Les « boîtes à bébés » pourraient disparaître en Allemagne

Publié le 20 juin 2013 sur OSIBouaké.org

La Croix - 14/6/13 - Camille Le Tallec, à Berlin -

Le Bundestag a voté une loi ouvrant la voie à l’accouchement « confidentiel », sur le modèle de l’accouchement sous X en France pour mettre fin aux « boîtes à bébé » qui dénient le droit de l’enfant à connaître ses origines, critique l’ONU  

L’Allemagne s’achemine-t-elle vers la fin des «  boîtes à bébés  », ces dispositifs qui permettent d’abandonner anonymement un nouveau-né  ? C’est avec l’objectif affiché de les rendre « obsolètes » que le Bundestag (chambre basse du Parlement fédéral) a voté vendredi 7 juin une loi autorisant l’accouchement « confidentiel ».

Si celle-ci est validée par le Bundesrat (chambre des régions), une femme pourra accoucher sous X à partir du 1er mai 2014. Son identité sera conservée par l’administration, et l’enfant pourra, à partir de 16 ans, demander à connaître le nom de sa mère. Si celle-ci s’y oppose, la décision sera confiée à un juge.

La fermeture des «  boîtes à bébés  » n’est pas prévue dans l’immédiat, mais un bilan de la nouvelle loi, au bout de trois ans, devra dire si elles sont encore nécessaires.

DROIT À L’ANONYMAT CONTRE DROIT À CONNAÎTRE SES ORIGINES

Courant en Europe du Moyen Âge au XIXe siècle, le dispositif est réapparu outre-Rhin, sous sa forme moderne, en 1999. Il en existe aujourd’hui une centaine sur tout le territoire. Le nourrisson est déposé dans un couffin chauffé, accessible par une trappe métallique, aux abords d’hôpitaux et de cliniques souvent gérés par des communautés religieuses. La femme a le temps de s’éloigner avant qu’une alarme informe le personnel de la présence d’un bébé.

La nouvelle loi « prend en compte le souhait d’anonymat de la mère et le droit de l’enfant à connaître ses origines », s’est félicitée la députée conservatrice, spécialiste des affaires familiales, Ingrid Fischbach. C’est au nom de ce principe, inscrit dans la Convention internationale des droits de l’enfant, que l’ONU   critique les «  boîtes à bébés  ».

En 2009, le Comité allemand d’éthique, une institution indépendante composée de 26 experts, avait aussi tiré la sonnette d’alarme et recommandé leur interdiction, ainsi que celle de l’accouchement anonyme, pratiqué dans au moins 130 cliniques. Deux dispositifs qui ne font l’objet d’aucune réglementation outre-Rhin.

DEPUIS 1999, 278 ENFANTS DÉPOSÉS DANS DES « BOÎTES À BÉBÉS »

Il n’existe d’ailleurs pas de chiffre officiel sur le nombre d’enfants abandonnés à la naissance. L’Institut allemand pour la jeunesse en a recensé 973 entre 1999 et 2010, dont 652 à la suite d’un accouchement anonyme, 278 déposés dans des «  boîtes à bébés  », et 43 confiés à du personnel soignant.

« Les solutions a minima sont nécessaires pour protéger la vie de l’enfant », défend Matthias Kopp, porte-parole de la conférence épiscopale allemande. Loin de rendre les boîtes à bébés superflues, l’accouchement confidentiel pourrait, selon lui, être une possibilité complémentaire. « Tout dispositif favorisant la prise en charge de la mère et de son enfant par une équipe médicale est le bienvenu, mais la pluralité des options permet de toucher un maximum de femmes en détresse », souligne Matthias Kopp.

C’est aussi l’avis de Regine Hölscher-Mulzer, chargée du soutien aux femmes enceintes au Service social des femmes catholiques (SkF), qui gère neuf «  boîtes à bébés  ». « On peut imaginer que certaines femmes préféreront rester dans un complet anonymat », souligne-t-elle.

INEFFICACES CONTRE LES INFANTICIDES

L’ONG Terre des hommes aurait quant à elle souhaité l’interdiction des «  boîtes à bébés  », soulignant qu’elles ne sont d’aucun secours contre l’infanticide. Nombre de médecins assurent que l’abandon et le meurtre d’un nouveau-né relèvent de deux processus psychologiques distincts, l’abandon n’étant généralement pas envisagé par les mères infanticides. Selon Terre des hommes, quelque 313 nouveau-nés ont été retrouvés morts en Allemagne entre 1999 et 2012.

De nombreuses voix s’élèvent en tout cas pour réclamer l’établissement immédiat de normes contraignantes afin d’encadrer ces pratiques d’abandon. Un groupe de travail, mis en place par le ministère de la famille, tente actuellement de définir des « standards minimaux » pour la gestion de «  boîtes à bébés  ». « Tous les opérateurs ont leurs propres habitudes, reconnaît Regine Hölscher-Mulzer. Les procédures de prise en charge des nouveau-nés peuvent varier. »

Certains organismes attendent ainsi huit semaines après la naissance d’un enfant – durée pendant laquelle aucune procédure d’adoption ne peut être engagée, ce qui laisse à la mère la possibilité de revenir sur sa décision – avant d’informer l’état civil.

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