Jour J pour le Tribunal Monsanto
Publié le 13 octobre 2016 sur OSIBouaké.org
FemininBio - 12 octobre 2016 - Procès symbolique de la multinationale championne des OGM et des pesticides, le Tribunal Monsanto ouvre ses portes ce 14 octobre 2016 à La Haye. Rencontre avec Marie-Monique Robin, journaliste et marraine du tribunal.
Le Tribunal International Monsanto se tient à La Haye (Pays-Bas) à partir de ce 14 octobre 2016 pour trois jours. Cinq experts internationaux sont amenés à juger l’entreprise Monsanto, multinationale spécialiste des biotechnologies agricoles, connue surtout pour son herbicide Round Up et les semences OGM qu’elle vend dans le monde entier. Les juges s’appuieront sur les témoignages de victimes et des dossiers qui leur ont été transmis. « Nous avons invité Monsanto à participer et se défendre, mais ils n’ont pas voulu venir » précise Marie-Monique Robin, marraine du tribunal.
« Le procès est symbolique (NDRL : c’est une est une mobilisation internationale de la société civile), rappelle Marie-Monique Robin. Mais ce sont de vrais juges qui vont instruire le dossier, et l’on ne sait pas ce qu’ils vont décider. » La procédure s’appuie sur le droit actuel, c’est donc une procédure au civil, qui ne peut se conclure que par une réparation. « Ce n’est pas suffisant !, s’insurge la journaliste d’investigation et réalisatrice. Monsanto provisionne des sommes importantes pour faire face à des actions au civil. Les amendes dont ils sont sanctionnés représentent une goutte d’eau par rapport à leurs moyens ». Il faut donc faire bouger le droit et c’est bien là l’objectif central du Tribunal Monsanto.
« Avec ce procès, l’idée est de voir si on pourrait juger Monsanto en vertu d’un crime qui n’existe pas encore : le crime d’écocide, c’est-à-dire de crime contre les écosystèmes. On espère que les juges vont faire des recommandations à la Cour Pénale Internationale (CPI ) pour faire évoluer le droit dans ce sens. ». Créée en 1998 par le Statut de Rome, la CPI ne peut actuellement juger des accusés que sur quatre types de crimes : génocide, crime de guerre, crime contre l’humanité et crime d’agression. « Au XXIème siècle, nous faisons face à de nouveaux défis. Il faut donc une nouvelle figure pénale, le crime d’écocide. »
Le droit peut-il stopper la dégradation des écosystèmes et le dérèglement du climat ? Certainement pas à lui tout seul, mais ce peut devenir un levier pour responsabiliser les acteurs économiques sur la question écologique. « L’écocide permettrait de pouvoir poursuivre au pénal les dirigeants de multinationales qui en sont coupables. Si le patron de Monsanto, Bayer ou toute autre grosse multinationale sait qu’il risque la prison à vendre ce qu’il vend, peut-être commencera-t-il à faire attention, souligne encore Marie-Monique Robin. C’est un vaste débat, qui ne date pas d’hier. Lors du naufrage de l’Erika (NDLR : pétrolier qui a coulé au large de la Bretagne en décembre 1999, provoquant une terrible marée noire), les poursuites n’ont eu lieu qu’au civil et se sont conclues par des réparations financières. Mais il n’y a eu aucun procès au pénal. »
Bonne nouvelle pour les citoyens du monde mobilisés pour la session du Tribunal International Monsanto, la CPI est allée d’elle-même dans leur sens en septembre dernier, annonçant qu’elle voudrait pouvoir juger certaines affaires liées à des crimes environnementaux. « C’est bien la preuve que l’on va dans le sens de l’histoire », se félicite Marie-Monique Robin.
Pour aller plus loin : site du Tribunal Monsanto
Vandana Shiva a créé en 1991 le mouvement Navdanya pour protéger la diversité et l’intégrité des ressources vivantes, notamment les semences locales, et promouvoir l’agriculture biologique et le commerce équitable. Elle a également initié Diverse Women for Diversity, mouvement de femmes du monde entier travaillant dans les domaines de l’alimentation, de l’agriculture, des brevets et des biotechnologies. Elle est identifiée en 2003 comme héroïne de l’environnement par Time Magazine et comme l’une des 7 femmes les plus puissantes en 2010 par Forbes Magazine.
