Les anciens enfants-soldats du film "Johnny Mad Dog" se sentent délaissés

Publié le 19 décembre 2008 sur OSIBouaké.org

Monrovia - AFP — 18 Decembre 2008 - Des cartons servent aujourd’hui de matelas aux vedettes du film "Johnny Mad Dog" du Français Jean-Stéphane Sauvaire, primé au dernier festival de Cannes. Ces anciens enfants-soldats se sentent délaissés entre les murs crasseux de la maison de la fondation créée pour eux à Monrovia.

"Mes amis se moquent de moi. Ils disent que je suis une grande star mais je n’ai rien. Je suis sale comme un mendiant", dit Eric Stone, 14 ans, au correspondant de l’AFP.

Cet adolescent, qui incarnait un commandant sur grand écran, reçoit aujourd’hui dans le salon de la fondation Johnny Mad Dog, au coeur de la capitale libérienne.

Tourné au printemps 2007 à Monrovia, le film a reçu en mai le Prix de l’espoir à Cannes (France).

Ses acteurs sont pour la plupart d’anciens enfants-soldats qui avaient appris à manier les armes, à tuer et à consommer de la drogue pendant les 14 ans de guerres civiles successives (1989-2003) qui ont tué 250.000 personnes dans leur pays ouest-africain.

"Prenez place sur la table. C’est tout ce qu’on a ici pour nos invités", s’excuse Eric, portant un jean sale et une chemise trouée malodorante, en désignant les deux vieilles tables qui constituent l’unique mobilier.

"Ils nous avaient promis de nous construire un bâtiment à nous qui serait le siège de la fondation et où on serait logés, nourris et scolarisés... Mais on est dans ce bâtiment que la propriétaire nous demande de quitter parce que le loyer n’a pas été payé par la Fondation", accuse aussi Léo Kortie, 16 ans, l’un des principaux acteurs du film.

Paumés, ces adolescents continuent de fumer de la marijuana ou de consommer de la cocaïne dans l’enceinte même de la Fondation, selon divers témoignages. Ils ne suivent pas de cours et reprochent à la Fondation de n’avoir "pas payé" leurs frais de scolarité.

Interrogé par l’AFP, le réalisateur Jean-Stéphane Sauvaire balaie ces accusations. "J’ai toujours envoyé de l’argent mais ils se sont toujours plaints qu’on le leur vole. J’ai payé la scolarité mais ils ne sont pas allés à l’école", déplore le cinéaste joint par téléphone à Paris.

"Je cherche à avoir quelqu’un en permanence pour les suivre au quotidien... Pour le loyer, on paye chaque semestre. Comme l’année tire à sa fin, la propriétaire s’est manifestée" pour réclamer son argent, ajoute-t-il.

"On vient de gagner un prix, poursuit Jean-Stéphane Sauvaire. Et je suis en train de sensibiliser pour obtenir des fonds afin de pouvoir mieux nous occuper d’eux".

Sur son site internet (www.jmdfoundation.org), la fondation Johnny Mad Dog se donne "pour mission d’apporter un soutien et un encadrement aux ex-enfants soldats acteurs du film".

Depuis la fin du tournage en mai 2007, elle écrit qu’elle a "mis en place un programme pédagogique à Monrovia, géré par un éducateur, axé autour de leur éducation et santé, avec pour mission de les aider dans leur vie quotidienne et de développer avec eux à plus long terme leurs projets personnels".

"Quand on tournait le film, on avait tout ce dont on avait besoin. Nous étions bien nourris, nous recevions toujours de l’argent de poche", raconte de son côté Prince Kortie. "Mais après le film, dit-il, on ne nous a donné que 650 US dollars", soit dix fois le montant d’un salaire minimum garanti mensuel.

"Moi, j’ai bu du cane juice (un whisky local) avec (cet argent) parce que je ne pouvais rien faire d’autre", renchérit une autre vedette du film, Momo Sesay, 15 ans, dans un pays pauvre, marqué par le chômage des jeunes dont un grand nombre d’anciens combattants.

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