la « féminisation » de l’épidémie au Mexique

Publié le 5 août 2008 sur OSIBouaké.org

Au poste de la frontière de Tijuana, les migrants renvoyés au Mexique par les autorités américaines attendent de passer la dernière grille. Juste derrière, un petit centre de l’ONG Médecins du monde leur offre des soins gratuitement. L’organisation française en profite pour les informer sur les risques sanitaires qu’ils courent, et en particulier sur le sida  . Car beaucoup ignorent qu’ils sont porteurs du VIH   à la suite de conduites à risques (relations sexuelles non protégées, usages de drogues, etc.) et peuvent le transmettre à leurs épouses en rentrant dans leur communauté. « Du fait de son vécu, la population des migrants est une population qui souffre d’une incidence élevée de sida  . C’est ainsi que nous expliquons le fait que dans des communautés rurales très reculées, des femmes qui n’étaient jamais sorties de chez elles soient porteuses du virus », énonce Stéphane Vinas, responsable de Médecins du monde à Tijuana.

Selon une récente étude aux États-Unis, si les Latinos forment 14 % de la population américaine, ils représentent aujourd’hui 22 % des séropositifs. Le retour au pays, temporaire ou définitif, implique un grand risque pour les femmes, ignorantes de la vie d’un migrant aux États-Unis. La « féminisation » de l’épidémie du sida   au Mexique est un phénomène récent mais qui inquiète les autorités. Selon le ministère de la Santé mexicain, 98 % des femmes infectées par le virus l’ont été à la suite d’une relation sexuelle dans leur couple. Les organisations civiles de lutte contre la pandémie, reçues pour la première fois par le président Calderon, ont insisté pour que des programmes spécifiques soient créés pour ces femmes au foyer qui n’ont bien souvent que peu de liens avec l’extérieur.

Hormis ce phénomène, la progression de l’épidémie est stable dans le pays, où le premier cas d’infection du VIH   fut découvert il y a vingt-cinq ans. Avec le Brésil, le pays détient le plus grand nombre de cas de VIH   en Amérique latine : 600 000 au Brésil, 200 000 au Mexique, selon le rapport 2008 du programme des Nations unies contre le sida   (Onusida  ). Mais, à la différence du Brésil, les coûts des traitements antiviraux (ARV  ) sont quatre fois plus élevés qu’au Brésil, qui les produit depuis plusieurs années.

À l’occasion de la 17e Conférence internationale contre le sida   qui a débuté dimanche à Mexico, le gouvernement a demandé aux laboratoires pharmaceutiques de baisser les prix des traitements, entièrement pris en charge depuis 1999. Le député Pablo Gomez (PRD) estime que le Mexique doit comme le Brésil prendre des mesures drastiques et produire lui-même les pharmacopées : « Dans la négociation que nous menons avec les laboratoires, nous butons sur le fait que le Mexique, appartenant à l’OCDE, a les moyens de payer ses traitements. C’est en partie vrai, mais nous pourrions utiliser ces ressources financières dans la prévention qui manque toujours de moyens. » La proposition de baisser les prix de 1 % a été rejetée par le Mexique, qui demande une baisse de 30 % du prix… une négociation qui a peu de chances d’aboutir.

Mexico - Anne Vigna

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