Corinne Lepage est avocate depuis 1975, spécialiste des questions environnementales. Ancienne ministre de l’Environnement, elle a été députée au Parlement européen de 2009 à 2014. Elle est présidente d’honneur du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) après en avoir été présidente fondatrice de l’association d’étude des effets produits par les techniques génétiques sur le vivant.
Marie-Monique Robin est journaliste, réalisatrice et écrivaine. Elle a réalisé de nombreux documentaires tournés en Amérique latine, Afrique, Europe et Asie et couronnés par une trentaine de prix internationaux. Elle est l’auteure du best-seller Le monde selon Monsanto : le film a été diffusé sur une cinquantaine de chaînes internationales et le livre a été traduit en 22 langues, y compris aux États Unis. Elle est la marraine du Tribunal Monsanto.
Olivier De Schutter, professeur à l’Université de Louvain et ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation de 2008 à 2014, est à présent membre du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies. Il co-préside IPES-Food, le panel indépendant d’experts sur les systèmes alimentaires durables.
Gilles-Éric Séralini est professeur de biologie moléculaire depuis 1991, chercheur à l’Institut de biologie fondamentale et appliquée (IBFA) de l’université de Caen et codirecteur du pôle Risque Qualité et Environnement Durable de la Maison de la Recherche en Sciences Humaines (pôle associé au CNRS). Il s’est fait notamment connaître du grand public pour ses études sur les OGM et les pesticides et, en particulier, une étude toxicologique publiée en septembre 2012, portée par le CRIIGEN, mettant en doute l’innocuité du maïs génétiquement modifié NK 603 et du Roundup sur la santé de rats.
Hans Rudolf Herren est président et fondateur de Biovision, et PDG du Millennium Institute. Il a coordonné le chapitre agriculture de deux rapports du PNUD : celui sur l’économie verte (2011) et celui sur les fondements écologiques de la sécurité alimentaire (2012). Il a été sélectionné comme participant de haut niveau à la consultation des Nations Unies sur la faim, la sécurité alimentaire et la nutrition dans le cadre du programme de développement post 2015.
Arnaud Apoteker, après avoir participé à de nombreuses campagnes de Greenpeace, a développé la campagne anti-OGM en France, qui est devenue ensuite l’une des actions prioritaires de Greenpeace France. Il a été en charge de la campagne OGM pour le groupe Verts/ALE du Parlement Européen. Il est auteur de l’ouvrage Du poisson dans les fraises, Notre alimentation manipulée, Paris, la Découverte, avril 1999.
Valerie Cabanes est juriste en droit international avec une expertise en droit humanitaire et droit international des droits de l’homme. Elle est consultante et formatrice en sécurité des personnes et dans le champ de la santé et du social. Elle est la porte-parole du mouvement citoyen mondial End Ecocide on Earth « Arrêtons l’écocide sur terre » qui vise à ajouter l’écocide à la liste des crimes internationaux les plus graves.
Ronnie Cummins est le directeur international de l’Organic Consumers Association aux Etats-Unis et de sa filiale mexicaine Via Organica. Il est également membre du comité de pilotage de Regeneration International, une ONG internationale visant à enrayer le réchauffement climatique et la pauvreté paysanne. Coordinateur mondial de la campagne “des Millions contre Monsanto”, il a participé au livre Genetically Engineered Food : A self-Defense Guide for consumers.
Andre Leu, président de l’IFOAM Organics International et membre fondateur de Regeneration International, est l’auteur du livre The Myths of Safe Pesticides. Il enseigne, participe à des conférences, des séminaires et des groupes de travail aussi bien qu’à des événements des Nations Unies. Il possède un savoir encyclopédique sur l’agriculture et les systèmes environnementaux à travers l’Asie, les Amériques, l’Afrique et l’Océanie. Il a publié dans de nombreux médias.