Une statue africaine retrouvée, soixante ans après son vol

Publié le 15 juillet 2009 sur OSIBouaké.org

Le Monde | Nathaniel Herzberg | 14.07.09 | 16h50

L’attente a été longue. Mais elle a porté ses fruits. Plus de soixante ans après son vol, une statue africaine s’apprête à retrouver sa place dans les collections nationales. Disparue des réserves du Musée de l’homme, entre 1945 et 1950, cette sculpture bembe, originaire du Congo-Brazzaville, devrait prochainement rejoindre le Musée du quai Branly, selon nos informations, confirmées par l’établissement. Le musée est "en voie de conclure un accord" avec l’actuel propriétaire de l’oeuvre, un collectionneur américain "de bonne foi", précise la direction.

Cette pièce est considérée comme "exceptionnelle". Rapportée par le Père Constantin Tastevin, elle avait intégré les collections du Musée ethnographique, l’ancêtre du Musée de l’homme, en 1934. Inventoriée sous la référence 1934. 82.12., elle témoignait des différents voyages de l’explorateur, notamment en Afrique centrale.

Surtout, cette statue de type nkonde, destinée à lutter contre les forces occultes mais aussi objet dépositaire de la mémoire du clan, avait été collectée dans la région de Mouyoudzi. Or très peu de statues ont été trouvées dans cette partie du Congo. A fortiori pas des pièces de cette dimension. Avec 71 cm de hauteur, cette statue masculine présentait une taille peu commune. Pour un conservateur d’aujourd’hui, il paraît d’ailleurs très étonnant de ne pas l’avoir exposée au public.

PAS DE DESCRIPTIF PRÉCIS

C’est en effet lors d’un vol dans les réserves du Musée que l’oeuvre a disparu. D’autres pièces ont été dérobées à la même époque. Les règles de conservation des objets restaient encore assez souples. Il n’était pas rare de voir un anthropologue emporter une pièce dans son sac afin de la présenter à ses étudiants lors d’un cours à l’université. "Leur valeur était considérée comme essentiellement ethnographique, explique Yves Le Fur, directeur des collections du Quai Branly. Le Musée de l’homme était un établissement scientifique qui n’avait pas vraiment une culture de musée."

Du reste, lorsque le vol eut lieu, personne ne déposa plainte. Et lorsqu’en 1983 un membre de la Société des amis du Musée de l’homme reconnut la statue lors de l’exposition précédant une vente, chez Sotheby’s, à New York, l’établissement fut bien en peine d’en réclamer la restitution. D’autant que les archives du département Afrique avaient elles aussi été dérobées. De quoi convaincre les africanistes que le forfait avait bénéficié, pour le moins, de complicités internes.

Pas de descriptif précis ni de photos (celle que nous présentons fut prise chez Sotheby’s), tout juste l’inventaire laissé par le Révérend Tastevin en 1934 : la négociation avec le propriétaire fut difficile. Les yeux en porcelaine avaient disparu, des lames de métal et des chiffons avaient été ajoutés sur le ventre. Comment prouver l’origine ? Sotheby’s accepta de stopper la vente. Mais le collectionneur refusa de restituer la pièce. Conscient de pouvoir aisément arguer de sa bonne foi, il en exigeait 85 000 dollars. La somme fut jugée excessive par la direction des Musées de France. Le nkonde retourna chez le collectionneur.

Mais la pièce était à présent marquée au fer rouge. Invendable sur le marché officiel. Lorsque, au début de l’année, le même propriétaire décida de la présenter à nouveau chez Sotheby’s, la maison de vente alerta le musée. Au Quai Branly, on ne souhaite pas indiquer le montant des négociations. Tout juste indique-t-on que la somme est "raisonnable".

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