Vote de la loi contre l’impunité : encore un effort !

Publié le 1er avril 2013 sur OSIBouaké.org

ACAT France - Mars 2013 -

Le sénat a examiné le 26 février une proposition de loi destinée à permettre aux tribunaux français de poursuivre les auteurs de crimes de guerre, génocides et crimes contre l’humanité.

Sur les quatre verrous ajoutés par le Parlement en 2010, et qui rendaient pratiquement impossibles les poursuites de criminels internationaux devant nos tribunaux, le Sénat en a levé trois. Mais il en reste encore un : le monopole du Parquet en matière de poursuite de crimes de guerre et contre l’humanité qui verrouille l’accès des victimes à la justice...

"Certains sujets murissent pendant la navette parlementaire" : on avait presque l’impression, au Sénat, que Christiane Taubira s’excusait auprès de la sénatrice communiste Cécile Cukierman de donner un avis défavorable à son amendement qui proposait de supprimer le monopole du Parquet.

La Ministre de la Justice a jugée à titre personnel "pas totalement satisfaisante" la solution proposée par le rapporteur concernant ce monopole du parquet et a insisté sur la nécessité de travailler encore, jusqu’au passage de la loi à l’Assemblée nationale et son retour au Sénat, afin de concevoir des critères permettant d’encadrer les conditions dans lesquelles les victimes de tels crimes pourraient accéder au juge.

Le Sénat a donc adopté la proposition de loi à l’unanimité. Même l’UMP, qui avait voté les 4 verrous à l’été 2010, a reconnu qu’ils étaient "excessifs, inapplicables et inadéquats".

La condition de résidence habituelle du suspect en France est donc abandonnée au profit d’une simple condition de présence. On n’exigera plus que les faits soient punis par la loi du pays où ils ont été commis. Enfin, le Parquet ne demandera plus à la Cour pénale internationale (CPI  ) de se prononcer la première, comme le prévoyait la loi de 2010, dans des conditions incompatibles avec le Statut de Rome puisque celui-ci donne au contraire la priorité aux États.

Reste le monopole du Parquet, "sujet délicat entre tous" selon la ministre, qui ajoute "Il paraît inconcevable de dire sans autre forme de procès qu’une victime ne peut engager l’action publique ; mais en même temps on ne peut ignorer l’expérience qu’ont vécue d’autres pays" et la crainte de voir les tribunaux français envahis et instrumentalisés par des plaintes venues du monde entier.

La Coalition française pour la CPI, dont l’ACAT est secrétaire générale, a largement fait connaître sa position sur le sujet : le droit commun offre déjà tous les outils permettant à la justice française de résister à un tel danger, tout de même très exagéré. Nous l’avons entendu : le débat n’est pas clos. Nous le poursuivrons à l’Assemblée nationale, en espérant qu’elle soit très rapidement saisie...

- En savoir plus

En ratifiant le Statut de la Cour pénale internationale (CPI  ) en 2000, la France s’est engagée à assumer sa part de responsabilité s’agissant de la répression des crimes internationaux les plus graves. La CPI   n’a pas vocation à juger tous les bourreaux de la planète, et ces derniers sont le plus souvent à l’abri de toutes poursuites devant leurs tribunaux nationaux. C’est pourquoi, afin d’éviter que ces mêmes bourreaux n’échappent à toute justice, les États ont la responsabilité de poursuivre les auteurs présumés de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crime de génocide. En 2010, une loi, unanimement dénoncée par l’ACAT et de nombreuses organisations de défense des droits de l’Homme, a verrouillé toute possibilité de poursuivre ces criminels.

Toute victime de crime, d’un vol de voiture à un acte de torture, a le droit en France de se constituer partie civile. Pourtant par cette loi, les victimes des crimes les plus massifs et les plus abominables en sont privées. Le monopole du parquet empêche les victimes et les associations de défense des droits de l’Homme d’enclencher elles mêmes l’action publique.

Pendant sa campagne pour l’élection présidentielle, François Hollande s’était explicitement engagé dans une lettre adressée à l’ACAT :

« Je n’accepte pas le mécanisme juridique existant qui défend (protège) des bourreaux en France. La Loi du 9/08/2010 ne permet pas aux victimes des crimes internationaux les plus graves d’obtenir justice dans notre pays. Les possibilités de poursuites à l’encontre des auteurs présumés de ces crimes sont restreintes (…) Je veux, bien entendu, revenir sur ces restrictions ».

L’ACAT-France travaille depuis de nombreuses années, au sein de la Coalition pour la CPI  , pour permettre aux victimes d’obtenir justice. Elle appelle l’Assemblée nationale à retirer au Parquet le monopole de poursuite des crimes de guerre et contre l’humanité.

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