Esclavage : Bordeaux se penche sur son histoire

Publié le 1er août 2009 sur OSIBouaké.org

Le Figaro, Eric Biétry-Rivierre 09 Mai 2009

Les navires s’appelaient le Liberté, l’Heureux, le Confiance ou encore Conduite de Dieu. Il n’y avait aucune ironie dans leur nom : aux XVIIe et XVIIIe siècles, la traite des Noirs allait de soi, à Bordeaux comme dans tous les ports d’Europe de l’Ouest. Depuis une dizaine d’années, la Ville ausculte ce passé et dimanche, pour la troisième Journée annuelle de la commémoration nationale de l’abolition de l’esclavage, le 10 mai, un espace permanent consacré à la traite négrière sera inauguré au Musée d’Aquitaine. Ce sera le deuxième en France après celui de Nantes.

Quatre sections, riches d’un fonds de gravures mais aussi d’éléments d’architecture monumentale, d’objets issus des civilisations précolombiennes ou d’Afrique, de maquettes, de cartes et de films structurent ce parcours de 750 m². Priorité y est donnée à l’exposé rigoureux des faits. On rappelle qu’entre la fin du XVe et celle du XIXe, environ 50 millions d’Africains, hommes, femmes et enfants, furent enlevés de leur village et que 12,5 millions vécurent suffisamment longtemps pour entamer la traversée de l’Atlantique, dans des navires armés par des Européens.

Repentance ? Alain Juppé parle de « politique de la juste mémoire ». L’exposition entend simplement aider à comprendre. En récusant tout anachronisme culpabilisateur.

Entrons. Un morceau du piédestal de la monumentale statue équestre de Louis XV, érigée en 1743 à Bordeaux et détruite à la Révolution, s’impose au visiteur. On y remarque l’évocation du Nouveau Monde par la représentation d’une coiffe de plumes et d’un carquois d’Indien. Les « Sauvages » sont ici honorés comme des vaincus classiques, comme Vercingétorix pour César.

Achetés déjà privés de leur liberté, principalement sur les côtes du centre-ouest du continent noir, les Africains vont remplacer dans les champs et les mines d’Amérique les Précolombiens, disparus à 95 %. S’ils ont survécu à six mois de cale, durée moyenne d’un voyage du sud vers le nord puis de l’est vers l’ouest.

Domestiques ou nourrices

Les très rares chanceux (4 000 au XVIIIe) que l’on débarque à Bordeaux servent de domestiques ou de nourrices aux familles riches. Ils sont portraitisés aux côtés de leurs maîtres, parfois encore avec leur collier de servitude alors que l’esclavage est en principe interdit en France depuis Louis X le Hutin et son édit de 1315. Non loin du buste en marbre de Montesquieu, ces tableaux soulignent le manque de portée de l’ironie anti-esclavagiste présente dans De l’Esprit des lois.

Toutefois, les Lumières gagnent vite du terrain et les abolitionnistes abondent en Gironde. Bordeaux ne sera jamais la capitale du commerce triangulaire, contrairement à Nantes. Mieux : au XVIIIe, la traite ne représentera que 4,4 % de son activité commerciale. Mais elle devra amplement sa prospérité à la production des colonies, et donc indirectement à l’exploitation forcée de l’homme par l’homme.


une des rares photographies de la traite des eclaves, prise vers 1870


Didier : J’ai visité cette exposition le week end dernier et si j’ai publié cet article c’est que je souhaitais porter à votre connaissance le contenu exact du panneau parlant de traite des esclaves :

"Comme beaucoup de civilisations, les sociétés africaines pratiquaient l’esclavage. La demande européenne dope cette pratique et, du Sénégal à l’Angola et en Afrique de l’Est, les autorités et les marchands africains vont tirer des bénéfices substantiels de la traite. Les captifs proviennent surtout de guerres ou de rapts. Ils sont parfois enfants d’esclaves ou vendus par leurs parents lors des famines. Au fur et à mesure de la demande européenne, les marchands africains mènent des razzias de plus en plus loin dans le continent et beaucoup de captifs meurent avant d’atteindre la côte. Au fil du temps, les lieux de traite se déplacent et, après 1780, les marchands bordelais achètent les esclaves au Mozambique et à Zanzibar. Les bateaux négriers s’approvisionnent de rade en rade et la traite dure de 3 à 6 mois, ce qui a une forte incidence sur le taux de mortalité des premiers captifs embarqués."

c’est visiblement ce qui s’appelle "récuser tout anachronisme culpabilisateur" (sic) à tel point que l’on a du mal à faire la distinction entre ce panneau et avec les textes d’époque qui parlent de "passagers" et de marchandises... ...récusons...récusons...

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