos recueillis par Glen Recourt

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