Les libérateurs d’une esclave moderne échappent aux sanctions de leur direction

Publié le 18 mai 2013 sur OSIBouaké.org

Libération - 16 mai 2013 - Par Sylvain Mouillard -

Quatre employés de l’hôtel Concorde Opéra, qui avaient libéré une Éthiopienne asservie, s’opposaient à leur directeur. Selon nos informations, les lettres de sanctions qui leur avaient été adressées ont été retirées.

Épilogue heureux dans l’affaire du Concorde Opéra. La direction de l’hôtel de luxe parisien a décidé « d’annuler » les « lettres de rappel » envoyées à quatre employés syndiqués, qui avaient participé, l’an passé, à la libération d’une employée de maison réduite en esclavage. Retour en arrière : le 13 juillet 2012, Z., une jeune Éthiopienne de 22 ans, voit son calvaire prendre fin. Au service d’une famille de Dubaï depuis un an et demi, privée de son passeport et battue quotidiennement, elle est prise en charge par une association de lutte contre l’esclavage moderne. C’est l’intervention de quatre syndicalistes de l’hôtel Concorde Opéra, un établissement quatre étoiles du VIIIe arrondissement de Paris, qui la sauve.

Mais l’affaire n’en reste pas là. Quelques semaines plus tard, la direction du Concorde Opéra envoie quatre « lettres de rappel » aux salariés, dans lesquelles elle pointe « l’extrême gravité de ne pas avertir immédiatement la direction générale de faits se déroulant dans l’hôtel ». Claude Rath, le directeur, se plaint de ne pas avoir été mis au courant de la situation. Claude Lévy, délégué CGT des hôtels de prestige, s’étonne d’une telle virulence. Il dénonce le cynisme du directeur, qui aurait reproché aux syndicalistes libérateurs d’avoir « fait perdre du chiffre d’affaires à l’établissement » en provoquant le départ de clients fortunés.

« Haut caractère humanitaire et fort potentiel de paix sociale »

L’intéressé dément et refuse tout retrait des lettres, estimant qu’il s’agit d’un « rappel à la procédure » et non de « sanctions disciplinaires ». L’affaire arrive devant le tribunal des prud’hommes, où chaque partie campe sur ses positions. La procédure, encore en cours, devrait en rester là. Car dans des courriers datés du 15 mai, que Libération a pu consulter, Steven Goldman, président de la section hôtellerie du groupe Starwood (auquel appartient le Concorde Opéra), siffle la fin de la partie.

Aux quatre salariés mis en cause, il explique avoir « annulé » les lettres de rappel, « dans un signe d’apaisement des relations sociales ». Le délégué CGT Claude Lévy salue une décision « à haut caractère humanitaire et à fort potentiel de paix sociale ». En effet, outre l’abandon des procédures contre les syndicalistes – qui pourraient d’ailleurs être décorés de l’ordre national du Mérite –, la direction du groupe s’engage à offrir une promesse d’embauche à la jeune femme éthiopienne et à faciliter son dossier de régularisation en France.

Claude Lévy éclaire ce revirement. « Le groupe Starwood se désengage progressivement de l’hôtellerie de luxe. Notre préalable, pour que ça se passe en douceur et en bonne intelligence, c’était le règlement de cette affaire. »

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