Sida : 30 ans de pandémie, de recherches et d’évolution

Publié le 22 mai 2013 sur OSIBouaké.org

Métro - Thomas Roure - 20 Mai 2013 - C’était il y a tout juste trente ans. Le 20 mai 1983, une équipe de chercheurs français de l’institut Pasteur identifiait un virus jusque-là méconnu, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH  ), soupçonné d’être responsable du syndrome d’immunodéficience acquise (sida  ).

Un macabre anniversaire, d’autant que le fléau n’est toujours pas éradiqué. Pourtant, à l’époque de la découverte du virus du sida  , les chercheurs estimaient qu’un vaccin allait rapidement être découvert, évoquant même le délai de deux ans avant sa commercialisation. Trente ans plus tard, si la recherche a fait un bond énorme en avant, il n’y a toujours aucun vaccin, qu’il soit préventif ou thérapeutique. Retour sur trois décennies de pandémie.

1978, le patient zéro identifié… à tort

Longtemps, on a pensé que le patient zéro, c’est-à-dire le premier cas de séropositivité, était un steward homosexuel québécois identifié en 1978 et mort en 1984. En fait, il n’en est rien, et il semblerait que des cas seraient apparus aux Etats-Unis dès 1969, selon une étude parue le 29 octobre 2007 dans les Annales de l’Académie nationale américaine des sciences.

Ce n’est pourtant qu’au début des années 1980 que des médecins américains voient débarquer dans leur cabinet de jeunes homosexuels atteints de maladies rares comme le sarcome de Kaposi, débouchant sur une mort certaine. Ce type de syndrome fut d’abord identifié sous le nom de GRID (Gay Related Immune Deficiency, c’est-à-dire immunodéficience liée à l’homosexualité), avant qu’on réalise qu’il n’y avait aucun lien entre ce virus et l’homosexualité.

1983, une équipe de chercheurs français met à jour le virus du sida  

En janvier 1983, Willy Rozenbaum, un infectiologue travaillant à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière, prélève pour le professeur Chermann et son assistante Françoise Barré-Sinoussi un ganglion cervical chez un jeune homosexuel de trente-trois ans (mort du sida   en 1988) qui avait séjourné à New York en 1979. Une culture des lymphocytes de ce patient permet quelques semaines plus tard, le 4 février, d’observer le virus au microscope. Cette découverte sera publiée le 20 mai 1983 dans la revue américaine Science.

1996, l’arrivée des antirétroviraux fait chuter le taux de mortalité

Depuis, les choses sont allées très vite  : "Il est clair que jamais on n’avait été aussi vite pour identifier une nouvelle maladie, identifier sa cause, apporter des réponses thérapeutiques et arriver au résultat d’aujourd’hui", résume le Pr Willy Rozenbaum. "L’arrivée, en 1996, des traitements combinés surnommés trithérapies a radicalement changé la donne en permettant aux séropositifs dépistés précocement d’avoir une durée de vie équivalente à celle de la population générale, avec un risque de transmettre la maladie extrêmement faible", souligne ce clinicien à l’AFP. En un an, on constate une diminution de la mortalité due au sida   de 25 %, alors que la transmission du virus de la mère à l’enfant chez la femme enceinte passe sous la barre des 2 %.

2008, année du prix Nobel et de la "déclaration suisse"

Cette année-là, les professeurs Luc Montagnier et François Barré-Sinoussi reçoivent le prix Nobel de médecine pour la découverte du virus 25 ans plus tôt. Prix Nobel qui fait polémique, puisque le professeur Chermann, à l’origine de cette découverte, n’est pas récompensé. La même année, des chercheurs suisses publient une déclaration, intitulée la "déclaration suisse", qui fait polémique dans le milieu scientifique. Les Professeurs Bernard Hirschel et Pietro Vernazza affirment que les personnes séropositives, en l’absence d’autres infections sexuellement transmissibles (IST) et suivant un traitement antirétroviral efficace, ne transmettent pas le VIH   par voie sexuelle. Les recherches ont depuis montré que le taux de contamination, s’il est faible, n’est pas nul.

2010, deux essais prometteurs sur l’efficacité des antirétroviraux

L’efficacité de l’utilisation d’antirétroviraux pour prévenir la transmission est mise en évidence dans plusieurs essais  : le TasP (Traitements as Prevention) indique que traiter toutes les personnes infectées, quel que soit leur taux de CD4, permet de réduire le taux de contamination de 95 %. La PrEP   (Prophylaxie Pré-Exposition), qui préconise de traiter des personnes non infectées avant une exposition, induirait une réduction des contaminations de 44 % à 73 %. Cette dernière méthode de prévention, autorisée aux Etats-Unis depuis juillet 2012, est pour l’instant interdite en France.

2013, l’espoir de l’étude Visconti et les "rémissions fonctionnelles"

Le 14 mars 2013, l’étude Visconti rapporte les cas de 14 patients adultes contrôlant leur infection VIH   plus de sept ans après l’arrêt de leur traitement. Après la description début mars d’un bébé en état de "rémission fonctionnelle", cette étude confirme le rôle déterminant d’une intervention thérapeutique précoce pour contrôler l’infection. "Il y a de multiples données aujourd’hui qui montrent que le traitement précoce a de multiples avantages y compris sans doute celui de permettre au système immunitaire de ne pas perdre la course qu’il mène contre le virus. Mais pour traiter tôt, il faut dépister tôt", explique le professeur Rozenbaum.

Dans le même temps, les essais vaccinaux se poursuivent, que cela soit pour les vaccins préventifs ou thérapeutiques. Mais pour l’heure, toujours pas de résultats concluants ni de commercialisation en vue.

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