Le CADTM exige que la restitution des fonds Duvalier et l’annulation de la dette haïtienne soient totales et inconditionnelles

Publié le 27 février 2009 sur OSIBouaké.org

CADTM, 25 février 2009

Le 12 février dernier, la Suisse a décidé de restituer à Haïti 7,6 millions de francs suisses (5,1 millions d’euros) correspondant aux avoirs de l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier gelés depuis 2002. Cette décision, qui intervient 23 ans après le déclenchement de la procédure d’entraide judiciaire entre ces deux Etats, est justifiée par l’incapacité des héritiers de Duvalier de prouver que ces avoirs ne sont pas d’origine criminelle. A l’expiration d’un délai de 30 jours au cours duquel ces derniers peuvent encore introduire un recours devant le Tribunal pénal fédéral suisse, ces fonds pourraient alors être affectés à des projets de développement gérés par des « ONG qui détiennent une certaine expérience » dans ce domaine, a annoncé l’Office fédéral de la justice helvétique.

Mais pour le CADTM, ces fonds doivent être remis intégralement et sans condition à l’Etat haïtien. En effet, l’affectation de cet argent doit être décidée exclusivement par Haïti de façon démocratique et transparente pour financer des dépenses sociales urgentes dans ce pays classé parmi les plus pauvres de la planète. Le contrôle public de l’utilisation de ces fonds, sous forme d’audit associant les mouvements sociaux, est également nécessaire pour examiner leur destination réelle et le cas échéant sanctionner les malversations.

Plus largement, les citoyens haïtiens devraient se saisir de l’audit de la dette pour exiger la récupération de tous les biens mal acquis et refuser le remboursement de la dette extérieure publique. Les fortunes illicites amassées par les dirigeants du Sud et les dettes illégitimes léguées à leurs Etats sont deux injustices intimement liées et perpétrées avec l’accord des grands créanciers. Ainsi, en 1986, lors du renversement de Jean-Claude Duvalier qui a trouvé refuge sur la Côte d’Azur française, la dette extérieure haïtienne s’élevait à 800 millions de dollars alors que les détournements d’argent public par le clan Duvalier étaient évalués entre 500 millions et 2 milliards de dollars. On est donc loin du compte avec les montants en passe d’être restitués par la Suisse…

L’écrasante majorité de la population haïtienne, qui vit dans la pauvreté, ne peut plus attendre. Des décisions radicales et justes telles que le non-paiement de la dette doivent êtres prises pour que leurs droit humains fondamentaux tels que le droit à l’alimentation ou encore le droit à la santé soient enfin garantis. Il est également indispensable de rejeter les solutions imposées par la Banque mondiale et le FMI, pour qui la réduction de la dette n’est qu’un effet d’annonce destiné à relégitimer des politiques qui ont échoué en terme de développement humain depuis le début des années 1980.

Haïti n’est pas un cas isolé. Chaque année, les créanciers du Nord continuent d’exiger des populations du Sud le remboursement de dette illégitimes tout en refusant de leur restituer les avoirs illicites placés dans les banques occidentales et ce, en violation de la Convention des Nations unies contre la corruption. C’est le cas notamment de la Belgique et de la France, qui après avoir soutenu financièrement des dictatures comme celle de Duvalier à Haïti ou de Mobutu au Zaïre, font peser aujourd’hui sur les populations haïtienne et congolaise la dette illégitime de leur oppresseur. Soulignons que la fortune de Mobutu est estimée à 5 milliards de dollars et que les Congolais n’ont toujours rien récupéré…

Il est grand temps de dénoncer le double langage des créanciers du Nord comme la Banque mondiale qui, d’un côté, prétendent lutter pour une restitution des biens mal acquis et, de l’autre, font payer aux populations les dettes illégitimes de leurs dirigeants kleptocrates. C’est pourquoi le CADTM exige :

la restitution intégrale et inconditionnelle par le gouvernement suisse des fonds détournés par Duvalier au peuple haïtien sous leur contrôle démocratique pour financer des dépenses urgentes telle que la réforme agraire l’annulation totale et inconditionnelle de la dette extérieure publique d’Haïti et l’abandon des politiques imposées par la Banque mondiale et le FMI l’application effective de la Convention des Nations unies contre la corruption par les Etats pour restituer aux populations du Sud tous les biens mal acquis la mise en place en place d’audits de la dette pour identifier les responsables de détournements d’argent public et fonder la nullité de toutes les dettes illégitimes du tiers-monde.

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