Déconfinement : pourquoi les séropos ne doivent pas s’inquiéter plus que le reste de la population

Publié le 13 mai 2020 sur OSIBouaké.org

Tetu, 12 mai 2020 - A l’heure du déconfinement, les personnes vivant avec le VIH   doivent-elles être plus vigilantes que le reste de la population ? Les premières publications scientifiques semblent montrer que ces personnes ne sont pas plus exposées que les autres, à quelques conditions toutefois.

C’est une nouvelle rassurante à l’heure où les Français entament leur déconfinement sans que le coronavirus n’ait complètement disparu : les patients infectés par le VIH   ne sont pas plus exposés au Covid-19   que les autres et la maladie qu’ils peuvent développer n’est pas nécessairement plus grave. Trois conditions, toutefois : ces patients doivent avoir des défenses immunitaires élevées (taux de protéine CD-4 dans le sang supérieur à 200/mm3), une charge virale contrôlée voire indétectable (moins de 50 copies/ml) et ne présenter aucune autre pathologie. En France, cela représente environ 80% des hommes et des femmes vivant avec le VIH  , note l’association Aides.

Dans un communiqué commun diffusé le 30 avril, la Société européenne de recherche clinique sur le sida   (EACS) et l’Association britannique contre le VIH   (BHIVA) indiquent que “jusqu’à présent, il n’y a aucune preuve d’un taux d’infection au Covid-19   plus élevé ou d’une évolution différente de la maladie chez les personnes vivant avec le VIH   que chez les personnes séronégatives”. Même constat du côté de la Société Internationale du sida   (IAS), qui souligne toutefois que “la manière dont le Covid-19   affecte les personnes vivant avec le VIH   n’est pas encore entièrement connue”.

Dans l’Hexagone, François Dabis, le directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida   et les hépatites virales (ANRS), confirme les constats des trois sociétés savantes. “On s’est inquiété au départ du risque supplémentaire pour les personnes vivant avec le VIH  . Mais nos craintes ont été tempérées parce qu’on a la chance de vivre dans un pays où l’immense majorité de cette population est dépistée, traitée et contrôlée”, indique-t-il. “Dans les services cliniques, il n’y a pas eu d’alerte. Les patients VIH  + ne sont pas surreprésentés dans les diagnostics de Covid-19  , pas plus que dans les admissions à l’hôpital”, observe-t-il.

Premières données médicales

De premières données ont été publiées sur le sujet. Des médecins de Barcelone ont rapporté mi-avril dans la revue médicale britannique Lancet HIV leurs observations sur une petite série de cinq cas de patients infectés par le VIH   et hospitalisés pour Covid-19  . Parmi ces patients, trois sont des hommes et deux sont des personnes trans ; quatre ont dit avoir des rapports sexuels avec d’autres hommes et un a été identifié comme bisexuel. Tous avaient déjà un diagnostic d’infection à VIH   posé (traitement antirétroviral en cours, charge virale indétectable et taux de CD-4 élevé) sauf un, qui l’a appris à l’occasion de son hospitalisation.

Dans leurs conclusions, les praticiens espagnols notent que les patients infectés par le VIH   “ne représentent que 1% de tous les patients hospitalisés avec un diagnostic de Covid-19  ” (ce qui est assez peu) et qu’ils sont relativement jeunes (de 29 à 49 ans). Quatre d’entre eux étaient rétablis au moment de la publication des données mais un autre avait encore besoin d’une assistance respiratoire dans un service de réanimation. Tout en indiquant que deux des patients étaient des travailleurs de sexe et qu’un autre avait pratiqué du chemsex six jours avant son admission à l’hôpital, ils jugent “très important” de mettre en place des programmes de prévention afin d’expliquer que ces “activités” peuvent favoriser la transmission du virus à l’origine de la pandémie, le SARS-CoV-2.

Pour le Pr Philippe Morlat, cette première publication sur les personnes VIH  + est clé. C’est “une information importante pour nos patients souvent doublement inquiets”, a tweeté ce médecin du CHU de Bordeaux, chargé d’établir les recommandations de prise en charge du VIH   en France.

Pas de conclusion sur l’efficacité des antirétroviraux contre le coronavirus

Bien qu’encourageantes, les données espagnoles restent toutefois très préliminaires et doivent être confirmées par d’autres études plus larges. Elles ne permettent pas de conclure sur les risques VIH  -Covid-19  , pas plus que sur l’efficacité éventuelle des traitements antirétroviraux contre le coronavirus. Certains médecins et scientifiques pensent en effet que le Kaletra, un antirétroviral de génération antérieure associant les molécules lopinavir et ritonavir, pourrait être utile pour lutter contre la pandémie. Le médicament fait notamment partie des options thérapeutiques étudiées dans le grand essai européen Discovery, qui doit donner de premiers résultats le 14 mai. Malgré la publication d’une première étude chinoise négative le 18 mars dans le New England Journal of Medicine, la France a donné fin mars son feu vert à l’utilisation du Kaletra chez les patients atteints du Covid-19  , uniquement pour les cas les plus graves et à l’hôpital.

“Nous sommes évidemment demandés s’il était pertinent de basculer les patients VIH   sous Kaletra. La réponse a été très rapidement ‘non’. Nous n’avons pas identifié d’intérêt particulier justifiant ce switch”, rapporte François Dabis. Les sociétés savantes, au niveau mondial, recommandent d’ailleurs aux patients de ne pas modifier leur traitement antirétroviral s’il est efficace et de continuer à prendre leurs médicaments pendant la pandémie. L’EACS et la BHIVA suggèrent aussi aux personnes séronégatives de ne pas prendre d’antirétroviraux en dehors du cadre de la PrEP  , une stratégie thérapeutique préventive contre le VIH   qui, contrairement aux fake news circulant sur le web, n’a pas d’efficacité prouvée contre le Covid-19  .

Pas de modification de traitement

Si les personnes vivant avec le VIH   ne sont pas plus à risque que les autres, elles nécessitent toutefois un suivi particulier en ces temps de pandémie. En partenariat avec l’ANRS et des sociétés savantes, la Haute autorité de santé (HAS) a ainsi validé début avril une série de préconisations à destination des médecins. Celles-ci doivent être mises à jour dans les prochains jours afin de prendre en compte le déconfinement. Là encore, il est expliqué que rien ne plaide en faveur de la modification d’”un traitement antirétroviral efficace en cours du fait du Covid-19  ”. Il est aussi rappelé que les personnes immunodéprimées sont à risque de développer une forme grave du Covid-19  , tout comme les patients âgés et/ou présentant des pathologies chroniques cardiovasculaires ou pulmonaires. Ces populations doivent donc se protéger du virus.

Et en retour, tout le monde est appelé à respecter les gestes barrières et la distanciation physique et à appeler un médecin en cas de suspicion de Covid-19   (toux, problèmes respiratoires, fièvre, fatigue, perte de goût et/ou d’odorat…). “Il est de notre responsabilité collective de prendre toutes les précautions nécessaires afin de ne pas devenir vecteur de transmission pour les personnes les plus fragiles d’entre nous, dont font notamment partie les personnes immunodéprimées”, estime Aides. L’association diffuse sur son site de multiples recommandations pour les personnes vivant avec le VIH   ainsi que des conseils de santé sexuelle, dont une fiche “Sexualités, plans sexe et chemsex” pour réduire les risques de transmission du Covid-19  .

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