La cybercriminalité de l’ivoire en plein essor

Publié le 19 mars 2013 sur OSIBouaké.org

Blog Le Monde Ecolo - Mercredi 06 mars 2013 - par Audrey Garric -

C’est une menace aussi dangereuse pour la survie des éléphants africains que les balles des braconniers : le marché noir du trafic d’ivoire qui prolifère sur le Web. Des défenses prélevées illégalement sont achetées et vendues sur d’innombrables forums et sites internet à travers le monde, y compris via le géant de l’internet Google, avec une fréquence croissante, pointe mercredi 6 mars un rapport d’Interpol, alors que se tient à Bangkok la conférence internationale de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites).

Pendant deux semaines, l’organisation internationale a passé au crible 83 sites Internet de ventes aux enchères de neuf pays d’Europe. Résultat : 660 annonces d’objets en ivoire ont été découvertes, soit un volume total d’environ 4 500 kg d’ivoire et une valeur de 1 450 000 euros. Suite à cette opération, six enquêtes nationales et trois enquêtes internationales ont été lancées dans des cas où l’ivoire était décrit comme neuf ou s’il était importé de l’étranger.

Ces objets étaient essentiellement des statues (à 41 %), suivies de bijoux, principalement des colliers et des bracelets (9 %), de défenses sculptées (7 %) ou de l’ivoire ou des défenses bruts (7 %). Interpol a aussi classé 29 % des trouvailles dans une catégorie "divers" en raison de leur hétérogénéité (étuis à couteau, vases, bourses, boîtes, etc.). Ces objets étaient mis en vente sous les catégories "antiquités", "objets d’art" ou "collection".

"L’Internet est anonyme et accessible 24 heures/24 : la vente en ligne d’ivoire illégale présente un faible risque et une rentabilité élevée pour les criminels", regrette Tania McCrea-Steele, chargée de campagne pour le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), citée par Associated Press. Selon Interpol, le kilo d’ivoire se vend entre 450 et 1 700 euros en Europe.

Mais la cybercriminalité relative aux espèces sauvages est loin de concerner seulement l’Europe. En janvier 2012, une enquête d’IFAW avait déjà recensé 17 847 produits en ivoire mis en vente sur 13 sites Internet chinois – l’une des principales destinations des défenses braconnées –, alors qu’aucun de ces produits ne possédait l’autorisation gouvernementale requise. L’année d’avant, un autre rapport épinglait 669 annonces d’objets en ivoire sur 43 sites au Royaume-Uni, en France, au Portugal, en Espagne et en Allemagne. Et en 2008, l’enquête La mort à cl@vier portant indiquait que l’ivoire était le premier produit dérivé d’espèces sauvages vendu en ligne.

Mardi, une autre ONG, la Environmental Investigation Agency (EIA), a publié un communiqué dans lequel elle affirme que 10 000 annonces mises en ligne sur le site d’achat de Google au Japon font la promotion de la vente d’ivoire. Environ 80 % de ces annonces portent sur des "hanko", des tampons qui sont fréquemment utilisés au Japon pour apposer une signature sur des documents officiels. Le groupe affirme que les ventes de hanko au Japon alimentent la demande pour l’ivoire africain et accuse Google de faire la sourde oreille à ses demandes.

"Alors que les éléphants sont massacrés à travers l’Afrique pour produire des babioles en ivoire, il est choquant de découvrir que Google, malgré les énormes ressources dont il dispose, ne parvient pas à respecter ses propres politiques", écrit l’EIA. Google a confirmé mardi que ces publicités étaient interdites. Et d’assurer, cité par l’AFP : "Dès que nous détectons des publicités qui violent nos politiques, nous les supprimons."

Le braconnage des éléphants atteint des proportions jamais vues en vingt ans, alors que le commerce international de l’ivoire est interdit par la Cites depuis 1989. Selon le rapport d’Interpol, 2011 a été la pire année en matière de saisies d’ivoire depuis 1989 : 23 tonnes ont été confisquées dans le cadre de saisies dites importantes (plus de 800 kg) en Asie et en Afrique, ce qui représente environ 2 500 éléphants tués. La Fondation Born Free parle, elle, de 32 000 éléphants tués en Afrique au cours des douze derniers mois. Alors qu’environ 5 millions de pachydermes fréquentaient les plaines subsahariennes il y a 70 ans, il n’en resterait plus que entre 420 000 et 650 000 aujourd’hui.

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