MSF quitte le Niger, sur fond de polémique avec le pouvoir

Publié le 3 novembre 2008 sur OSIBouaké.org

Par Evariste Ouédraogo | L’observateur paalga | 01/11/2008 | 20H30

(De Ouagadougou) Accusée d’avoir présenté la malnutrition des enfants dans le sud du Niger comme plus grave qu’elle ne l’est afin de mobiliser les donateurs et d’avoir promu l’usage de pâtes alimentaires nutritionnelles comme mode de traitement du déséquilibre alimentaire, Médecins sans frontières (MSF  ) a été priée par les autorités de Niamey, mi-juillet 2008, de suspendre ses activités au Niger.

C’est alors avec un vif regret que l’organisation humanitaire s’est résolue à prendre la dommageable décision d’abandonner ses actions dans la patrie du président Mamadou Tandja, non sans répondre aux mesures gouvernementales, en constatant un déni de réalité des autorités nigériennes. (Voir la vidéo de la conférence de presse de MSF   du 30 octobre, notamment à partir de la quatrième minute)

La double incompréhension qui a causé le divorce entre les deux parties a suscité la réaction de Caroline Livio, responsable de MSF   au Niger, pour qui "il n’existe pas de normes internationales dans le traitement de la malnutrition".

Elle déplore du reste la situation, car, soutient-elle, le Niger est l’un des pays qui a permis à sa structure de travailler à des programmes sur une échelle inégalée ailleurs.

L’ONG n’a pu reprendre le dialogue avec le pouvoir nigérien

Selon des informations données par MSF  , en 2006, dans deux districts du sud de la région de Maradi, la plus déshéritée du Niger, plus de 70 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë globale, sévère comme modérée, ont été pris en charge, avec un taux de guérison supérieur à 90%.

En 2007, en période de soudure [entre la fin de la consommation de la récolte de l’année précédente et la récolte suivante, ndlr], il a été distribué un produit nutritionnel spécifique aux enfants de moins de 3 ans, la tranche d’âge la plus touchée par la malnutrition aiguë.

Une prise en charge dans des structures médicales lors d’épisodes de maladies ou au stade de malnutrition sévère, en suivant les nouveaux standards de l’Organisation mondiale de la santé (OMS  ) a été effectuée.

Les tentatives de l’ONG pour renouer le dialogue avec les autorités nigériennes sont restées vaines, ce qui a eu pour effet de liquider progressivement ses activités dans les deux districts en question. Interdite donc de s’occuper de nouveaux enfants, la structure a vu ses dispensaires se vider peu à peu.

Face au manque de fléchissement du pouvoir, les procédures de licenciement du personnel local (près de 350 personnes) ont été enclenchées. Les ONG et les organisations humanitaires, à tort ou à raison, sont parfois soupçonnées d’outrepasser leurs missions. Mais dans le cas présent, il faut croire que Tandja n’aime pas du tout la tranquillité.

Après l’affaire Moussa Kaka, le président Tandja prend encore des risques

En décidant de mettre à la porte les travailleurs de MSF   exerçant au Niger, il en rajoute à son impopularité, lui dont la réputation est déjà un peu trop écornée par des décisions présidentielles qui ne sont pas loin d’être dictatoriales.

Si ce n’est pas le journaliste Moussa Kaka ou l’ancien Premier ministre Hama Amadou qu’il envoie goûter aux amertumes de la prison, c’est à Areva qu’il s’en prend, et la liste de ses indésirables ne fait que s’allonger jour après jour.

La mesure de Tandja est, pour le moins, préjudiciable à des enfants innocents et à beaucoup de ses concitoyens, qui perdent ainsi, sans le vouloir, leur travail, dans un pays pauvre où la traversée du désert est une réalité quotidienne.

De tout cela, le premier des Nigériens s’en moque éperdument, seul maître qu’il est à bord. Aujourd’hui, c’est MSF   qui est dans le collimateur du grand chef de Niamey. A qui le tour demain ?

imprimer

retour au site