Un témoin raconte l’enlèvement de Guy-André Kieffer

Publié le 23 juillet 2009 sur OSIBouaké.org

Libération - Monde 22/07/2009 à 19h54 - Thomas Hofnung

Le journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer, disparu en 2004 à Abidjan, enquêtait sur les malversations financières du régime de Laurent Gbagbo.

C’est peut-être le premier vrai tournant dans l’enquête sur la disparition du journaliste franco-canadien, Guy-André Kieffer, enlevé à Abidjan en avril 2004 et porté disparu depuis lors. Le journaliste de France 3, Joseph Tual, a recueilli et diffusé ce mercredi le témoignage d’un homme qui, se présentant avec le grade de « major », dit avoir vu Guy-André Kieffer après son enlèvement dans les sous-sols de la présidence ivoirienne.

Aujourd’hui réfugié à l’étranger, Alain Gossé raconte l’arrivée de "GAK" à la présidence, le 16 avril 2004, et ses interrogatoires à la présidence, puis dans une villa d’Abidjan, par trois officiers proches des époux Gbagbo : l’ancien chef de la sécurité présidentielle Patrice Baï, l’officier chargé de la sécurité de Simone Gbagbo, Seka Yapo Anselme, et le capitaine Jean-Tony Oulaï.

Ces officiers, qui auraient appréhendé Kieffer sur un parking du centre d’Abidjan, semblent avoir été persuadés que journaliste était un agent des services de renseignement français. Sous pseudonyme dans la presse ivoirienne, ou dans la publication spécialisée La Lettre du Continent, Kieffer multipliait les enquêtes et les révélations sur les malversations financières du régime de Laurent Gbagbo, notamment dans la filière cacao.

Simone Gbagbo entendue en avril

Le major Alain Gossé assure aussi que "GAK" aurait été tué, deux jours après son enlèvement. Afin de « lui faire peur » pour arracher ses aveux, Jean-Tony Oulaï aurait tiré en l’air. Placé derrière le journaliste, un soldat aurait à son tour tiré deux balles de kalachnikov dans le dos de Kieffer, « par erreur », selon le témoin. Le corps de Kieffer n’a pas été retrouvé à ce jour.

Le major Gossé tend, dans son témoignage, à disculper en partie les époux Gbagbo de la fin tragique de "GAK". Selon lui, en effet, le chef de l’Etat et son épouse auraient appris, après-coup, la mort de Kieffer. Quoi qu’il en soit, les juges Patrick Ramaël et Nicolas Blot devront déterminer si trois officiers aussi proches de la présidence ivoirienne ont pu agir de leur propre chef.

Simone Gbagbo a été entendue en avril dernier par les magistrats français. Tout comme l’ex-ministre ivoirien de l’Economie, Paul-Antoine Bohoun-Bouabré, régulièrement mis en cause par Kieffer. Par ailleurs, le major Alain Gossé devrait être rapidement confronté au capitaine Jean-Tony Oulaï, détenu en France depuis octobre 2007, dans le cadre de cette affaire.


Kieffer tué par des hommes de Gbagbo, selon un témoin

Rue89 - Par Augustin Scalbert | Rue89 | 22/07/2009 | 12H40

France 3 vient de diffuser dans le « 12/13 » un témoignage propre à relancer l’affaire Kieffer, du nom de ce journaliste franco-canadien disparu en 2004 en Côte-d’Ivoire, alors qu’il enquêtait sur des malversations dans la filière cacao. Le témoin, Alain Gossé, raconte en détails les circonstances de l’exécution du journaliste, qu’il qualifie de « bavure », par des proches de l’épouse du président ivoirien, Simone Gbagbo.

Au grand reporter de France 3 Joseph Tual, l’Ivoirien Alain Gossé « dit être major dans l’armée ». Tual n’a pas pu vérifier ce fait, mais publie une photo de l’homme en uniforme. « Si j’avais engagé des vérifications, j’aurais mis sa sécurité en danger », explique le journaliste de France 3, précisant que le témoin est aujourd’hui « à l’abri », hors de Côte-d’Ivoire. « Il était dans une petite cellule, là où on gardait des individus suspects »

Son témoignage est en effet particulièrement explosif. Chargé des questions de sécurité au cabinet de Kadet Bertin, le commandant de la sécurité présidentielle, Alain Gossé était de service le 16 avril 2004, le jour où Guy-André Kieffer (surnommé GAK) a disparu, alors qu’il avait rendez-vous avec le beau-frère de Simone Gbagbo sur le parking d’un supermarché d’Abidjan. (Cliquer sur l’image pour voir la vidéo sur le site de France 3).

Un nouveau témoin affirme que Guy-André Kieffer a été tué par des proches de Gbagbo

Gossé voit arriver GAK à la présidence :

« Il était dans une petite cellule, c’est un des endroits où on gardait souvent des individus suspects. […] De la cellule j’ai échangé avec lui par le grillage, on a causé, il m’a demandé de l’eau et des cigarettes. »

Les hommes qui interrogent Kieffer, dont trois sont déjà cités dans le dossier instruit en France par les juges Patrick Ramaël et Nicolas Blot, partent ensuite avec le journaliste et le conduisent dans une ferme. « Nous apprenons que ce monsieur a été tiré par erreur »

L’un d’eux, Jean-Tony Oulaï, est actuellement détenu en France dans le cadre de la procédure. Les deux autres sont l’aide de camp de Simone Gbagbo, et un garde du corps de son mari, le président Laurent Gbagbo :

« De bouche à oreille, nous apprenons que ce monsieur a été tiré [sic] par erreur. Oui, parce que M. Oulaï voulait donner des sommations pour qu’il puisse avoir peur pour parler. Mais ce qui est sûr, je vous le dis, Mme Gbagbo n’est pas trop impliquée, c’est son cabinet, oui. Sa garde rapprochée. Mais c’est une bavure. »

En 2007, un autre témoin, Berté Seydou, qui dit être le chauffeur d’Oulaï, le chef présumé du commando, avait déjà affirmé à France 3 que Kieffer avait été tué. Des déclarations qualifiées de « crédibles » par la justice française.

Alain Gossé, lui, n’a pas encore été entendu par la justice française. Selon Joseph Tual, le témoin devrait être auditionné prochainement, et ses déclarations pourraient « peut-être permettre de retrouver le corps du journaliste ».

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