Nourrissons au rang d’essai

Publié le 10 septembre 2008 sur OSIBouaké.org

carnets de santé Libération, Eric Favereau, mardi 9 septembre 2008

Quarante-neuf nourrissons morts après des essais thérapeutiques. L’information brute est terrible. Le mois dernier, c’est le quotidien indien The Times of India qui l’a révélée. L’affaire se passait dans le plus grand hôpital de New Delhi (voir l’article du Monde à ce sujet).

Serait-ce une histoire encore plus dramatique que celle racontée par John le Carré dans son roman la Constance du jardinier ? Des essais sur les nourrissons ? Des essais, il y en a, beaucoup même. Mais comment se déroulent-ils ? Qui décide ? Est-ce toujours pour le bien de l’enfant ? Dans le cas présent, que s’est-il passé ?

En juin, la Fondation Uday, association caritative active dans les maladies héréditaires, ayant eu vent de rumeurs, s’est saisie de l’affaire et a questionné l’hôpital public. Celui-ci lui a répondu que depuis le 1er janvier 2006, 4 142 bébés (dont 2 728 avaient moins de 1 an) ont été admis pour y subir 42 tests. L’hôpital a reconnu que « 49 décès ont été enregistrés ». Des essais de quoi ? Cela reste flou : l’hôpital cite la molécule rituximab commercialisée en Europe par Roche pour des patients souffrant de lymphome non hodgkinien agressif, l’Olmésartan pour traiter l’hypertension artérielle, un médicament de Sankyo Pharma, et le Valsartan fourni par Novartis, également contre l’hypertension artérielle. Ces essais n’avaient rien de clandestin, ils ont été validés par un comité d’éthique interne. « Et tou s ces enfants étaient gravement malades », selon l’hôpital.

« Nous n’avons mené aucun essai pédiatrique avec des produits de Roche en Inde », a démenti pourtant un porte-parole du groupe. Qui croire ? Un essai sauvage ? Depuis une dizaine d’années, dans l’indifférence générale, les grandes firmes pharmaceutiques délocalisent massivement leurs essais vers les pays en voie de développement, pour des raisons de coût mais aussi de facilité. Une délocalisation très rentable : pour l’Inde, cela représente 120 millions de dollars (84 460 000 euros) de chiffre d’affaires en 2007. Et, pour les firmes, ce sont des essais qui coûtent 40 % à 60 % moins cher qu’en Occident.

« La plupart de ces essais sont nécessaires et importants », nous explique Gérard Lenoir, chef de service de pédiatrie à l’hôpital Necker, à Paris. Mais pourquoi ne pas les réaliser en France ? « Il faut l’accord des deux parents. C’est extrêmement difficile de les avoir. » Alors, les firmes vont ailleurs. Sans contrôle. La Fondation Uday soupçonne l’hôpital d’avoir convaincu « des familles pauvres et analphabètes » d’y participer

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