Marina Petrella : ne laissons pas faire

Publié le 11 juillet 2008 sur OSIBouaké.org

Marina Petrella, cinquante-quatre ans, deux filles âgées de vingt-quatre et dix ans, se laisse mourir en prison, parce que le gouvernement de la France a décidé son extradition vers l’Italie où elle est menacée d’être enfermée à vie.

Oui, Marina Petrella a été condamnée pour acte de terrorisme.

Oui, quand elle avait vingt-cinq ans, dans l’Italie des années de plomb, où une partie de la classe politique s’organisait dans la corruption et le soutien mafieux, elle a été de ces jeunes gens qui ont sombré dans la folie sans issue du terrorisme, qui ont perdu tous leurs repères, qui ont commis des crimes odieux. Oui, elle a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité en 1993 sous le coup « des lois spéciales », après avoir passé huit ans en détention provisoire et avoir été placée sous contrôle judiciaire en 1988. Entre-temps, la France avait décidé, par la voix de François Mitterrand, le 26 avril 1985, d’accorder l’asile aux Italiens qui avaient participé à l’action terroriste mais avaient rompu avec elle. Quelques hommes et femmes ont saisi cette main tendue qui leur permettait, hors de leur pays, de se réinsérer dans la communauté humaine. Marina Petrella est de ceux-là. Pendant dix-sept ans, entre 1985 et 2002, aucun gouvernement n’a jamais renié la parole donnée par la France, malgré les demandes d’extradition formulées par l’Italie.

Marina Petrella a été arrêtée en août 2007, après Paolo Persichetti et Cesare Battisti. Depuis elle est incarcérée. Le premier ministre a signé son décret d’extradition.

Cette décision entache gravement l’honneur de notre pays, les principes qui fondent la parole donnée par la France : – le principe de prescription qui veut qu’en toute matière le temps efface les peines encourues, comme il change les hommes et les femmes eux-mêmes. Qui oserait dire que Marina Petrella est aujourd’hui la jeune fille qui voulait prendre les armes il y a trente ans ? – le principe de réconciliation qui veut qu’en politique (hormis les crimes contre l’humanité) les crimes puissent être, non pas pardonnés, mais dépassés, que peut se reconstruire la communauté des hommes. La France a amnistié les factieux d’Algérie ; Nelson Mandela, les racistes de l’apartheid…

La parole donnée par la France en 1985 nous honore. C’est celle des valeurs universelles des Lumières, celle de la dignité humaine. C’est au nom de ces valeurs que nous refusons les peines perpétuelles, parce que nous refusons l’idée que l’homme ne peut se racheter et se réhabiliter. Alors nos gouvernements livreraient à la prison à vie une femme de cinquante-quatre ans qui s’est réinsérée dans notre pays où elle vit et travaille depuis quinze ans, mère de deux enfants ? Cela au nom de petits arrangements entre régimes politiques momentanés, de lâches concessions à l’air du temps. Au nom du peuple français, ne laissons pas faire. Nous nous réjouissons tous qu’Ingrid Betancourt soit libre et nous avons bien entendu le président de la République proposer que la France accorde l’asile aux membres des FARC qui libéreraient des otages. Et dans le même temps, contre toute humanité, il livrerait Marina Petrella à la prison à vie en Italie ?

Elle veut se laisser mourir. Si nous laissons faire, c’est le peuple de France qui reniera la parole donnée ; nous en serons responsables. Nous vous appelons solennellement à ne pas accepter cette humiliation, à nous retrouver ensemble pour sauver Marina Petrella. Nous ne voulons pas l’abaissement de la France. Nous ne voulons pas la mort de Marina Petrella en prison. Nous n’attendons pas que d’autres fassent oeuvre d’humanité à notre place. Nous voulons qu’il soit mis fin à sa détention, qu’elle soit soignée et qu’elle reste en France. Nous voulons que Marina Petrella soit libérée au nom des principes qu’un grand peuple comme le nôtre doit défendre.

Au-delà de ce que peut faire l’Italie par rapport à son passé, au-delà des rapports européens, la France s’est engagée. C’est à la France à respecter son engagement.

par Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe communiste républicain et citoyen du Sénat sur le site tribune libre - l’humanité


Marina Petrella, une histoire française

Mardi 8 juillet 2008, Communiqué de presse des collectifs de solidarité avec Marina Petrella

Les collectifs de solidarité avec Marina Petrella ont pris acte du fait que la campagne menée depuis 11 mois en sa faveur et la large prise de conscience de l’iniquité que représenterait son extradition ont amené ce matin monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République, à s’exprimer publiquement sur cette question d’une façon bien plus nuancée qu’il ne l’avait fait jusqu’à présent.

Quant au contenu de cette intervention, nous répondons :

Monsieur le président, Vous semblez considérer que la situation actuelle de Marina Petrella relève des relations franco-italiennes.

Pourtant :

  • C’est bien la France qui s’est engagée envers Marina Petrella en dépit des décisions de justice italiennes :
  • En l’accueillant en 1993 ;
  • En la régularisant en 1998 ;
  • En la laissant vivre ici pendant 15 ans.
  • C’est bien la France qui a retourné sa veste en l’arrêtant brutalement le 21 août dernier sur la base d’une demande italienne vieille de 15 ans ;
  • C’est bien la France qui est responsable de son état de santé dramatique dû à une détention de 11 mois, d’autant plus insupportable qu’elle intervient près de 30 ans après les faits.

Vous dîtes estimer, monsieur le Président, qu’il serait souhaitable que votre homologue italien décide d’une grâce en raison de l’état de santé de Marina Petrella et de l’ancienneté des faits.

Nous vous demandons donc d’être conséquent et de prendre les responsabilités qui sont les vôtres en qualité de Président de la République française :

  • Prenez les dispositions nécessaires à une levée d’écrou immédiate ;
  • Appliquez la clause humanitaire inscrite par la France dans la convention de 1957 régissant les conditions d’extradition de Marina Petrella ;
  • Abrogez le décret d’extradition.

Et puisque vous soulignez que le temps écoulé constitue un délai déraisonnable pour appliquer la peine que Marina Petrella encourt, pointant ainsi du doigt ce refus d’amnistie long de 30 ans qui constitue l’anomalie italienne, il vous revient, monsieur le Président, d’intervenir dans votre sphère de souveraineté en procédant à un moratoire sur toutes les extraditions.

La vie de Marina Petrella dépend de vous : libérez la !

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