Manuel ne pensait pas vivre jusqu’à 30 ans

Publié le 5 avril 2013 sur OSIBouaké.org

Ouest France - Pierrick Baudais - vendredi 05 avril 2013 - Le Sidaction débute ce vendredi pour une durée de trois jours. À Paris, Manuel Picaud vit avec le virus depuis 27 ans. Un quotidien heureux, mais pas tout à fait ordinaire.

« C’est vrai que je suis un dinosaure. Manuel Picaud, 47 ans, en sourirait presque. Ce Parisien vit avec le virus du sida   depuis qu’il a 20 ans. Une contamination par voie sexuelle comme la plupart des personnes atteintes, qu’elles soient homo ou hétérosexuelles.

« À cette époque, je ne pensais pas dépasser les 30 ans. Aujourd’hui, je suis content de vieillir. » Toujours avec la maladie, cette vieille dame de compagnie qui vous rappelle à l’ordre si vous ne vous occupez plus d’elle.

Manuel Picaud a pris des kilos de médicaments. L’AZT, d’abord, une des premières substances approuvées dans le traitement du sida  . Puis ce furent les bi et trithérapies (l’association de deux ou trois inhibiteurs).

« Je ne peux conserver le même traitement plus de deux ou trois ans, sinon ce sont des allergies cutanées. Ou un œdème de Quincke », un gonflement rapide de la peau.

« Il n’y a pas que les cachets »

En 2004, il participe à un essai thérapeutique destiné à tester une nouvelle molécule. « Cela m’a flingué le foie. J’ai eu une hépatite médicamenteuse. Durant six mois, j’ai dû tout arrêter. »

Le verdict fut immédiat. Sa charge virale (le nombre de copies de VIH   dans le sang) est remontée.

Aujourd’hui, Manuel Picaud va bien, malgré une trithérapie contraignante. Il avale une quinzaine de pilules par jour. « L’autre soir, j’ai préparé toutes mes doses pour le mois : 30 petits flacons remplis de cachets. Cela me permet de moins y penser ensuite. »

Aux pilules contre le VIH   s’ajoutent celles contre les effets secondaires : diarrhées, nausées, sommeil perturbé... « Certains médicaments rendent fous. »

Mais vivre avec le sida  , « ce n’est pas simplement prendre des cachets ». En octobre, avec son compagnon Alain, il était en quête d’une compagnie d’assurance, dans le cadre d’un prêt relais d’un an. Aucune n’a accepté.

« Certaines m’ont dit qu’elles n’avaient pas de statistiques avec des gens comme moi. Elles ne pouvaient donc pas prendre le risque. Je leur ai répondu : "Mais si vous n’essayez pas avec moi, vous n’aurez jamais de stats !" »

Dans sa vie intime aussi, plusieurs amants ont préféré cesser toute relation dès que Manuel leur apprenait sa séropositivité. Seul Alain, rencontré en 1996, « m’a dit : "Et alors ?" Si, à l’époque, on avait pu se marier, je lui aurai demandé de m’épouser sur l’instant », plaisante-t-il encore ému.

Depuis quelques années, ce militant de l’association Actif santé ne craint plus de témoigner. La découverte de sa maladie, en 2004, par son employeur lui a sans doute coûté son poste de cadre bancaire.

Désormais, libéré de ce « secret », il est rédacteur en chef d’un site spécialisé dans la bande dessinée. Et goûte chaque instant « sans savoir à quoi demain ressemblera ».

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