Inde : une agence matrimoniale pour le bonheur de couples séropositifs

Publié le 16 juin 2009 sur OSIBouaké.org

AFP - 16 juin 2009

Ahmedabad (Inde) - Ravi et Nima sont séropositifs et se sentent stigmatisés en Inde : ils ont trouvé bonheur et réconfort en se mariant grâce à une agence matrimoniale spécialisée qui lutte à sa manière contre les discriminations dont sont victimes les porteurs du virus VIH   du sida  .

"Mon père m’a renié quand je lui ai avoué ma maladie. Je me suis retrouvé tout seul et avais besoin d’une compagne pour profiter des dernières années de ma vie", témoigne Ravi, un commerçant de 38 ans infecté par le virus du sida   après un rapport sexuel avec une prostituée.

Sa jeune épouse, Nima, sait qu’elle est séropositive depuis un test de grossesse en 2004. C’est son premier mari, décédé en 2006, qui l’avait contaminée. "A sa mort, je me suis sentie trahie et je voulais me suicider. Puis, j’ai décidé de me remarier et d’aider les veuves victimes du VIH  ", souffle-t-elle.

Le couple s’est connu grâce à l’Agence matrimoniale du Gujarat pour les personnes vivant avec le sida  , une association caritative créée en 2005 dans cet Etat de l’ouest de l’Inde et qui s’occupe exclusivement de clients séropositifs.

En quatre ans, l’Agence a favorisé 300 unions dans le Gujarat et ce succès a inspiré d’autres activistes en Inde, la plupart séropositifs, qui ont fondé huit organisations identiques dans tout le pays.

Ceux qui s’y inscrivent doivent tout révéler : bilan de santé, histoire familiale, statut social. "Tout doit être clair comme de l’eau de roche avant le mariage", explique Rasik Bhua, responsable de l’association du Gujarat.

"Nous conseillons les couples pour être sûrs qu’ils sont assez mûrs pour vivre avec des problèmes de santé", poursuit-il. Car trouver l’âme soeur implique aussi de supporter au jour le jour l’infection ou la maladie de l’autre et de partager le coût élevé des traitements, prévient M. Bhua.

Dans une Inde où bon nombre de mariages sont arrangés entre familles et communautés et où la femme doit souvent apporter sa dot, M. Bhua relève que son agence a reçu l’an passé 1.200 hommes séropositifs, contre... 76 femmes.

Un déséquilibre qui s’explique, selon lui, par la stigmatisation, voire l’ostracisme, qui frappent des Indiennes séropositives.

Les milieux associatifs et la presse dénoncent régulièrement les discriminations dont sont victimes les personnes atteintes par le VIH  /Sida   : des familles qui ne veulent plus entendre parler d’un proche, aux médecins qui refusent de soigner, en passant par des écoles qui excluent des enfants contaminés.

Jusqu’en 2007, des statistiques de l’ONU   évaluaient à 5,7 millions le nombre d’Indiens vivant avec le virus VIH   du sida  , soit le plus grand nombre de séropositifs au monde, devant l’Afrique du Sud. Mais à la suite de protestations et de corrections par New Delhi, ce chiffre a été ramené à 2,5 millions par le Programme des Nations unies de lutte contre le sida   (Onusida  ).

L’ONU   se félicite d’ailleurs des efforts de l’Inde pour combattre cette pandémie, en particulier pour les budgets alloués aux associations et au secteur hospitalier.

Mais il faut faire plus et l’expérience de l’Agence matrimoniale du Gujarat "devrait être encouragée par le gouvernement", plaide Radhika Samant, un médecin spécialiste du sida   à Bombay.

Car de peur d’être socialement isolées, des familles poussent leurs fils séropositifs à se marier en cachant leur état de santé à leurs promises, dénonce le docteur Samant.

"Il faut briser la chaîne de l’infection", renchérit Daksha Patel, une travailleuse sociale contaminée par son mari et qui a décidé d’interrompre sa grossesse. "Afin de juguler la maladie, l’Inde a besoin de davantage d’agences matrimoniales pour les personnes séropositives", estime-t-elle.

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